China Labor Watch : le vrai visage des usines de Barbie en Chine

« Approchez Mesdames et Messieurs, approchez ! » Devant le JouéClub de Richelieu-Drouot, dans le IXe arrondissement de Paris, on vante à la criée un jouet pas comme les autres : Barbie Ouvrière. « 13 h de travail par jour, fonctionne sans protection sociale ! », peut-on lire sur l’emballage rose bonbon planté sur le trottoir. Pas comme les autres ? Pas si sûr.
 
À l’appel de plusieurs associations, ce happening vise à « dénoncer les violations » dont sont victimes les ouvriers qui fabriquent les jouets en Chine. À commencer par la star d’entre tous : la poupée Barbie de Mattel. L’ONG chinoise China Labor Watch (CLW) vient d’enquêter auprès de six de ses fournisseurs et le verdict est sans appel. « Comme leur salaire est trop bas pour subvenir aux besoins alimentaires, les travailleurs enchaînent les heures supplémentaires. Les conditions de travail sont épouvantables : les dortoirs sont surpeuplés et la cantine est réservée aux cadres », témoigne M. Zhang (l’identité a été changée), qui a passé plusieurs mois dans une usine.

Déficit d’information

Officiellement, Mattel s’assure que les conditions de travail de toutes ses parties prenantes sont correctes. L’entreprise a même été une des premières a adopter un « code de bonne conduite  » dans l’industrie du jouet. Mais « dans les faits, les informations sur la question en Chine sont inexistantes », explique Fanny Galois, spécialiste de la dignité au travail dans l’industrie du jouet et de l’électronique, de l’ONG Peuples Solidaires. « Les politiques locaux, qui doivent rendre des comptes au Parti, ferment les yeux de peur de nuire à l’attractivité économique de leur territoire. Les rares audits sont donc effectués par les entreprises elles-mêmes et ne reflètent pas la réalité. »

Kevin Slaten, coordinateur chez CLW, dresse le portrait de ces Chinois qui acceptent de prendre des risques pour témoigner des conditions de travail réelles dans les usines. « Les ouvriers eux-mêmes sont trop pris à la gorge financièrement pour risquer de perdre leur emploi et acceptent beaucoup d’humiliations, même des vols de salaires. Nos inspecteurs sont souvent d’anciens travailleurs qui ont réussi à accéder à un niveau de vie plus confortable mais savent ce que traversent leurs semblables et veulent alerter l’opinion. » Ils seraient de plus en plus nombreux au sein de la société civile chinoise à se mobiliser pour une information indépendante, selon l’homme.

Un espion dans l’usine
 
Le premier contact est souvent pris par mail avec maintes précautions. Car le gouvernement chinois voit d’un mauvais œil ces trouble-fêtes, prêts à salir l’image du « plus grand atelier du monde » aux yeux des investisseurs internationaux. Par la suite, les enquêteurs se font embaucher sous une fausse identité et attendent de finir leur contrat de travail pour s’exprimer. « Je vous demande de flouter son visage », interpelle un membre de l’ONG lorsque les caméras et les micros s’agglutinent autour de M. Zhang, fraichement arrivé à Paris et visiblement un peu étourdi par toute cette agitation.

Le cas Mattel est-il représentatif ? Affirmatif pour M. Zhang. « Apple, Samsung, Carrefour, Walmart ne paient pas leurs heures supplémentaires. Mais en dénonçant le phénomène, les choses changent. » La travail d’information de l’ONG peut donc payer. « Il y a une réelle amélioration globale des conditions de travail en Chine. La loi est d’ailleurs théoriquement assez contraignante à ce sujet », assure Kévin Slaten. « Mais il faut forcer les entreprises à mettre leurs actes en conformité avec leurs discours et avec la loi en alertant l’opinion publique. » C’était tout le sens du rassemblement.

Lire le rapport complet en français.

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