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Chine : Bienvenue dans le pays de la dictature 4.0

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Sur le tronc des platanes de Shanghai, des caractères mystérieux s’affichent sur une simple feuille scotchée. Accroupi sur le trottoir, le vendeur de fruits au visage ridé surveille ses étals de bananes, longanes et autres fruits exotiques. Un client surgit, il scanne d’un coup de smartphone le QR code photocopié avant d’embarquer son sac d’abricots. Le cash n’est plus roi dans la Chine renaissante du président Xi Jinping. Il est même en voie de disparition. Le QR code est le nouveau sésame de la vie quotidienne dans la deuxième économie mondiale.

D’un coup de scan ou de pouce sur son téléphone, on paie son bol de nouilles, son loyer ou son taxi. Pour le touriste de passage, la journée devient un parcours du combattant s’il n’est pas équipé des applications indispensables, et nécessairement relié à un compte en banque chinois pour être efficace. Alipay : le système de paiement en ligne du géant du e-commerce Alibaba, basé à Hangzhou, aux 520 millions d’utilisateurs, ou bien la messagerie WeChat du rival Tencent, au 1 milliard d’usagers. Et bien sûr Didi, le Uber chinois qui a vaincu l’envahisseur américain.

SUPERPUISSANCE DE LA TECH

La Silicon Valley n’a qu’à bien se tenir, et ses gourous viennent désormais dans l’Empire du Milieu découvrir « l’économie sans liquide » qu’ils avaient prédite. Aujourd’hui, 61 % des acheteurs en ligne de la planète sont en Chine, et le nombre de transactions mobile y est 50 fois plus élevé qu’aux États-Unis. En 2017, elles ont représenté la somme de 37,6 milliards de dollars, soit une hausse de 46 % par rapport à l’année précédente, selon les chiffres de la Banque Centrale de Chine rapportés par le site Ifeng. Mark Zuckerberg apprend le mandarin et rampe devant le Parti communiste, dans l’espoir d’alléger la censure qui bloque Facebook, ainsi que les principales sources d’information occidentales.

En quelques années, la Chine est passée du statut de pays émergent en quête de rattrapage, à celui de nouvelle superpuissance de la tech, défiant le monopole américain. Une mutation stupéfiante vécue au quotidien dans les grandes métropoles, et scandée par des start-up devenues mastodontes. À l’image des vélos partagés qui surgissent sur les trottoirs de Shanghai en 2016,
sonnant la digitalisation du principe du Vélib. Malin.

Mais la principale force de la nouvelle Chine technologique est d’allier deux vertus jugées contradictoires : la vitesse et la massification. Les petits vélos orange de la start-up Mobike se déploient par centaines de milliers en quelques mois à travers le pays. Un an à peine plus tard, la pépite contrôlée par Tencent part à l’assaut du monde en commençant par Singapour. Et dès 2018, la voilà en embuscade dans les plus grandes métropoles mondiales de Washington à Paris.

Une digitalisation omniprésente

Dans cette bataille mondiale de l’innovation, le premier marché en ligne de la planète offre un atout clé. «La force des start-up chinoises vient de l’ampleur de leurs données récoltées qui leur permet d’obtenir des retours à grande échelle très rapidement pour ajuster leurs produits. Cela leur fait gagner du temps», analyse San-ghwan Yang, directeur de D2SF, un incubateur à Séoul, financé par Naver, le « Google sud-coréen ».

Le royaume de Samsung est bousculé par la vitesse du rattrapage technologique chinois. À l’image des Huawei, Xiaomi ou Oppo, qui grignotent les parts de marché du numéro un mondial de la téléphonie mobile.

Vivre dans une grande ville chinoise en 2018, c’est vivre un puissant paradoxe : une digitalisation omniprésente, à l’ampleur sans précédent, couplée à une reprise en main idéologique implacable, depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2013. Au nom de la cyber souveraineté, le Parti Communiste renaissant accouche d’une dictature 4.0 unique qui dément les prédictions de l’Occident : l’innovation technologique irait de pair avec la libération des esprits et l’émancipation politique. Au contraire, le grand bond en avant technologique offre à Pékin des outils nouveaux pour surveiller la société, et mettre au ban les trouble-fête.

Dans la province occidentale du Xinjiang, agitée par les frictions entre le pouvoir et la communauté ouïghour, les autorités usent de la reconnaissance faciale pour détecter tout mouvement des individus « suspects » de séparatisme. Cette région est un laboratoire de la surveillance de masse high-tech, dont les usages les plus efficaces pourront être déclinés à l’échelle du pays le plus peuplé de la planète. La révolution technologique ne fait que commencer.

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