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Chômage de longue durée : ces 10 territoires ont l’antidote !

Halima est en recherche d’emploi depuis deux ans quand elle entend parler, en 2016, du projet mené par la municipalité de Villeurbanne pour le quartier Saint-Jean : créer une entreprise qui ne recruterait en CDI et à temps choisi que des profils comme le sien, au chômage depuis plus d’un an et résidents du quartier.
 
Les salariés n’y exerceraient que des activités sur mesure. “J’ai imaginé les activités que je voulais et que je pouvais exercer, comme le soutien scolaire, la formation à l’informatique, des services que les autres entreprises locales n’assuraient pas. Je prenais un risque, celui d’être profondément déçue si l’entreprise ne voyait pas le jour, mais aujourd’hui EmerJean existe bien.” 
 
EmerJean est l’une des dix “entreprises à but d’emploi” (EBE) créées en 2017 sur dix communes ou communautés de communes de l’hexagone pour expérimenter pendant cinq ans le projet “territoires zéro chômage de longue durée”  portée par l’association du même nom, TZCLD. Le projet est né d’une idée simple, d’ATD Quart Monde.

Les salariés d’EmerJean, l’EBE du quartier Saint-Jean à Villeurbanne, le 29 mars (crédit Marie Ferapie)

Un chômeur de longue durée coûte 18 000 euros en moyenne par an à l’État et la collectivité ; pourquoi ne pas convertir cette somme en salaire au SMIC, à travers un outil ad hoc, un fonds de collecte des aides publiques pour financer les EBE ? Cette idée a été inscrite dans la loi du 29 février 2016, votée à l’unanimité par le Parlement.
 
Chaque EBE est financée aux deux tiers par ce dispositif et pour le reste, par ses activités commerciales. À cette date, le bilan est positif, se réjouit Laurent Grandguillaume, président de TZCLD : “En un an, 25 % des chômeurs de longue durée de ces dix territoires ont été embauchés. Les EBE génèrent un chiffre d’affaire suffisant pour grossir leurs effectifs. Une onzième EBE a même été créée mi-mai en Meurthe-et-Moselle”

Imaginer de nouvelles activités pérennes

L’idée d’”activer les dépenses passives”, et de transformer en salaire les allocations versées par l’Etat et les collectivités ne date pas d’hier. Elle est à l’origine du RMI créé en 1988 sous le gouvernement de Michel Rocard.
 
Elle a été reprise en 1995 par Jacques Chirac pendant sa campagne présidentielle ; il proposait “une exonération complète de charges sociales assortie d’une subvention de 2.000 francs par mois [soit l’équivalent de 55 % environ des allocations-chômage] pour toute embauche de chômeur de longue durée sur une activité nouvelle”  (Libération, 17 janvier 1995).L’idée a été rejetée : cette mesure aurait produit un effet d’aubaine qui aurait pénalisé les autres demandeurs d’emploi. 
 
“Il y a des besoins auxquels les entreprises ne répondent pas, parce que ce ne serait pas suffisamment rentable ; ce sont ces besoins-là que les EBE veulent satisfaire” explique Denis Prost, chef du projet TZCLD des communes bretonnes de Pipriac et Saint Ganton, en Ille-et-Vilaine.

La p’tite camionette, l’épicerie ambulante de TEZEA, l’EBE de Pipriac, le 8 juin (crédit Annie Leray)

Entre vingt et quarante activités non concurrentielles ont ainsi été créées par les salariés des EBE : petits travaux de maintenance, blanchisserie, recyclage et compostage des déchets, maraîchage urbaine, épicerie ambulante… qui débouchent parfois sur une proposition d’emploi.

Je faisais depuis un an des tâches administratives pour la maison de santé de Pipriac quand elle m’a proposé un poste de secrétaire médicale à mi-temps, raconte Lucie. J’ai signé mon CDI le 1ermars, un an et deux mois après avoir signé avec l’EBE le CDI qui mettait fin à une inactivité professionnelle de huit ans”.

“Chaque fois qu’on imagine une activité que ni le centre social ni les entreprises locales n’assurent, explique Bertrand Foucher, président d’EmerJean, on vise la pérennité de l’emploi créé, plus que la pérennité de l’entreprise. L’EBE n’est qu’un tremplin.”

Des territoires dynamisés

Pour fonder une EBE il faut mobiliser tout un territoire. Deux ans de travail de communication, du porte-à-porte souvent, pour informer les habitants et les chômeurs éligibles, vaincre la peur de certains de n’être plus capables, rassurer les entreprises, les convaincre de rentrer au capital ou de nouer un partenariat, avant de créer l’entreprise. C’est un projet qui ne peut se construire qu’à l’échelle d’un petit territoire de 5 000 à 10 000 habitants.

La carte des territoires habilités en 2016 à expérimenter le projet “territoires zéro chômage de longue durée” (crédit TZCLD)

“Notre projet au fond est plus qu’un remède au chômage, commente Aurelie Mathelin, cheffe de projet TZCLD en Meurthe-et-Moselle. C’est tout un territoire qui se reconsidère, qui examine le potentiel de ses femmes et de ses hommes, ses ressources économiques, ses gâchis… Je vous donne un exemple : l’une des activités de notre EBE, La Fabrique, est d’assurer l’entretien de vergers, de revaloriser les fruits perdus des vergers abandonnés. On va aller plus loin. Avec les maraîchers du secteur et les arboriculteurs on pense ouvrir une conserverie”
 
La dynamique créée par ces entreprises va-t-elle s’éteindre en 2021, date de fin de l’expérimentation ? Selon les informations publiées par Le Monde lundi 11 juin, la prolongation de l’expérimentation et l’extension du projet à quarante territoires volontaires feraient partie du Plan antipauvreté d’Emmanuel Macron, qui sera dévoilé début juillet, à Versailles. 

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