Partager la publication "Circuits courts : ces éleveurs qui ne connaissent pas la crise"
Tous n’optent pas pour les mêmes raccourcis. Outre la traditionnelle vente sur les marchés, plusieurs alternatives sont nées ces dernières années afin de rapprocher producteurs et consommateurs, avec comme objectif des bénéfices économiques, sociaux et environnementaux à la clé. Zoom sur cinq d’entre-elles.
La vente directe : garantie zéro intermédiaire
Serge Bordes, lui, est propriétaire d’un troupeau de 100 vaches, en Haute-Garonne. La vente se fait par le biais de son site Internet. Il a cependant choisi de ne vendre qu’une vache sur dix par ce canal, ce qui lui permet de “joindre les deux bouts”, puisque de ces ventes, il peut gagner jusqu’à 3 600 euros par mois. L’écoulement du reste de son cheptel s’opère par d’autres circuits. Selon lui, en effet, la vente internet reste “assez compliquée à mettre en place. Et à gérer, parce que quand je suis en train de livrer de la viande, je ne suis pas sur mon exploitation alors que ce travail d’exploitation est toujours à faire”.
L’AMAP, pionnier français des circuits courts
“C’est ça, l’agriculture de proximité, on est à 300 m des gens qui vont manger nos légumes cette semaine. On voit la tête et le sourire des gens, on discute avec eux”, se réjouit-il lors de sa livraison.
Les produits vendus en AMAP vont des fruits à la viande, en passant par les oeufs, les légumes ou le fromage. Le prix du panier est fixé de manière à permettre au producteur de couvrir ses frais de production et de dégager un revenu décent, tout en restant abordable pour le consommateur.
Les Ruches : sans obligation d’achat
Pour cela, le consommateur s’inscrit sur la plateforme web et commande ses courses en ligne directement auprès des producteurs situés à moins de 250 kilomètres de chez lui. Une fois la commande passée, le “client” (l’abeille) choisit une “ruche” (le point de relais) près de chez lui qui peut être domicilié dans un bar ou un restaurant, tenue par une “abeille-reine”, (un auto-entrepreneur rémunéré par la Ruche), où les producteurs livrent les paniers, comme l’explique Francetvinfo.
Outre son réseau, plus étoffé que celui des AMAP, ce système offre un choix plus large : chaque Ruche doit comprendre au minimum quatre producteurs pour ouvrir, permettant une vente de base de fruits et légumes, viande, crèmerie, boulangerie et pâtisserie, épicerie et boissons. “51 % de nos produits sont issus de l’agriculture biologique”, assure Guilhem Chéron, l’un des co-fondateur du site, au magazine TerraEco.
Quant au prix des produits, il est décidé par le producteur et lui seul. “Sur ce prix, une commission de 16,7 % est prélevée, puis partagée équitablement entre l’entreprise et le responsable de la ruche.” , détaille Guilhem Cheron. Le kilo de pommes s’affichera ainsi par exemple à 4,49 euros, et la bouteille de gaspacho à 5,90 euros. Pas forcément économique pour le “consom’Acteur” – ou plutôt “coproducteur”, comme l’appelle le cofondateur -, ce système constitue un soutien important aux agriculteurs locaux et l’assurance de consommer des produits frais et locaux.
Si elle répond à l’attente d’une partie des consommateurs, la Ruche qui dit Oui ! crée aussi de l’emploi : elle salarie environ 70 personnes, assure un revenu complémentaire à l’ensemble des responsables de ruches et des débouchés supplémentaires aux producteurs. Ces derniers ont également embauché une centaine de personnes pour répondre à la hausse de leur activité.
Cependant, contrairement aux AMAP, ce système n’est assorti d’aucune obligation d’achat pour ses membres, ce qui rend les prévisions “difficiles quand on fait de l’élevage”, explique un éleveur lorrain de poules pondeuses et de vaches laitières, interrogé par Francetvinfo. Quant au volume assuré par La Ruche qui dit oui !, il reste encore assez léger, comme l’indique le site Arrêt sur Image, dans une récente enquête sur la start-up, citant Marc-David Choukroun cofondateur de la plateforme : “En 2014, nous avons enregistré 25 millions d’euros de transactions quand un seul supermarché en réalise en moyenne 100 millions.”
Avec 657 ruches et un chiffres d’affaire de deux millions d’euros pour l’année 2014, l’entreprise prospère néanmoins. Elle a également étendu son système en Allemagne, Angleterre, Belgique, Espagne et en Italie.
Le drive-fermier, à la carte
La force de ce système réside dans une totale liberté de choix, de fréquence, de volume, pour le consommateur. À la différence d’une AMAP, qui implique un engagement plus militant et plus contraignant, le drive permet de moduler ses achats selon ses besoins du moment.
C’est à l’éleveur de volailles ou au maraîcher d’actualiser son offre chaque semaine, puis de préparer et classer ses livraisons qui sont ensuite regroupées en un point de rendez-vous, assorties d’un numéro pour chaque client. Un système qui permet aux agriculteur qui le souhaitent de se diversifier, tout en se rapprochant des consommateurs, avec des produits aux tarifs défiants toute concurrence.
Parmi les quelque 110 drives en activité en France, il convient de distinguer ceux qui émanent d’un regroupement de producteurs – comme Bienvenue à la ferme qui compte une trentaine de sites – et ceux créés à l’initiative d’entrepreneurs privés qui choisissent eux-mêmes le contenu des panier et prélèvent une marge. À noter qu’en mars, le premier drive-fermier biologique a ouvert à Tarbes (Hautes-Pyrénées).
Les magasins de producteurs
C’est le cas au sein du Carré Fermier, un réseau de quatre magasins de producteurs tarbais, où 80 éleveurs écoulent leurs produits et sont même actionnaires. Julien Fourquet a choisi d’y vendre 30 vaches et veaux sur un élevage de 65 vaches limousines.
Pour lui, “l’intérêt est qu’on n’a pas à se soucier du cours du marché. On a un prix fixe toute l’année que l’on s’est fixé entre nous, supérieur au cours du marché”.
Et pour cause : ce sont les éleveurs eux-mêmes qui proposent un prix de vente et le magasin déterminera à partir de ce prix les marges suffisantes afin de payer les charges du magasin et de proposer un prix abordable aux clients.
Vincent Legaignoux et Cécile Olivier, producteurs de lait depuis 15 ans à Guipry (Ille-et-Vilaine), ont développé ce circuit parallèle, face à l’augmentation du prix du lait. Il y a deux ans, ils ont ainsi décidé de lancer une petite production de veau destiné à la vente directe : “C’est difficile de résister à la fluctuation des prix, donc on est obligé d’avoir des productions à côté pour permettre une trésorerie toute l’année”, explique l’éleveur à France 3 Pays-de-Loire. Propriétaires de 130 vaches, ils écoulent leur viande dans le magasin de producteurs les Fermiers du coin, dans lequel ils ont pris des parts. Ce choix leur permet de valoriser leur travail 20 % de plus qu’en passant par la grande distribution.
Outre le fait de contrôler les prix, tous ces producteurs reconnaissent l’intérêt humain de ces dispositifs : “Il y a un relationnel avec le client et ça c’est trop bien ! “, s’exclame Vincent Legaignoux au micro de France 3.
Si elles tendent à se faire connaitre, l’essor de ces différentes filières reste encore modeste : les achats réalisés grâce en circuits courts ne représentent que 7 % de courses alimentaires en France. Selon un avis de l’ADEME publié en 2012, les filières du miel et des légumes (50 %), des fruits et du vin (25 %) et enfin des produits animaux (10 %) sont les plus représentées dans ce mode de distribution. 10 % d’entre elles sont converties en bio contre 2 % en circuit long. Et côté exploitants, ces derniers seraient 21 % à vendre au moins une partie de leur production par ces canaux.
Clara Potier
Journaliste We Demain
@ClaraPotier
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