Partager la publication "Comment les entrepreneuses prennent leur revanche grâce au crowdfunding"
“Une véritable gifle”
« Que près d’un projet sur deux financés par ces plateformes soit porté par une femme est une excellente nouvelle mais aussi une véritable gifle pour l’industrie financière telle qu’elle est organisée actuellement », commente Dunya Bouhacene, responsable du Woman Equity Partners, un des rares fonds financiers européens spécialisé dans le financement en capital des entreprises dirigées par des femmes.
« Nous avons mis en place un indicateur qui analyse les performances de 40 000 PME françaises dont le chiffre d’affaires est compris entre 5 et 100 millions d’euros. Celles dirigées par des femmes ont des performances moyennes supérieures à celles dirigées par des hommes, en croissance de chiffres d’affaires et en résultats. Cependant, moins de 5 % d’entre elles réussissent à obtenir des financements extérieurs, cinq fois moins que les entreprises dirigées par les hommes », constate-t-elle.
25 % de la croissance US
Le phénomène est mondial. « Aux États-Unis, où le gouvernement a beaucoup oeuvré pour l’entrepreneuriat au féminin, près de la moitié des entreprises sont créées par des femmes, mais ces entreprises ne représentent que 9 % des dossiers de financement en nombre et 2 % en valeur », ajoute la dirigeante. Alors même que « la participation massive des femmes dans la création d’entreprise et le marché du travail a contribué à 25 % de la croissance des États-Unis sur les trente dernières années », a expliqué récemment Sergio Arzeni, directeur du Centre pour l’entrepreneuriat de l’OCDE, lors d’un colloque de la Banque publique d’investissement (BPI) en mars 2014.
Des décennies de retard
Une aventure éloquente est arrivée à Sylvie Cazenave-Péré, la PDG de la société Posson Packaging, qui emploie plus de 150 salariés. Lors de ce même colloque, elle est venue expliquer comment elle avait eu des difficultés à se faire financer en 2007, alors qu’elle voulait racheter l’entreprise à l’actionnaire principal. Ces difficultés ne sont pas venues, selon son analyse, de la nature même de son activité, l’emballage, très gourmande en capitaux, mais plutôt du fait qu’elle soit une femme.
« J’étais face à des financiers qui doutaient de la capacité d’une femme à suivre son business-plan. Ceci malgré mon expérience, j’avais alors cinquante ans, et derrière moi la réussite de mon projet industriel », explique-t-elle.
Après plusieurs tentatives infructueuses en se présentant seule, cette dirigeante a utilisé un subterfuge suggéré d’ailleurs par son mari, chef d’entreprise également : « Je me suis fait accompagner au rendez-vous par un ami banquier que j’ai présenté comme un conseil. C’est lui qui captait les regards, même de la part de banquiers que je connaissais. Et j’ai pu obtenir les fonds », constate-t-elle. À l’image de ce qui se passe sur Internet, note-t-elle, « le milieu financier a des décennies de retard ».
Laure Belot
@curieusedetout