Partager la publication "Contre la marginalisation des plus démunis, cette association recrée du lien entre riverains"
Parmi les nombreuses difficultés signalées par l’association, la solitude. 57 % des personnes rencontrées ont expliqué ressentir un besoin d’écoute lié à un sentiment d’isolement “de plus en plus durement ressenti”. Un sentiment encore plus fort chez les personnes sans-abri. Selon un sondage BVA pour Emmaüs, 83 % d’entre elles se sentent rejetées par les passants et les commerçants.
Pour aider à recréer du lien “en complément de l’action sociale”, Louis-Xavier Leca, un jeune entrepreneur de 28 ans, a lancé en décembre 2015 l’association Le Carillon. Ses vingt salariés et ses nombreux bénévoles – avec et sans abri – se sont vus décerner un trophée de l’économie sociale et solidaire le 16 novembre par la ville de Paris. De quoi les aider à concrétiser les nombreux projets en cours de ce réseau, pour l’heure essentiellement financé par des fondations. Des services qui font leur preuve pour recréer du lien entre les commerçants, les sans-abris, les habitants, les élus et les associations d’un même quartier.
Connecter des gens qui vivent dans le même quartier sans se côtoyer
Son Carillon à lui, ce sont, au départ, de simples pictogrammes collés sur la vitrine des magasins. Chacun d’entre eux représente un service gratuit, proposé par les commerçants aux sans-abris du quartier. Parmi les 24 services, la possibilité pour eux d’utiliser les toilettes, de recharger leur téléphone, de lire la presse, de consommer un café ou d’obtenir un produit invendu (comme des kits de secours dans les pharmacies).
Ces services sont listés dans un petit livret distribué aux “sans domicile fixe” par plusieurs associations du quartier. Très vite, pour aider à les faire connaître, des bénévoles sans-abris s’en font les “ambassadeurs” auprès des autres sans-abris du quartier.
“En amont, on demande aux commerçants, souvent dans l’impossibilité de s’engager par manque de temps ou d’argent, ce qu’ils sont prêts à offrir, et aux sans-abris souvent marginalisées ce dont ils ont le plus besoin. Les autocollants permettent ensuite de connecter des gens qui vivent dans le même quartier sans se côtoyer”, raconte Laura Gruarin, la coordinatrice des “pôles sensibilisation et événements solidaires” du Carillon.
Et ça marche. Le premier commerçant à avoir rejoint le réseau, le poissonnier Charly Hanafi, a convaincu de nombreux autres d’en faire de même. “Cela faisait longtemps que je voulais m’engager davantage… Lorsque Le Carillon m’a contacté, j’ai accepté sans hésitation d’ouvrir ma porte aux plus démunis”, se souvient-il. Désormais, ils sont plus de 70 à avoir rejoint le réseau rien que dans cet arrondissement. Et depuis septembre, Le Carillon en a investi neuf autres (les 1er, 2e, 3e, 4e, 10e, 12e, 14e, 19e, 20e, et bientôt le 18e).
Des papiers “à l’ancienne” et pas d’appli
Mais Le Carillon, ce sont aussi des “défis solidaires” : pour l’achat d’un produit chez l’un des commerçants membres du réseau, les habitants se voient délivrer un bon en carton qu’ils peuvent offrir à un SDF de leur quartier.
“Avec ce bon, on leur dit ‘vas-y, tu peux aller te poser au bar d’un café, tu seras bien reçu, comme une “personne normale”‘… et comme c’est en papier à l’ancienne, pas une appli, ça se refile de main en main”, explique Laura Gruarin.
“Un prétexte qui permet de changer le regard qu’on porte sur les autres, mais aussi sur soi, en valorisant tout le monde”, espère-t-elle. Et un moyen plus facile (et surtout gratuit !) d’offrir un en-cas, une coupe de cheveux, un verre, et même une paire de lunettes à une personne plus démunie que soi.
Biscuiterie et conciergerie
Et grâce à son implantation sur le site des Grands Voisins, qui rassemble 70 associations et entreprises sociales et solidaires dans les anciens locaux de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, à Paris, Le Carillon est aussi en train d’ouvrir sa propre biscuiterie bio.
Pour l’heure, c’est dans le cadre d’ateliers et d’actions de bénévolat que ces biscuits sont fabriqués par les sans-abris, puis vendus chez les commerçants membres du réseau ou sur des stands. Mais dès 2017, la biscuiterie emploiera des salariés en réinsertion. Tout comme une conciergerie, qui permettra aux commerçants d’embaucher des sans-abris pour leurs livraisons, par exemple.
Bientôt à Nantes, Lyon, Lille et Marseille