COP21 : Pourquoi les pays pauvres devraient-ils polluer pour se moderniser ?

La COP21 et les négociations climatiques en général contiennent leur lot d’idées fausses et de contrevérités. Dire que les pays pauvres devraient à leur tour pouvoir polluer comme les pays riches l’ont fait est le meilleur moyen de les maintenir dans la pauvreté.

Au premier rang des assertions que personne ne conteste dans les négociations climatiques, l’idée que les combustibles fossiles seraient nécessaires au développement des pays pauvres. Elle se formule ainsi : puisque les nations développées doivent leur développement à une abondance d’énergie bon marché, ils auraient une dette à l’égard des pays pauvres et ces derniers devraient disposer à leur tour “des bienfaits du pétrole, du gaz et du charbon” pour assurer leur croissance.

Le même raisonnement aurait conduit à prétendre que les pays pauvres auraient dû construire un réseau de téléphonie fixe pour accéder aux moyens de communication modernes, alors que la téléphonie mobile leur a permis précisément de le faire rapidement à bien moindre coût.

Pourquoi les pays en voie de développement devraient construire à leur tour de grosses centrales électriques, souvent au charbon, et des réseaux électriques maillant l’ensemble des territoires, au moment même ou les énergies distribuées, notamment solaires, permettent de ne pas le faire, et d’économiser des infrastructures astronomiquement chères ?

“Nous nous asphyxions”

Pourquoi devraient-ils s’électrifier au charbon quand le solaire et l’éolien deviennent les sources électriques les plus compétitives ? Pourquoi le modèle électrique centralisé serait encore bon pour les pays pauvres quand le géant allemand de l’énergie E.ON s’en désengage, le qualifiant d’obsolète ?

Pourquoi les pays en voie de développement devraient, comme nous l’avons fait, construire des bâtiments peu efficaces pour les reconstruire ou les rénover à grand frais dans trente ans, alors que nous savons construire aujourd’hui des immeubles qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment, et qu’ils sont moins chers ?

Pourquoi les villes des pays en voie de développement devraient se ruiner en infrastructures routières et en millions de voitures quand nous avons compris que la vitesse moyenne d’une voiture en ville n’est pas supérieure à celle d’un vélo, que nous y perdons tout notre temps et notre argent, que nous nous asphyxions, que nous rendons la ville invivable ?

“Une fausse modernité qui n’offre plus de projet collectif”

Pourquoi faire croire aux pays en voie de développement que nos choix en matière d’énergie, d’urbanisme, d’agriculture, de société en général, mènent à la prospérité alors qu’ils nous ont emberlificoté dans une montagne de problèmes, que nous croulons sous les dettes, et que nous avons transféré nos richesses vers des pays producteurs de pétrole qui, pour la plupart, ne partagent pas nos valeurs, quand ils ne les exècrent pas ?

On comprend bien que chacun espère vendre ses vieux savoir-faire, des travaux publics à la pétrochimie en passant par l’automobile, l’aviation, l’agriculture industrielle, l’armement, et puis plus tard les solutions pour résoudre les problèmes générés, le traitement des eaux, la dépollution, les médicaments, les hôpitaux pour guérir les malades et les dépressifs d’une fausse modernité qui n’offre plus de projet collectif et finalement plus d’espoir.

“Des fausses solutions”

L’idée étant que les arrogants inventeurs de cette modernité délétère puisse la perpétuer dans les pays en voie de développement, tout en proposant dans leurs pays d’origine de fausses solutions pour s’enrichir encore, notamment la capture et le stockage du carbone  ou le nucléaire.

Et pourquoi cette assertion répétée à l’envi : “Les pays pollueurs (sous-entendez les pays riches) doivent payer” ? Parce qu’elle arrange les vendeurs. Comment sinon vendre une autoroute à un pays pauvre où l’on va nu-pieds, au nom de la modernité et du développement, si les soi-disant pays riches ne mettent pas la main au portefeuille. Et d’ailleurs ça créera des emplois ici, là bas, et de la croissance, et des emplois, et de la croissance encore.

Pour se développer, les pays pauvres doivent dire aux pays riches qu’ils ne veulent pas de leur misère.

Par Yves Heuillard, journaliste, conférencier et fondateur du site DD  Magazine.

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