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Cycle de l’eau : connaissez-vous ces bactéries qui font la pluie (et le beau temps) ?

Phénomène peu connu, les bactéries jouent un rôle crucial dans la formation de la pluie, ce qui ouvre de nouvelles perspectives pour la gestion des ressources hydriques. L’hydrologue Emma Haziza nous explique ce processus.

Le 17/10/2024 par Florence Santrot
nuages
Un impressionnant front nuageux juste avant un orage. Crédit : petesphotography : iStock.
Un impressionnant front nuageux juste avant un orage. Crédit : petesphotography : iStock.

La pluie, un phénomène bactérien ? Longtemps considérée comme un processus purement physique, la formation de la pluie s’avère être intimement liée au monde vivant, et plus particulièrement aux bactéries. En 1982, une découverte révolutionnaire a mis en lumière le rôle central des bactéries dans le recyclage de l’eau à l’échelle continentale. Puis, en 2005, une équipe de l’Institut de Chimie de Clermont-Ferrand (Université Clermont Auvergne / CNRS) a prouvé la présence de ces bactéries dans les nuages en collectant de « l’eau de nuage » depuis l’Observatoire de Physique du Globe de Clermont-Ferrand, située en haut du puy de Dôme (1 465 mètres d’altitude). Quelque mille bactéries ont ainsi été identifiées.

À l’occasion du World Living Soils Forum organisé par Moët Hennessy à Arles, Emma Haziza, hydrologue et spécialiste des risques climatiques, a détaillé ce phénomène encore méconnu qui permet de générer de la pluie. « Il existe une bactérie responsable du cycle de l’eau. C’est une bactérie pathogène qui se développe sur les végétaux. Tous nos arbres, forêts, plantes, tout ce qui tapisse nos sols va contenir ces bactéries. Ces micro-organismes, emportés par le vent dans l’atmosphère, jouent un rôle crucial dans la génération des précipitations. Dotées d’une capacité glaçogène, elles attirent les molécules d’eau pour les transformer peu à peu en goutte de pluie. »

Tout un écosystème atmosphérique à prendre en compte pour le cycle de l’eau

La formation de la pluie, et plus largement le cycle de l’eau, ne se limite pas à l’action d’une seule espèce de bactérie. En réalité, c’est tout un écosystème atmosphérique qui entre en jeu. « Les champignons, les spores et diverses particules contribuent également à ce processus complexe », précise Emma Haziza, qui rappelle que « 20-21 % de pluie pénètre en direction des continents. Et ces 20 % sont capables de générer les trois-quarts des précipitations mondiales. »

Mais, face au réchauffement climatique et à l’impact des activités humaines sur la planète, « la première chose qui se déstructure, c’est le cycle de l’eau », souligne l’hydrologue. Et d’ajouter : « Il est temps de retrouver la place du cycle de l’eau. Nos villes ne laissent plus l’eau s’infiltrer et se connecter pour rejoindre les sols et les nappes. Nos terrains agricoles laissent de moins en moins l’eau pénétrer en profondeur. Or, une pluie se crée toujours sur la base d’un support. Sans sols en bonne santé, le cycle de l’eau ne peut fonctionner. »

L’hydrologue rappelle également que 60 à 80 % des gaz à effet de serre sont générés par la vapeur d’eau, qui est piégée dans notre atmosphère. « Il faut réinjecter notre eau dans les écosystèmes profonds. Et cela ne pourra pas se faire sans recréer des zones fertiles et humides. »

Testez vous > Quiz : connaissez-vous le cycle de l’eau ?

Gare aux faiseurs de pluie et aux apprentis sorciers

« Notre économie s’est servie beaucoup de l’eau au fil des siècles. Au point de tout déséquilibrer. En 20 ans, nous avons épuisé 21 des 37 grands aquifères du monde. L’être humain a tellement prélevé d’eau souterraine que l’axe de la Terre a été modifié de 80 cm vers l’Est ! Aujourd’hui, il faut reposer la balance différemment et comprendre que, sans eau, on va droit dans le mur. Il y a un lien indéfectible entre la pluie, les sols et les nappes. »

Face aux périodes de grande sécheresse, certains jouent aux faiseurs de pluie. L’ensemencement artificiel des nuages existe aujourd’hui grâce à l’iodure d’argent qui génère une graine artificielle, assez similaire à celle des bactéries. « À l’instar de vouloir chercher le rendement maximal des sols, on veut désormais le rendement maximal de l’atmosphère. Mais cette iodure d’argent est rémanente dans les sols. On constate la multiplication de maladies directement liées à cette molécule », alerte Emma Haziza. Le produit est également toxique pour les espèces aquatiques…

La prise en compte du rôle des bactéries dans le cycle de l’eau ouvre de nouvelles perspectives pour une gestion plus durable des ressources hydriques. Ce n’est qu’en préservant la biodiversité, tant au sol que dans l’atmosphère, que nous pourrons contribuer à maintenir l’équilibre du cycle de l’eau, essentiel à toute vie sur Terre.

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