Partager la publication "Cyril Dion : “Nous avons besoin d’imaginer le monde dans une version plus constructive et positive”"
La poésie va-t-elle sauver le monde ? Et pourquoi pas ?! Cyril Dion est écrivain, réalisateur, militant écologiste et… poète. Il a publié en mars chez Actes Sud un ouvrage intitulé Résistances poétiques qui s’accompagne d’un album musical créé avec le compositeur Sébastien Hoog. Le tout forme un spectacle qui est présenté en live dans le cadre de concerts.
Une manière d’apporter une touche de sensibilité à la question écologiste et de s’écarter un peu des anticipations aux goûts de fin du monde que l’on nous propose actuellement. Sans jamais ou presque évoquer de possibles échappatoires optimistes. Rendant ainsi impossible la construction d’un imaginaire qui ne soit ni défaitiste ni alarmiste. Pour WE DEMAIN, Cyril Dion revient sur la genèse de cette création artistique aux multiples facettes mais aussi sur ses prochains projets.
Cyril Dion : À l’origine, on s’est rencontrés avec Sébastien Hoog, musicien, qui était le guitariste d’Izïa Higelin. Il avait déjà fait la musique de mon film Animal. En 2017, nous avions fait une grande tournée ensemble dans le cadre de l’association Colibris en compagnie d’une quarantaine d’artistes. Moi je lisais des poèmes en musique, accompagné par le groupe. Certains artistes sont venus me voir, Arthur H et Dominique A notamment, pour me dire que le rendu était très chouette.
À la fin de la tournée, on n’avait pas trop envie de se quitter avec Sébastien Hoog. Mais si on voulait continuer à se voir, il fallait des projets communs. C’est comme ça qu’est née l’idée de tirer le fil de ce de ce qui avait été fait sur scène. La Maison de la Poésie nous a proposé de faire un spectacle dans cette lignée. Donc nous nous sommes enfermés pendant trois jours. J’ai rassemblé des textes que j’aimais bien et Sébastien a composé de la musique dessus.
Nous avons essayé de construire une sélection qui raconte une histoire, des textes avec une certaine musicalité. Et une atmosphère aussi. Nous avons joué à la Maison de la Poésie en 2019 et nous avons eu de très bons retours. Donc nous avons eu l’opportunité de jouer dans le cadre de différents événements, une quinzaine de dates, et cela continue. De là, on s’est dit qu’on pouvait en faire un disque et puis un livre. Et voilà comment le triptyque est né.
Parce que la poésie est l’expression même de tout ce qui nous touche, nous bouleverse et nous rend vivants. Comme d’autres arts, elle a cette capacité à générer en nous des émotions qui nous font sentir plus grands, habités, et en même reliés au monde. Or, on a plus que jamais besoin de ce lien actuellement. Cela peut être un excellent carburant pour résister et faire avancer les sujets écologiques par le biais du sensible.
Oui, c’est une piste qui permet de faire bouger les choses. Je suis par exemple en train d’adapter le roman Le grand vertige de Pierre Ducrozet. On vient de terminer une deuxième version du scénario. C’est encore une autre manière d’aborder comment on pourrait imaginer la lutte face à l’urgence climatique.
Et puis je viens de signer une mini série de fiction en six épisodes pour France Télévision International. Elle est intitulée “We could be heroes”. C’est une série d’anticipation qui imagine une révolution dans les années qui viennent. Elle explore comment il pourrait y avoir un basculement écologique de nos sociétés. Et ce n’est pas toujours facile à imaginer. Là, nous essayons d’adopter plusieurs points de vue différents. Ceux d’écologistes très radicaux qui veulent faire tomber la civilisation industrielle, ceux de militants un peu moins extrêmes qui veulent saboter les bases du capitalisme, ceux qui imaginent des solutions politiques et enfin d’autres qui pensent que la solution viendra de l’intelligence artificielle…
Il est vrai que le plus souvent, ce que l’on nous propose est anxiogène et confine à la fin du monde. Comme Extrapolations par exemple. La série est assez fidèle en termes de projection dans l’avenir. Ils ont repris pas mal d’éléments que les scientifiques nous donnent aujourd’hui pour dépeindre les pires scénarios du futur. Cela permet de concrétiser nos pires cauchemars même si c’est assez caricatural dans la façon dont sont dépeints les personnages et c’est dommage. Plus largement, avec toutes ces séries, il y a un petit côté ‘prophétie autoréalisatrice’. On finit par se dire que, quoi qu’il arrive, le futur ressemblera à ça. J’ai peur qu’on ne bascule dans une certaine forme de fatalisme.
Au contraire, il faut créer des scénarios alternatifs. C’est Alain Damasio qui disait cela dans un entretien sur Blast. Nous avons besoin de fictions qui peuvent nous aider à pré-scénariser les comportements. C’est-à-dire que quand on voit des gens avoir tel ou tel comportement dans une série ou un film, si on se retrouve dans la même situation dans notre vie, peut-être que cela nous conduira à réagir d’une certaine façon. Pour le moment, la pré-scénarisation de l’avenir est extrêmement sombre donc il faut imaginer d’autres comportements alternatifs.
C’est ce qu’on disait déjà dans Demain. Nous sommes très forts pour imaginer la fin de l’humanité, avec des bombes nucléaires, des aliens, des catastrophes climatiques, etc. Mais où sont les films qui racontent comment on pourrait s’en sortir. Et si on n’est pas capables d’imaginer à quoi le monde peut ressembler dans une version un peu plus constructive et positive, je ne vois pas comment on pourrait trouver l’élan et l’énergie de le construire.
“Si on n’est pas capables d’imaginer à quoi le monde peut ressembler dans une version un peu plus constructive et positive, je ne vois pas comment on pourrait trouver l’élan et l’énergie de le construire.”
Cyril Dion
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