Partager la publication "Quand le service public arrive en camping-car"
Aujourd’hui, le duo fait étape à Oisy, bourg de 470 habitants à 25 kilomètres de Guise, dans l’Aisne. Les commerces ici sont rares: une entreprise de bâtiment, un garage et un producteur de maroilles. Le café a fermé à la mort de son propriétaire, sans repreneur. Le boulanger a pris sa retraite voilà plus de vingt ans. Et la camionnette qui desservait le village chaque matin avec du pain frais a cessé ses tournées. Plus rentables. “Pour les courses, il faut aller au Carrefour, à dix kilomètres de là”, soupire un habitant.
Christian Boniface, maire d’Oisy, se bat. Avec l’appui de la région Hauts-de-France et de l’Europe, il finance la création d’une nouvelle boulangerie-pâtisserie et d’un café-restaurant dont l’ouverture est prévue à la fin de l’année. “Nous jouissons d’un beau cadre de vie et de la tranquillité. Pour l’animation, c’est plus compliqué”, déplore l’élu qui vient de perdre la structure de “loisirs sans hébergement” qui accueillait les petits durant les vacances. “Il fallait 25 enfants, nous n’en avons que 23.” Quant aux services publics, ils ont fermé les uns après les autres. Ne reste que La Poste. Pour les démarches, il faut pousser jusqu’à Guise (15 km) ou Saint-Quentin, la sous-préfecture (40 km).
Autant dire que l’arrivée du camping-car est guettée par les habitants. Affrété par la Communauté de communes Thiérache, Sambre et Oise, il apporte le service public dans les endroits les plus reculés du département de l’Aisne. Trente-cinq villages desservis à raison d’une permanence par mois dans chacun. À bord de cette maison de services itinérante, deux professionnelles aguerries, capables de démêler les cas les plus complexes. Avant d’être envoyées sur les routes de l’Aisne, Angélique Humbert et Émilie Wilczinski sont passées par une douzaine d’organismes différents (caisses de retraite, Sécurité sociale, mutuelle agricole, Mission locale, Pôle emploi…) pour une formation accélérée. Elles connaissent donc parfaitement les arcanes de chaque administration et savent qui appeler pour débloquer les dossiers en souffrance.
Le téléphone rouge
Ce matin, une pochette de documents serrée contre lui, Albert, 63 ans, vient confier son désarroi à Emilie. Cet ancien ouvrier agricole attend depuis dix mois que la caisse de retraite lui verse enfin sa pension. “J’avais de petites économies mais elles ont fondu. Aujourd’hui, je me débrouille avec mes poules et mon potager. Je donne des coups de main à droite à gauche pour me faire trois sous, mais c’est dur”, résume-t-il dans un sourire timide. Maîtrisant mal la lecture, Albert est noyé dans la paperasse. “J’entasse les courriers dans un coin et je ne retrouve rien quand j’en ai besoin. Mon dossier bloque, mais où ?”, s’interroge-t-il.
Vivant seul – il s’est brouillé avec son fils – et sans voiture depuis un retrait de permis il y a dix ans, le retraité est désemparé. C’est un voisin qui l’a conduit jusqu’à la permanence. Dans le petit bureau aménagé à l’avant du camping-car, Emilie reprend le dossier, comble les vides, passe quelques coups de fil et distille ses conseils. “À partir de maintenant, vous mettrez de côté vos courriers dans une pochette marquée ‘Pour les filles’ et vous m’apporterez le paquet”, lui explique-t-elle, en détaillant les démarches à effectuer avant la prochaine permanence, petit Post-it en guise d’aide-mémoire. Albert repart soulagé. “Elle est gentille. Elle a refait tous les calculs à ma place. Je suis pas très papier, moi. Ce que j’aime, c’est travailler dehors au jardin.”
“Les usagers sont perdus dans leurs démarches, observe Angélique, en raccompagnant Bernard, un autre usager. Beaucoup de seniors viennent nous voir avec un dossier de retraite incomplet. Il faut remplir des tas de formulaires, scanner des documents. C’est stressant pour eux. Internet a augmenté encore leur angoisse. Comme il y a de l’argent en jeu, ils ont peur de faire des erreurs. Sans compter que beaucoup n’ont pas d’ordinateur. L’abonnement à Internet reste très coûteux.” Bernard, lui était connecté. “Un ordinateur acheté d’occasion.” Mais celui-ci a rendu l’âme, “avec mon avis de taxe foncière dedans”, panique le retraité, à quelques jours de la date limite de paiement. Alors il est venu chercher de l’aide. Depuis quelques mois, cet ancien maraîcher ne s’en sort plus. En 2010, il a tout perdu avec la tornade qui ravagé le secteur.
Cultures anéanties, serres détruites. Cinq ans à éponger ses dettes. La mort dans l’âme, il a dû vendre sa maison et se replier dans son hangar agricole. Mais avec 866 euros de retraite pour lui et sa femme, il n’arrive pas à terminer les travaux d’isolation avant l’hiver.
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