Dashcams : demain, tous filmés par nos voitures ?

Si en Russie, un pays qui s’étend sur plus de 17 millions de km2, pas moins de 12 automobilistes ont pu filmer simultanément un événement aussi fugace que le passage d’une météorite en 2013, c’est grâce aux dashcams. Ces petites caméras qui équipent les tableaux de bords ou les rétroviseurs des automobiles y sont un véritable phénomène.

En s’en équipant, les conducteurs entendent notamment lutter contre une vieille arnaque locale qui consiste, pour des piétons, à se jeter sous les roues des voitures… afin de demander ensuite des dommages et intérêts au conducteur. Plus largement, la dashcam permet d’enregistrer tout ce qui se passe autour de votre voiture afin de vous permettre de prouver votre bonne foi en cas d’accident.

370 000 Dashcams en France

Mais désormais, le phénomène dashcam dépasse largement les frontières de la Russie et ses applications se multiplient. Cette démocratisation a été rendue possible par la baisse continue des prix de l’électronique (notamment des cartes mémoires). Résultat : ces caméras sont aujourd’hui l’un des gadgets électroniques les plus demandés. En France, leur nombre est passé de 28 000 en 2011 à 370 000 en 2014 selon l’UFC-Que Choisir.

Leur meilleur ambassadeur ? YouTube. Si vous tapez le mot « dashcam », la plateforme vous renvoie vers plus d’un million de résultats. En tête, de spectaculaires vidéos d’accidents, le plus souvent en Russie, mais également d’actes héroïques, comme le sauvetage d’une grand-mère en difficulté par un automobiliste. De l’humour également : avec 29 millions de vues, la vidéo d’un policier qui danse dans sa voiture illustre bien le nouveau chapitre ouvert par les dashcams dans l’histoire de l’humour sur Internet.

Mais au delà du buzz, la prolifération de ces caméras a de quoi inquiéter : Aimeriez-vous retrouver sur Internet la discussion enflammée que vous avez eue avec votre moitié à la station service ? C’est pourtant envisageable en France, où, contrairement à des pays comme l’Autriche ou l’Allemagne, il n’est pas interdit de filmer l’espace public et de mettre en ligne la vidéo, à condition que ce ne soit pas à but commercial.

Filmer l’extérieur… et l’intérieur de la voiture

Et ce n’est qu’un début, car les dashcams sont en passe devenir… la norme. Aux États-Unis, tous les nouveaux véhicules sont désormais équipés de ces caméras. Si la résolution des capteurs ne fait qu’augmenter, la vraie révolution vient de la fusion des dashcams avec les « assistants à la conduite » (ex-avertisseurs de radars) et autres ordinateurs de bord. Le nouvel « assistant » Coyote S, en plus de vous alerter sur les « zones de danger », est équipé d’un GPS, d’un accéléromètre et d’une caméra. En cas d’accident, il indiquera dans la vidéo l’heure, le lieu, et votre vitesse. Plus inquiétantes, certaines Dashcams peuvent filmer devant et derrière, ainsi qu’en infrarouge… tout en gardant un oeil sur le conducteur. Gare à celui qui téléphonera ou aura oublié de boucler sa ceinture.

Si ces images n’ont pas de valeur légale en France, elles sont néanmoins considérées comme des « débuts de preuve » et déjà prises en compte dans 98 % des procès. Mieux, le courtier BA Assurances propose désormais une réduction de 30 % à ses clients équipés de caméra de marque Road Eyes. Au niveau professionnel, les dashcams sont peu à peu adoptées par les policiers, pompiers, urgentistes, et même les taxis, où l’on voit apparaitre de petits panneaux indiquant aux passagers qu’ils sont filmés.

Au coeur des stratégies industrielles

Si vous craignez pour votre vie privée (et on vous comprend), n’espérez pas que le phénomène dashcam s’essouffle. Car il se situe au coeur de la stratégie des industries automobiles et informatiques. Le fabricant français de drones Parrot vient d’annoncer la sortie d’un nouvel autoradio à dashcam intégrée. Compatible avec Apple CarPlay et Android Auto, il préfigure la connexion systématique de nos autos à nos téléphones et à de multiples capteurs capable d’analyser toutes les données des voitures, de leur environnement… et de leur conducteur. Mais rassurez-vous, c’est pour votre bien… il paraît.

Jean-Jacques Valette
Journaliste We Demain

Recent Posts

  • Déchiffrer

Christophe Cordonnier (Lagoped) : Coton, polyester… “Il faut accepter que les données scientifiques remettent en question nos certitudes”

Cofondateur de la marque de vêtements techniques Lagoped, Christophe Cordonnier défend l'adoption de l'Éco-Score dans…

17 heures ago
  • Ralentir

Et si on interdisait le Black Friday pour en faire un jour dédié à la réparation ?

Chaque année, comme un rituel bien huilé, le Black Friday déferle dans nos newsletters, les…

23 heures ago
  • Partager

Bluesky : l’ascension fulgurante d’un réseau social qui se veut bienveillant

Fondé par une femme, Jay Graber, le réseau social Bluesky compte plus de 20 millions…

2 jours ago
  • Déchiffrer

COP29 : l’Accord de Paris est en jeu

À la COP29 de Bakou, les pays en développement attendent des engagements financiers à la…

3 jours ago
  • Déchiffrer

Thomas Breuzard (Norsys) : “La nature devient notre actionnaire avec droit de vote au conseil d’administration”

Pourquoi et comment un groupe français de services numériques décide de mettre la nature au…

4 jours ago
  • Respirer

Les oursins violets, sentinelles de la pollution marine en Corse

Face aux pressions anthropiques croissantes, les écosystèmes côtiers subissent une contamination insidieuse par des éléments…

4 jours ago