“Discount” : le combat contre le gaspillage alimentaire s’invite au cinéma

Cinq employés d’un magasin de hard-discount apprennent qu’ils seront remplacés, tous sauf un, par des caisses automatiques. Plutôt que de se plier à la compétition que leur impose la direction, ils décident de constituer leur propre « prime de licenciement ». Leur solution : détourner les produits dont la date limite de consommation approche, en principe destinés à la poubelle, pour les revendre dans une épicerie clandestine. Rencontre avec Louis-Julien Petit, qui signe, avec Discount, un premier long métrage, et met à l’affiche Olivier Barthelemy et Corinne Masiero.

We Demain : Votre film s’inscrit dans un contexte très contemporain : il y a dix ans, nous n’aurions jamais vu une comédie ayant comme sujet central le gaspillage. Votre sujet est aussi social, avec des employés qui se retrouvent menacés par le progrès technique. Discount est un condensé des nouveaux problèmes de notre époque…
 
Louis-Julien Petit : J’ai voulu confronter la crise à des personnes qui se rebellent, mais sans apitoiement, avec une dose d’autodérision. Cette crise nous pousse tous à l’individualisme. Aujourd’hui, nous sommes tous « discount » d’une certaine façon, prêts à jeter. Avec ce film, je voulais dénoncer la déshumanisation, qui est le propre d’une société qui nous pousse à l’isolement. Dans les magasins franchisés tels que celui dont parle le film, il n’y a pas de syndicats, pas de comité d’entreprise. Tous les employés sont en compétition pour garder leur poste, managers compris. Et le soi-disant progrès, avec les caisses automatiques, accroit cette pression.

Face à ce système, Discount appelle à passer à l’action. Quitte à basculer dans l’illégalité ?

Soit on baisse la tête, soit on se rebelle. Dans Discount, les employés récupèrent la marchandise qui allait de toute façon à la benne. Est-ce vraiment du vol ? Mais surtout, qu’est ce qui pousse des gens à transgresser la loi ? Ce qui est fondamental, c’est qu’ils ne veulent pas gagner plus, mais simplement conserver ce qu’ils ont. Je pense que c’est une revendication globale à l’heure de la mondialisation. Leur combat les dépasse, ils ne se rendent pas compte de ce qu’ils font, et à la fin, d’une certaine façon, ils se transcendent. Le message final, c’est qu’il faut être solidaire. C’est la seule façon de s’en tirer, tous ensembles.

Le gaspillage est un problème crucial. Selon la FAO, plus du tiers des aliments produits pour la consommation humaine sont gaspillés, perdus ou jetés entre le champ et l’assiette. Et cette proportion va en augmentant. Et chaque Français jette annuellement 7 kilos d’aliments encore emballés. Qu’espérez-vous en vous attaquant frontalement à ce problème ?
 
J’espère modestement que mon film pourra pousser un peu le débat, faire un peu pression en faveur des associations qui luttent contre ce système de gaspillage absurde. Beaucoup d’enseignes n’osent pas donner, car elles sont responsables de la qualité des produits. Cependant, il y a beaucoup d’initiatives qui se créent contre ce système afin de faire l’interface. Je pense à Ecosphère, Optimiam, Discosoupe… Mais ces initiatives doivent être généralisées.

Justement, ces derniers mois, le Parlement et le gouvernement se sont saisis du problème…

Il y a la Loi Decool sur le gaspillage alimentaire, qui devait passer en janvier, mais avec les événements de Charlie, je ne sais pas où ça en est. Tous les supermarchés de plus de 1000m2 devront donner leurs invendus à des associations. En moyenne, un supermarché jette chaque année 200 tonnes de produits, encore consommables pour la plupart. Je ne sais pas si vous avez déjà vu une benne, mais c’est impressionnant ce qui se jette chaque jour. Et tous ces produits sont javellisés pour empêcher leur récupération !

Ce qui fait la singularité de votre film, c’est aussi qu’il s’est appliqué à lui-même les principes de solidarité qu’il défend…

On a essayé d’être solidaire avant, pendant et après le film. Les produits à l’écran ont été achetés à une banque alimentaire, et on les a donnés ensuite à des associations. Les denrées périssables étaient cuisinées, pour nourrir notre équipe lors du tournage. Et pour les scènes où les  employés piétinent et javellisent les invendus, on n’a utilisé que des produits vraiment périmés. L’odeur était insoutenable, les acteurs en avaient des hauts le cœur ! Pour aller plus loin, en partenariat avec Allociné et les Restos du Cœur, nous avons créé une bande-annonce solidaire : tous les revenus des pubs qui la précèdent sont reversés à l’association. Enfin, nous avons aussi bénéficié de la solidarité du public ! 25 400 € ont été récoltés, via la plateforme touscoprod.com, auprès de 184 « coproducteurs ». Nous avons été touchés par ces dons, parfois tout petits, mais qui ont permis que le film sorte aujourd’hui.

Propos recueillis par Jean-Jacques Valette
Journaliste We Demain

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