Doit-on appeler cela un scandale ? Aujourd’hui, l’auto-école coûte plus cher aux familles françaises que les études secondaires de leurs enfants, séjours linguistiques et cours particuliers compris. Une véritable saignée dans un poste de dépense pourtant jugé vital pour l’avenir d’un pays : l’éducation de sa jeunesse. Si le coût officiel des 750 000 permis B obtenus chaque année est de 1 200 euros, la facture moyenne dépasse largement 2 000 euros.
Surtout, le permis B est devenu une véritable machine à exclure, notamment l’examen du code qui, même récemment expurgé de ses questions les plus vicieuses, reste un barrage à l’intégration des jeunes déscolarisés, incapables d’affronter la masse d’informations à assimiler et surtout la subtilité lexicale de l’examen. Selon Pôle emploi, la non-possession du permis B est l’un des principaux freins à l’embauche des jeunes, juste après le manque de formation et l’absence d’expérience. Plus de la moitié des pauvres, travailleurs précaires et chômeurs n’ont pas le permis, contre 7 % de la population totale. Et chaque année, 100 000 à 200 000 jeunes (estimation de chercheurs, aucune statistique officielle n’existant) renoncent définitivement après un ou plusieurs échecs. « Plus un jeune est bas dans l’échelle sociale, insiste Emmanuel Renard, membre de l’association Prévention routière, plus le permis lui est indispensable, mais moins il a les moyens de l’obtenir. » Autant du fait de son coût que de la difficulté de l’exercice. Une difficulté qui en fait d’ailleurs la valeur. « Sur un CV sans le moindre diplôme, le permis est la seule garantie de normalité et donc d’employabilité », relève Karl Leday, de l’auto-école sociale ASMODU à Cherbourg.
Bien qu’il soit le diplôme le mieux partagé (39 millions de titulaires), le « B » est désormais plus difficile à obtenir que le bac : 63 % de réussite à l’examen du code et 57 % à l’épreuve pratique, contre 85 % au baccalauréat. Chaque année aux cerises, certains s’inquiètent de la démocratisation excessive du diplôme permettant l’accès aux études supérieures. Mais pas de l’échec de près de la moitié de ceux qui postulent à la conduite d’une voiture. Ni du fait que l’examen tienne plus de la loterie que du concours administratif : d’un inspecteur à l’autre, le taux de réussite varie de 30 à 80 %, et de 44 à 71 % selon le département.
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Jean Savary
Journaliste
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