Partager la publication "Et si vous profitiez de l’été pour vous initier à l’alpinisme ?"
Le massif des Écrins, avec ses paysages à couper le souffle et ses sommets imposants, offre un cadre idéal pour une initiation à l’alpinisme. Malgré les laves torrentielles qui ont durement touché le hameau de La Bérarde au début de l’été, de nombreuses courses d’alpinisme restent accessibles dans les environs, offrant une opportunité idéale pour une première expérience avec corde, crampons et piolets. Pour découvrir cette pratique qui permet de savourer la montagne dans toute sa pureté, nous suivons Marie dans son initiation à l’alpinisme lors d’une ascension magnifique au col Jean Martin (3 257m), près du sommet de la Muzelle, en Oisans.
L’alpinisme – et plus largement l’ascension en haute montagne – n’est pas tant une question d’altitude que de terrain. À la différence de la randonnée, il est ici question de progression sur des terrains difficiles, avec du matériel de sécurité adapté.Il est crucial de bien s’équiper : chaussures adaptées, crampons, casque, piolet, baudrier et corde… c’est un vrai budget. Heureusement, il est possible de louer ce matériel pour un ou plusieurs jours. Pour Marie, ce sera à la boutique bien nommée “La Montagne” de Bourg-d’Oisans, qu’elle trouve son bonheur.
Pour s’initier à l’alpinisme et recueillir les bons conseils, rien de tel que de faire appel à un professionnel de la montagne. Pierre Lainé, guide de haute montagne du Bureau des Guides de la Bérarde, va nous initier sur deux jours à ce sport engagé. Roche Faurio, tête du Replat, Pic de La Grave, éperon rocheux du Promontoire, mont Gioberney, pointe Richardson, le Râteau ouest… autour de La Meije, les courses sont multiples. Pour notre part, nous avons décidé de monter à la Muzelle et profiter des paysages typiques de l’Oisans.
Départ est donné à la station des 2 Alpes. Nous commençons par prendre une télécabine jusqu’au village de Venosc pour nous retrouver à pied d’œuvre. Le premier jour sera une marche d’approche, c’est-à-dire la montée au refuge de la Muzelle (2 130m) via le GR54. Environ 1 200 mètres de dénivelé et 3-4 heures de marche. Puis, le lendemain dans la nuit, ce sera l’ascension pour arriver au col Jean Martin (1 100 mètres plus haut) en début de matinée afin d’avoir de bonnes conditions de neige et de glace. Le chemin vers le col nous fait en effet passer par le Glacier de la Muzelle.
“La montagne, c’est un sport de flemmard. Le but est de toujours avancer à l’économie. On progresse lentement mais longtemps”, résume le guide tout en avançant sur les chemins. La première chose est de bien gérer le temps. “C’est pour cela qu’on parle de ‘course en montagne’, non pas dans le sens ‘aller vite’, mais respecter un horaire. C’est primordial pour éviter les dangers liés aux conditions changeantes. Parce que la montagne, plus on avance dans la journée, plus les risques augmentent.” Neige qui fond, rochers qui peuvent se détacher et tomber sous la chaleur, orages qui se déclenchent… les dangers sont multiples. L’objectif n’est pas tant d’aller vite que d’être efficace tout en restant en sécurité. “Pour cela, il convient de différencier les risques objectifs, comme les pentes de neige, des risques subjectifs, c’est-à-dire la peur personnelle”, précise Pierre Lainé.
Apprendre à faire la distinction aide à mieux gérer les situations dangereuses. Autre conseil de base : opter pour le bon équipement. En montagne, les conditions météo changent rapidement et peuvent se dégrader soudainement. Températures qui chutent, vent fort, pluie, grêle ou orages… il est crucial d’avoir toujours un ‘fond de sac’ : une veste coupe-vent et imperméable type Gore-Tex, une polaire en seconde couche (voire une petite doudoune), un pantalon de pluie, des gants et un buff (cache-cou) ou un bonnet.
Une fois arrivés au refuge de la Muzelle en début d’après-midi le premier jour, nous repartons avec simplement nos crampons et piolets pour apprendre les bases du cramponnage. Attacher ces grosses dents en métal sous les chaussures n’est pas anodin. Un mauvais geste et on peut facilement se blesser. “La première chose est de bien les attacher pour qu’ils ne se détachent pas en plein milieu d’une voie enneigée, explique Pierre. Ensuite, il faut marcher normalement mais en écartant un peu plus les pieds. Et quand on est sur de la neige ou de la glace, il faut faire mordre le maximum de pointes en même temps. Il faut faire confiance et ne pas avoir peur de mettre tout son poids dessus. On complète par le piolet, qu’on enfonce toujours du côté de la montagne, à la façon d’une canne.”
Et si jamais on tombe ? Le piolet devient alors notre ancre. “Il faut enfoncer simplement le piolet vers l’amont pour que la lame vienne se planter dans le sol. Dans la plupart des cas, cela suffit pour enrayer la glissade. En revanche, sur un sol un peu dur, on évitera de planter ses crampons au risque qu’ils ne fassent levier et vous envoient valdinguer.” Marie, très appliquée, s’essaie au cramponnage, à la montée comme à la descente, à arrêter sa chute sur un névé non loin du refuge de la Muzelle et même à pratiquer un peu d’escalade sur rocher, crampons toujours aux pieds.
De quoi se familiariser avec la technique et comprendre un peu de quoi l’ascension du lendemain sera faite. Retour au refuge pour dîner tôt et parler avec Pierre des effets du réchauffement climatique en montagne, où la hausse des températures est deux fois plus rapide. Les guides sont les premiers sentinelles de ces changements. Particulièrement sensibilisés, ils sont aussi là pour nous expliquer la nature environnante et les dangers des dérèglements actuels.
La grande majorité des pensionnaires du refuge de la Muzelle, au profil assez jeune, sont des randonneurs. Nous faisons donc exception avec notre réveil à 4h00 du matin. Après un petit-déjeuner à la lampe frontale pour ne pas réveiller les autres occupants, nous prenons le départ. Il fait si doux sous les étoiles que nous pouvons partir en T-shirt. Le but est d’arriver au col vers 9 heures en adoptant un rythme assez lent mais que l’on peut tenir longtemps.
Après deux heures de marche, à l’aube, dans le silence, au-dessus des nuages où se reflètent les premiers rayons du soleil, nous arrivons au bout des sentiers. Il faut maintenant s’engager sur un long névé pentu qui nous permettra de rejoindre le glacier. C’est ici que nous chaussons les crampons, enfilons le baudrier pour pouvoir nous encorder et enfilons un casque par sécurité. De la roche, de la neige, des morceaux de glace ou la chute d’une personne de la cordée pourraient causer un risque.
Pierre explique à Marie comment bien gérer la corde, en ajustant sa longueur selon le degré d’inclinaison et les risques objectifs. Nous voilà repartis avec une concentration en air moindre qui rend plus difficile l’apport en oxygène. Concrètement : nous sommes essoufflés. Le pas se fait alors plus lent. D’autant plus que nous montons dru, grâce à des marches que Pierre creuse dans la neige. “Je n’aurais jamais imaginé qu’on allait aussi lentement pour faire un sommet, reconnaît Marie. C’est un vrai sport d’endurance.”
Bien boire et manger quelques barres énergétiques sur le chemin nous ferons tenir jusqu’en haut. Et voilà qu’on arrive en haut du col Jean Martin vers 8h30. Un petit promontoire nous permet de nous installer entre deux rochers et une langue de neige. “C’est amusant, c’est tout petit et pas très pratique, j’avais imaginé quelque chose de plus impressionnant, s’étonne Marie. Mais la vue sur les vallées environnantes est à couper le souffle.” Le soleil nous réchauffe autant que le vent nous refroidit. Nous profitons d’une dizaine de minutes des paysages, le temps de manger un morceau de saucisson aux noisettes et une lichette de fromage emportés par Pierre. Ça fait du bien mais il est temps de repartir pour ne pas prendre froid.
Tout guide vous le dira : penser qu’une fois le sommet atteint, l’essentiel est fait est une belle erreur. Souvent, la descente épuise, surtout après s’être levé tôt et avoir produit un bel effort à la montée. C’est d’ailleurs statistiquement davantage en redescendant d’un sommet qu’on se blesse. « Le sommet n’est que la moitié du voyage », avait l’habitude de dire Edmund Hillary, l’alpiniste néo-zélandais qui a gravi le premier l’Everest avec le Népalais Tenzing Norgay. La vigilance est donc de mise. D’autant plus que la neige devient assez glissante malgré les crampons. Pierre nous autorise même sur le névé une portion de “culing”, terme technique pour signifier qu’on est descendues sur les fesses. Un peu humide mais tellement plus rapide et peu fatigant !
Puis vient un passage un peu délicat. Orienté au nord, il y a de la glace. Le guide préfère alors nous faire descendre en rappel sur une petite longueur. Ce sera là aussi une première pour Marie. “Ce n’est vraiment pas un exercice où je me suis sentie à l’aise car on ne sait pas où poser ses pieds et on a peur de se cogner partout.” Vient enfin l’heure d’enlever crampons, baudrier, casque… et de retrouver les sentiers. Tout paraît plus simple et le toit du refuge, observé depuis les hauteurs, se rapproche rapidement. Heureusement : midi arrive et la faim avec. Ce sera omelette garnie au programme. De quoi reprendre des forces avant d’avaler encore 1 200 mètres de dénivelé négatif pour rejoindre la vallée du Vénéon plus bas. Un long chemin de croix pour Marie, épuisée par une si longue journée. Ses jambes flagellent de fatigue mais elle garde le sourire : les émotions vécues et les paysages admirés rendent chaque effort amplement récompensé.
Pour débuter en alpinisme, le col Jean Martin est une destination parfaite. Situé à proximité de la roche de la Muzelle, il offre une expérience enrichissante et accessible pour les novices, tout en permettant de profiter de vues panoramiques à couper le souffle. Randonnée glaciaire, initiation à l’escalade, maniement du piolet… “Pour une personne qui randonne peu, il faut compter trois jours pour cette course, explique Pierre Lainé. Deux jours si vous avez l’habitude de marcher longtemps avec un sac à dos.” Deux à trois jours donc mais, quoi qu’il arrive, suffisamment pour se créer des souvenirs impérissables.
Le Parc national des Écrins, créé en 1973, est un véritable joyau naturel qui s’étend sur les départements de l’Isère et des Hautes-Alpes. Ce parc est reconnu pour ses nombreux glaciers et ses paysages de haute montagne, offrant un terrain de jeu exceptionnel pour les alpinistes et les randonneurs. Sa spécificité ? De longues courses d’alpinisme et des vallées particulièrement sauvages, bien moins fréquentées que les sentiers autour de Chamonix, par exemple.
Entourée de sommets élevés (3 000 à 4 000 m), La Bérarde est le point de départ des courses parmi les plus belles du massif comme les voies normales de la Meije ou des Bans. Si la zone est inaccessible en raison de gros travaux pour effacer une partie des dommages causés, les bureaux des guides des Écrins – ils sont dix au total – s’entraident et ont mis en place des solutions pour permettre de réaliser, malgré tout, les plus belles courses du massif cet été. Ils sont soutenus en cela par le Syndicat National des Guides de Montagne (SNGM) et par les gardiennes et gardiens de refuge qui accueillent coûte que coûte alpinistes et randonneurs cet été. La solidarité n’est pas un vain mot en montagne.
Infos pratiques :
Coût d’un guide à la journée au bureau des Guides de La Bérarde : 400€. Ce tarif peut être partagé à plusieurs. Souvent, le bureau vous proposera un forfait pour une course en particulier en fonction de la difficulté et du temps passé en montagne.
Demi-pension (dîner et petit-déjeuner inclus) au refuge de la Muzelle tenu par Chantal et sa famille : 55€ (13€ le pique-nique en sus pour le déjeuner du midi).
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