Ils sont 50 millions aux États-Unis, 200 millions dans le monde, et constituent 30 % de la société française. Leur émergence a fait l’objet d’une étude de l’université de Toronto. Ces acteurs du changement de civilisation en cours ont une vision globale du monde et se fédèrent autour de valeurs : l’écologie – qui passe par une consommation éthique et locale –, l’engagement sociétal, le féminisme, l’altruisme, la solidarité, et le développement personnel, voire une spiritualité laïque.
Ces « éveillés » ne le sont pas grâce à la télévision : ils se détournent des médias traditionnels et privilégient la lecture. Le réseau social Newmanity en a fait son cœur de cible. Dans le travail, ils sont prêts à gagner moins ou à changer de métier pourvu qu’ils soient en cohérence avec leurs valeurs et aient le temps de développer leur créativité, leur culture de la vie. Côté santé, ils consomment bio, se soignent avec l’homéopathie et des médecines douces. Ils ne croient plus dans les politiques nationales et préfèrent s’impliquer dans des engagements solidaires et locaux, à l’image du mouvement Colibris. Pas pour déconnectés pour autant, ils utilisent les nouvelles technologies et signent des pétitions sur Internet. L’âge, la génération, les revenus, le niveau d’étude ne conditionnent pas l’appartenance à cette catégorie. En revanche, force est de constater qu’elle est composée à 66 % de femmes. Étonnamment, ils n’ont pas tous conscience d’appartenir à cette culture et ne se revendiquent pas comme tels.
Twitter rythme leur vie en flux continu. Ils se réveillent avec, s’endorment avec et commentent leurs moindre faits et gestes, opinions et anecdotes selon les lois du microblogging : pas plus de 140 signes. Les 385 millions de membres de ce réseau social « retweetent » les messages des autres, opèrent une veille de l’information sur leur « timeline », cherchent à avoir le plus grand nombre de followers (abonnés) en guise de reconnaissance sociale virtuelle, se parlent entre eux avec une arobase qui précède le nom de leur interlocuteur, lancent des débats ou créent une tendance en formant un « hashtag » avec un croisillon (#) accolé à un mot-clé. Le tout constitue un langage qui leur est propre. Mais, surtout, ils intéressent les marques car ils réagissent en permanence à tout, créent des tendances collectives et peuvent constituer un contre-pouvoir. Twitter est un média qui stimule l’apparition de petites tribus dans le monde virtuel ou réel.
De Madrid à Athènes, en passant par Tel-Aviv et New York, ils font partie de cette génération qui ne pense plus à droite ou à gauche, remet en cause les hiérarchies, et prône l’autoorganisation et la coopération par la base. Critiques du capitalisme financier, ils souhaitent réenchanter le monde. Sorte de néo-anarchistes romantiques et non violents, les « indignés » ne croient plus en la « politique politicienne », qu’ils jugent corrompue et égotique. Ils appellent à une démocratie directe, transparente et participative, notamment via Internet.
Inspiré des révolutions arabes, des mouvements grec et islandais de 2008 et du manifeste de Stéphane Hessel Indignez-vous ! (éd. Indigène, 2010), le mouvement a démarré le 15 mai 2011 sur la puerta del Sol à Madrid. « Vos urnes sont trop petites pour nos rêves ! » peut-on alors lire sur les pancartes. Les « indignés » ont trouvé par la suite un écho dans le mouvement Occupy Wall Street à New York contre les débordements de la finance ; dans la « révolte des tentes » à Tel-Aviv, mouvement israélien pour des logements accessibles ; ou dans le Parti pirate allemand, qui prône la « démocratie liquide ». Elle consiste à mettre en place des outils favorisant la prise de décisions collectives d’une façon horizontale et continue, comme LiquidFeedback, une plateforme logicielle politique collaborative qui permet le vote en ligne.
À la croisée de la cybernétique et du mouvement punk, les cyberpunks sont influencés par le mouvement artistique du même nom, associé à la science-fiction. La littérature et la cinématographie cyberpunk (Matrix par exemple) annoncent ce que devrait nous apporter la science dans les décennies à venir.
Au croisement des thèmes du hacking et de l’intelligence artificielle, les œuvres cyberpunks prophétisent la diminution du pouvoir des États au profit des grandes multinationales, démocratisent l’idée de la fusion de l’humain avec la machine, donnant ainsi naissance à des êtres augmentés et hybrides. Si les héros de cette science-fiction ont une vision désabusée et futuriste du monde contemporain, ils pensent néanmoins que les nouvelles technologies peuvent être libératrices et portent en elles un espoir de transformation de la société.
Ces trentenaires cumulent plusieurs jobs : pas forcément par nécessité économique mais plutôt pour s’épanouir. Habitués à la nouvelle flexibilité du marché du travail, ces « cumulards » explorent de nouvelles voies tout en gardant leur emploi principal et finissent par professionnaliser leur hobby : un agent immobilier sera en parallèle prof de shiatsu, une journaliste, céramiste. À l’image de leur smartphone, les représentants de cette tribu sont multitâches et créatifs.
Ces adeptes du mouvement des villes en transition initié par Rob Hopkins à Totnes, en Angleterre, prônent l’adaptation à l’épuisement des ressources pétrolières et au changement climatique par une transition progressive vers la « résilience locale », c’est-à-dire la fin de la dépendance aux énergies fossiles et la relocalisation de l’économie. Les « transitioners » soutiennent des productions agricoles les plus autonomes possible, mettent en place des monnaies locales, optent pour des ressources énergétiques 100 % renouvelables, construisent des maisons passives, utilisent des matériaux de construction locaux et compostent leurs déchets organiques.
Les conférences TED (Technology, Entertainment and Design) ont été créées par une fondation à but non lucratif dans le but de promouvoir des « idées valant la peine d’être diffusées » (ideas worth spreading) pour changer le monde. Lancées en Californie en 1980, elles se tiennent aujourd’hui dans le monde entier et sont rediffusées gratuitement sur le site Ted.com. Les intervenants ou « TED speakers » sont moines tibétains, artistes, scientifiques, médecins, geeks, architectes, politiques, psychiatres, spécialistes des nouvelles technologies… Tous sont les meilleurs dans leur domaine, excellents orateurs, et œuvrent à dessiner les contours du monde de demain. Parmi les plus illustres « TED speakers », le cofondateur de Wikipédia Jimmy Wales, le chanteur Bono de U2,
le Prix Nobel de la paix Al Gore, Chris Anderson, rédacteur en chef de la revue Wired, Julian Assange, cofondateur de WikiLeaks, Neil Gershenfeld, père des fabs labs, mais aussi William McDonough, architecte théoricien de l’économie circulaire…
Adeptes du « slow movement », ils pensent que la révolution passe par un changement de notre rapport au temps. Ils ne croient plus en une croissance illimitée, mais pensent que celle-ci doit ralentir au profit d’une prospérité permise par l’économie de proximité et surtout de nouveaux indicateurs comme le bien-être, la santé, la qualité de l’environnement et des infrastructures. Le mouvement se subdivise déjà en sous-mouvements : les « slow cities », (villes lentes), le Slow Food (nourriture relocalisée et saine), le « slow sex » (sexualité opposée à la pornographie, à la notion de consommation), le « slow travel » (tourisme respectueux de l’environnement et des populations locales).
Grâce à leur maîtrise du réseau et des nouvelles technologies, ils ont le pouvoir de pirater des systèmes informatiques et de forcer n’importe quel code. Certains sont recrutés par les États et les entreprises pour assurer leur fonctionnement et leur sécurité : c’est que d’Internet dépendent des opérations vitales comme la distribution d’eau ou les transports… Ils sont les maîtres du cyberespace, nouvel espace géopolitique où se déroulent des guerres mondiales invisibles comme la cyberguerre froide opposant les États-Unis et la Chine. Issus des mouvements défenseurs du logiciel libre et de l’open source dans les années 1990, ils étendent aujourd’hui leur influence à d’autres sphères. Alors que certains ont apporté leur soutien technique aux révolutions arabes, d’autres s’engagent en politique pour une plus grande transparence de la vie publique, alimentent des enquêtes journalistiques ou créent des fab labs. Avec un credo : la libre circulation de l’information et des savoirs dans le monde.
Ces membres du réseau Wwoof (World-Wide Opportunities on Organic Farms) sont logés et nourris dans des fermes bio du monde entier en échange
de quelques heures de travail par jour. Cette expérience permet aux citadins de découvrir les techniques de l’agriculture biologique et d’explorer des modes de vie alternatifs à ceux des grandes mégapoles.
La Journée sans acha t est apparue il y a quinzaine d’années aux États-Unis, à l’occasion de la fête de Thanksgiving. Cette initiative de rejet du consumérisme a donné naissance au mouvement des « compacters », en 2005 à San Francisco. Un groupe de citoyens décidait alors de pousser le concept du BND en limitant ses achats de produits neufs pendant un an – sauf pour la nourriture et la santé. Le mouvement a essaimé et quelque 8 000 « compacters » appartenant à une cinquantaine de groupes se seraient fait connaître à travers le monde. Leurs motivations : lutter contre le matérialisme et le surendettement, sortir de la dépendance à la consommation impulsive et protéger l’environnement.
Ils pratiquent le « couchsurfing », qui signifie « passer d’un canapé à l’autre ». Membres du site Internet Couchsurfing, ils parcourent la planète en étant logés gratuitement par des membres du réseau. En échange, ils s’engagent à ouvrir également la porte de leur maison à d’autres voyageurs.
Ce sont des personnes qui partagent et pratiquent une nouvelle vision de l’agriculture à la croisée du biomimétisme, de l’agriculture biologique, de l’économie circulaire, de l’éthique et de la philosophie. Les permaculteurs travaillent avec la nature plutôt que contre elle, réhabilitent les connaissances ancestrales et planifient l’intégration de l’être humain dans les écosystèmes.