Facebook, une menace pour la démocratie ? Plutôt son avenir, selon Mark Zuckerberg

L’objectif est à la hauteur des ambitions de la Silicon Valley : le dirigeant de Facebook a publié jeudi 17 février un manifeste de près de 4 000 mots intitulé Construire une communauté globale. Depuis ses locaux flambant neufs dessinés par Frank Gehry, Zuckerberg a énoncé les principes qui guideront le développement de son entreprise pour les prochaines années.

Dans un long texte aux accents prophétiques, Zuckerberg dénonce en creux l’isolationnisme de Donald Trump. Il annonce l’avènement d’une “communauté globale” succédant au modèle de l’État-nation. Cette communauté est selon lui la seule capable de faire face aux crises qui dépassent le cadre national, comme le risque terroriste ou le réchauffement climatique.

Fort d’un milliard de membres actifs, le patron emblématique de la Silicon Valley considère que sa plateforme a un rôle central à jouer dans ce changement d’échelle politique. Simple réseau social à ses débuts, Facebook n’a depuis cessé de s’enrichir de nouveaux outils. Jusqu’à très récemment avec une fonction permettant de rechercher un emploi. Maintenant, son dirigeant ambitionne d’en faire le fondement d’une révolution démocratique.

Un réseau social solidaire

Zuckerberg conteste la vision selon laquelle Internet serait le vecteur de valeurs anti-démocratiques ou de discours haineux. Au contraire, selon lui, l’impact social de sa plateforme est incontestablement positif. Alors que de nombreux observateurs ont reproché à son site de relayer massivement de fausses informations ayant favorisées Trump, il rappelle les efforts menés durant la dernière campagne américaine pour inciter les citoyens à aller voter.

Pointant le déclin des communautés classiques (religieuses, associatives, etc.), le milliardaire assure que Facebook permet de contrer le délitement social. Vantant la création du Safety Check qui permet aux témoins d’attaques terroristes d’informer leurs proches de leur situation, Facebook serait devenu un partenaire indispensable à la gestion de crise. Zuckerberg signale également l’ajout récent d’un outil qui permet de porter assistance aux victimes d’une catastrophe en leur offrant un abri. Le chef d’entreprise souligne aussi la mobilisation des utilisateurs de sa plateforme lors du tremblement de terre qui a eu lieu au Népal en 2015 : 15 millions de dollars ont été levés, via Facebook, pour la reconstruction.

Lutter contre l’extrémisme

Le chef d’entreprise prône des valeurs humanistes et démocratiques incompatibles avec les extrémismes de tous bords. Il annonce le développement d’un nouveau système d’intelligence artificielle destiné à contrôler la totalité des contenus. Un programme de ce genre devra être capable de faire la différence entre un article sur le terrorisme et un texte propagandiste, un canular et une parodie humoristique. C’est là que réside toute la difficulté : “c’est techniquement compliqué car cela nécessite une intelligence artificielle capable de lire et comprendre les informations”.

Mais le sujet qui préoccupe le plus l’entrepreneur est la “polarisation” des opinions politiques. Pour répondre à ce problème, il souhaite aider les utilisateurs à adopter un point de vue réfléchi à partir d’une grande diversité d’avis et d’interprétations sur un sujet particulier. En construisant une image plus “complète” des débats qui animent la vie politique, Facebook veut inciter l’utilisateur à se positionner selon sa propre sensibilité.

S’il consacre son programme au caractère politique de Facebook, Zuckerberg rappelle que la majorité des publications sur la plateforme sont de nature sociale et non idéologique.

Permettre l’émergence d’une démocratie participative

Dans l’esprit de son créateur, Facebook doit devenir le support d’une réappropriation du débat public au niveau local, national et même mondial. Le chef d’entreprise veut tirer profit de l’implantation globale de son réseau pour en faire l’agora du XXIe siècle : “En tant que communauté globale la plus importante, Facebook peut explorer les possibilités d’une gouvernance communautaire à l’échelle mondiale.” Mais la vision du patron de la Silicon Valley, dénuée d’exemples précis, reste très abstraite.

Le manifeste prévoit de plus la fin de la télévision. La source d’information principale pour ce qu’il nomme la “communication civique” va disparaître au profit des “connections sociales”. Son interface présente selon lui l’avantage de mettre en contact continu et direct les citoyens et leurs représentants. Alors que l’abstention atteint des niveaux alarmants dans les démocraties occidentales, cela amènerait les premiers à s’intéresser davantage à la chose publique.

Une communauté à géométrie variable

Enfin, Facebook veut adapter sa politique de modération des publications aux normes culturelles locales. Par cette “mise à jour”, Zuckerberg espère épouser les attentes des différentes zones géographiques qui composent sa communauté mondiale.

Concrètement, chaque utilisateur pourra régler ses préférences et indiquer si la nudité lui pose problème ou non. Si l’utilisateur ne fait pas cette manipulation, les réglages majoritaires dans le pays en question s’appliqueront à son fil d’actualités.

Zuckerberg trace ainsi deux lignes qui structureront le développement de Facebook pour les prochaines années. La première est mondiale et empreinte d’universalisme. La seconde, locale, consiste à s’adapter aux spécificités des populations et des territoires. Exercice périlleux si l’on en juge par la récente polémique concernant la création d’un outil de censure en vue de l’intégration du marché chinois…

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