Partager la publication "Faire du sport quand on a un cancer, c’est utile : nous lançons un site pour en parler"
“Il est possible que les rayons réduisent votre capacité pulmonaire. Vous n’allez pas courir de marathon, mais ce n’est pas du tout gênant au quotidien.” C’est grâce à cette phrase, prononcée par le radiothérapeute de Vincent au début de ses traitements, que notre aventure commence.
Ce n’était pas un objectif jusqu’alors. Mais ce jour-là, nous décidons que, malgré le lymphome hodgkinien qu’on vient de lui diagnostiquer, on va s’entraîner à son rythme, jusqu’à ce qu’il soit en mesure de courir les 42,195 km de l’épreuve reine de l’athlétisme.
Tout l’hiver, nous courons tous les deux, trois fois par semaine, sur les chemins qui longent l’Orne, au sud de Caen. Et c’est comme ça que l’on s’en rend compte : plus on court, mieux Vincent supporte les effets secondaires de la chimiothérapie. Tout l’inverse de ce qu’on nous avait prédit : les quatre mois de traitement devaient être de plus en plus épuisants.
Est-ce une habitude des journalistes que nous sommes ou le réflexe d’un malade qui ne comprend pas bien ce qu’il se passe dans son corps ? Nous cherchons à en savoir plus sur Internet – pas sur Doctissimo, le site où le moindre rhume peut se transformer en une terrible maladie tropicale.
Les effets positifs du sport prouvés
Surprise ! Nous découvrons que de nombreuses études prouvent déjà les effets positifs du sport dans le traitement des cancers. Une publication de la Cami, l’association pionnière du secteur, relève fin 2016 “qu’une femme atteinte d’un cancer du sein localisé a un risque de mortalité réduit de 34 % si elle pratique régulièrement une activité physique soutenue”. D’après cette étude, le sport permet aussi de réduire de 23 % la fatigue associée au cancer et limite les effets secondaires des traitements.
Aucun des médecins qui suivent Vincent ne lui en parle. Au mieux, ils l’encouragent à “écouter son corps”. Et pour cause, la moitié d’entre eux “reconnaissent méconnaître les recommandations en matière d’activité physique en oncologie”.
Peut-on leur jeter la pierre ? Certains d’entre eux estiment que toutes les preuves ne sont pas encore apportées. Il faut dire que la majorité des recherches se focalisent sur les cancers les plus fréquents : sein, prostate et côlon.
“Ces bénéfices ne sont donc pas décrits pour tous les cancers, mais cela ne signifie pas que le sport est mauvais pour les autres. Il faudrait simplement que les travaux s’élargissent”, concède Amélie Rébillard, enseignante-chercheuse au sein du laboratoire Mouvement-sport-santé, près de Rennes.
Que plus personne ne dise : “Je ne savais pas”
Les idées reçues sont tenaces et le sujet commence seulement à émerger. Notre idée, elle, germe rapidement : et si nous réalisions un documentaire ? Le timing est parfait : Léa termine un CDD chez
Ouest-France et Vincent a besoin de se remettre le pied à l’étrier après de longs mois d’arrêt maladie.
Mais, tous deux formés en presse écrite (en alternance entre notre école de journalisme, l’ESJ Pro de Montpellier, et nos rédactions respectives), nous nous lançons là, en ce printemps 2017, un sacré défi.
Un défi. Une montagne. Pour y accéder, il nous faudra tracer notre route dans cet univers de la santé que nous connaissons peu. Afin d’avancer à notre rythme et de traiter ce sujet sous tous ses versants, nous décidons de mettre sur pied un site Internet :
Malades de sport.
Au début, c’est l’euphorie des premiers amours. On veut faire tout, tout de suite. Partager les informations que nous recevons, mettre en avant les parcours de vie d’anciens malades, donner la parole à ces médecins qui analysent le sport dans des laboratoires. Dans des articles écrits et des vidéos. Dans des contenus pédagogiques, qui prennent l’espace dont ils ont besoin.
Notre idéal : faire en sorte que plus personne ne dise “Je ne savais pas”. Que personne ne croit plus que l’activité physique dans le cadre d’une maladie est réservée à des compétiteurs hors normes.
Nous sommes convaincus que si les patients – et leurs proches – comprennent ce qu’il se passe concrètement dans leur corps, et que si on leur explique tout cela précisément, sans chercher à simplifier, les barrières tomberont plus facilement.
Et nous sommes convaincus, aussi, que nous allons réussir notre défi. Comme Vincent a bel et bien réussi à boucler son marathon, en 4 heures et 28 minutes. C’était le 8 mai, trois semaines après sa rémission.
Léa Dall’Aglio & Vincent Guerrier Journalistes-fondateurs du site Malades de sport.