Grâce au microcrédit, Lionel retrouve l’emploi au guidon d’un cyclotaxi

Lionel Henry a 51 ans, et pas mal de métiers derrière lui. Depuis la mi-mai, on peut le voir rouler sur un triporteur électrique dans le centre et l’est de Pau. Ce petit véhicule ouvert sur les côtés, aussi appelé cyclotaxi, permet de transporter des passagers ou des colis sans émettre un seul gramme de CO2. C’est au guidon de triporteur que Lionel exerce son nouveau métier : coursier de quartier.
“J’ai commencé dans la photo, à Paris. Mais avec l’essor du numérique, j’ai fermé ma boutique et enchaîné les boulots entre Paris et Pau”, raconte-t-il.
Tombé par hasard – et par amour du vélo – sur la page Internet de Cyclopolitain, la première entreprise française à s’être lancée dans la fabrication de vélos-taxis, en 2003, il a découvert l’existence du job de coursier de quartier début 2015.​

Quatre mois plus tard, il devient le “premier microfranchisé de France”. Autrement dit, le premier à adopter un modèle économique livré clé en main par l’Association pour le droit à l’initiative économique (Adie), qui aide des personnes exclues du marché du travail et du système bancaire à créer leur propre emploi grâce au microcrédit.

Reconversion professionnelle

À travers une étude de marché, des tarifs préétablis et des activités prédéfinies, l’idée est d’aider les personnes au chômage ou en reconversion professionnelle à franchir le pas de la microentreprise.

La création de ce concept a été annoncée début mai par Cyclopolitain et l’Adie. “Notre réseau compte aujourd’hui neuf entrepreneurs microfranchisés et plus de mille personnes se sont montrées intéressées par ce concept“, explique Basile Albert, le responsable de la microfranchise solidaire à l’Adie.

Les bénéficiaires de ce dispositif se voient proposer une série d’aides personnalisées. Lionel Henry a ainsi obtenu de l’Adie un prêt de 5 000 euros, remboursable en trois ans. S’il n’avait disposé d’aucune épargne personnelle, son microcrédit aurait pu atteindre 10 000 euros.

Objectif : 90 à 100 euros par jour

Pour 6 000 euros, l’entrepreneur a acheté à Cyclopolitain un triporteur. Les frais restants s’élèvent à 4 000 euros : droit d’entrée dans le réseau (240 euros), formation de trois jours au siège de Cyclopolitain à Lyon (1 500 euros), kit de lancement comprenant, entre autres, une tenue vestimentaire et des outils de communication (dépliants, cartes de visite, plaquettes publicitaires à coller sur le triporteur… 500 euros), plus un fonds de trésorerie.

“Une fois en activité, les entrepreneurs paient chaque mois une redevance de 40 euros à Cyclopolitain. Pour le reste, ils définissent eux-mêmes le montant de leurs courses, et donc de leurs revenus, à partir d’une grille tarifaire que nous leur avons préparée”, précise Basile Albert.
Lionel Henry, qui a adapté ses prestations aux tarifs palois, espère gagner entre 90 et 100 euros par jour. Dans son gilet sans manches gris assorti à sa casquette, le néo entrepreneur sillonne les deux quartiers de Pau dont il a l’exclusivité. Ses missions : la livraison de produits de supérettes à des particuliers, le transport de personnes et l’affichage de publicité sur son triporteur.

“Je compte lancer dans quinze jours ma première campagne de communication pour un saurisseur, un commerçant local qui fume du saumon. J’ai aussi dans l’idée de m’associer avec un brasseur local qui veut faire livrer ses bouteilles en centre-ville.”

Ambassadeurs de quartiers

Face à des mesures de plus en plus contraignantes pour la circulation et les livraisons en centres-ville, “sauf à des heures de nuit où les gens dorment”, et alors que l’affichage publicitaire fixe est, lui aussi, de plus en plus règlementé, les triporteurs constituent une solution porteuse, assurent l’Adie et Cyclopolitain.
 

“C’est un service de proximité écologique, silencieux, non polluant, qui permet de recréer du lien au niveau local, d’aider les petits commerces face aux grands sites marchands. Dans une société vieillissante et de plus en plus consommatrice de services, ces ambassadeurs de quartiers, visibles et reconnaissables, ont de l’avenir”, explique le responsable de l’association.

Lionel Henry confirme : “Quand les petites mamies me voient arriver, elles lèvent les bras au ciel tellement elles sont contentes ! Et quand j’emmène les passants sur mon cyclo, ils ont toujours la banane une fois arrivés à destination.”

500 bénéficiaires d’ici cinq ans

“Convaincu que ça marche”, le Palois d’adoption compte démarcher des salons de coiffure, des kinésithérapeutes et des cabinets d’infirmiers pour se faire connaître, tout en veillant à maintenir des prix “en dessous des prix des transports et livraisons classiques”.

En France, les 200 agences de l’Adie et leurs relais (des plateformes comme Le Bon Coin ou Pôle emploi) promeuvent la microfranchise solidaire auprès du plus grand nombre. L’association entend, dans les cinq à dix ans, permettre à 500 personnes de devenir coursiers de quartier.

Une reconversion qui nécessitera quand même de bonnes jambes, malgré l’assistance électrique qui équipe les cyclotaxis de Cyclopolitain.

Lara Charmeil
Journaliste à We Demain
@LaraCharmeil

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