Gratuivores : Ils ont choisi la vie sans argent

Sept heures trente du matin. Benjamin, 30 ans, ouvre un œil, puis l’autre, et se lève en essayant de ne pas réveiller Yasmine, sa compagne, qui dort de l’autre côté du lit. Il avale un café, enfile son jean, ses baskets et va inspecter le potager. En apparence, il mène une vie parfaitement normale.

Seulement, ce champion de la débrouille n’a pas déboursé un centime depuis bientôt deux ans et demi. Pour Benjamin Lesage, tout a commencé en 2010 aux Pays-Bas avec deux amis. Les trois garçons ont alors 25 ans et un projet : aller au Mexique pour le mariage de deux copains. Ils prennent la route… sans un sou en poche : pas d’avion, mais de l’auto-stop, du bateau-stop. Et ils ne consomment que ce qu’ils trouvent.

Le trio découvre un nouveau moyen de consommer mais aussi de vivre. Le périple dure un an. Une fois au Mexique, Benjamin décide de poursuivre cette vie, seul, pendant encore deux ans :
 

“Je me suis très vite rendu compte que la force de la vie sans argent allait bien plus loin que l’aspect écologique. Cela ouvrait une tout autre dimension. Sans argent on ne peut pas acheter, on ne peut plus choisir, il faut lâcher prise et suivre le flot. Dans la vie, avec ou sans argent, on est dépendant de quelque chose. Plutôt que de dépendre d’un organisme, d’une banque, j’ai fait le choix de dépendre de ma communauté, d’un voisin, d’un ami, parfois même d’un étranger et de ce qu’il veut bien donner. Je me suis vite inscrit dans cette dynamique d’échange, où j’ai commencé à donner à mon tour, sans contrepartie, et pas forcément à la personne qui m’avait aidé initialement. J’ai découvert qu’il pouvait y avoir un moyen d’instaurer une économie circulaire basée sur le don et l’échange.”


 ”Plongeurs de poubelles”

Benjamin n’est pas seul à avoir tenté le pari fou de vivre sans argent. De nouveaux glaneurs vivent de troc, de récup et d’échange de services, à l’image des freegans ou des dumpsters – les “plongeurs de poubelles”, qui récupèrent les invendus à l’arrière des supermarchés – des États-Unis.

 

Mais si le phénomène des freegans est bien connu outre-Atlantique, leurs homologues français, les gratuivores, commencent tout juste à faire parler d’eux, avec des émissions télévisées comme Nus et culottés (France 5) ou encore des ouvrages comme Sans un sou en poche de Benjamin Lesage (éd. Arthaud, février 2015). Ce mode de vie nécessite quelques efforts et un réel goût pour le do it yourself : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se recycle. Mais pas seulement.
 

“Vivre sans argent, c’est faire le choix de ne pas avoir d’assurance, de se soigner seul. Si tu utilises une voiture, ça implique de faire un show dans une station-service pour faire le plein, explique Guillaume Mouton. Mon initiation à la vie sans argent a été très progressive. J’ai commencé par partir en voyage à vélo avec très peu de choses, tout simplement parce que j’avais peu de moyens : une gourde, une bâche en guise de tente, et voilà. Je voulais partir à l’aventure.”


Guillaume Mouton, alias Mouts, se prête depuis trois ans au jeu du voyage sans ressources avec son ami Nans dans Nus et culottés. À l’origine, les deux complices se lancent un défi : partir dans le plus simple appareil pour prendre le thé avec un lord en Angleterre ou arriver en boîte de nuit en costard au volant d’une décapotable rouge… Retrouvez la suite de cet article dans We Demain n°11.

Louise Baxter

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