Home made home : bientôt tous architectes ?

Depuis le XXe siècle, les promoteurs immobiliers investissent de vastes espaces pour les rendre habitables. A l’aide d’engins de chantiers, à grands renforts d’ouvriers, ils font sortir de terre des barres d’immeubles ou des rangées de maisons imaginées par des architectes, pariant sur l’attractivité à venir de territoires entiers pour engranger des bénéfices. Après de dures années de labeur, monsieur X décroche un crédit auprès d’une banque, achète son habitation et accéde enfin au rêve de la propriété.
 
Ce schéma a permis de construire plus d’habitations que jamais dans l’histoire de l’humanité. Mais il a aussi exclu les plus précaires, prisonniers de la location, condamné, avec la crise économique de 2008, tous ceux qui ne pouvaient plus rembourser leur prêts. Et oublié une bonne partie des pays en développement, dont les habitants ont dû s’entasser dans des habitations de fortune.

Au XXIe siècle, la donne pourrait progressivement changer : les nouveaux matériaux, couplés à la révolution numérique et à de nouveaux modes de fabrication décentralisés font de la construction d’une maison chose de plus en plus aisée.

Téléchargez votre maison
 
Ce mouvement de démocratisation de l’architecture, « Wikihouse  » en est l’illustration la plus frappante. Ce projet collaboratif permet de concevoir, télécharger et assembler sa propre maison en un temps record et sans formation préalable. Il suffit de choisir en ligne l’un des nombreux kits disponibles en open-source. Sketchup, un logiciel libre, permet ensuite de personnaliser la structure et d’obtenir les plans de l’habitation. Reste enfin à faire tailler les pièces de bois qui la composent dans une scierie locale… et à monter sa maison comme un meuble Ikea !
 
Pour Alastair Parvin, l’un des inventeurs de Wikihouse, « le secret de polichinelle de l’architecture moderne est qu’elle est réservée au 1% de la population mondiale qui peut se la permettre. Le défi qui attend la prochaine génération d’architectes sera, pour la première fois, de se tourner vers les 99% restant ». Parmi les dix commandements de sa communauté de designers : l’emploi de matériaux recyclables ou biodégradables, mais aussi la « paresse » ! « La maison doit pouvoir être assemblée avec le moins de force de travail possible. »

Certes, on est encore loin de pouvoir télécharger gratuitement sa villa. Mais la Wikihouse pourrait se révéler très précieuse en cas de catastrophe naturelle ou de déplacement de population nécessitant une construction massive et rapide de logements à bas coût : les premiers modèles requièrent moins de 2 000 dollars.

Les ouvriers au placard ?
 
Professeur en ingénierie civile, Behrokh Khoshnevis va plus loin. Il a mis au point un robot capable d’ « imprimer » une maison de façon entièrement autonome. À la manière d’une imprimante 3D, « Contour Crafting  » dépose couche par couche différents matériaux composites pour fabriquer le bâtiment. Murs, plomberie, câbles électriques sont assemblés avec une précision chirurgicale, sans aucune intervention humaine. Encore plus impressionnant, Khoshnevis affirme que son robot est capable de construire à la demande une maison de 180 m2 en moins de 24 heures. Pour aménager cet espace, les plus paresseux pourront même investir dans des meubles qui se montent, eux aussi, tout seuls (« Quand nos meubles se monteront tout seuls », à lire sur Wedemain.fr).

[Vidéo : Contour Crafting imprime une maison]

Financé depuis 2008 par Caterpillar, l’un des leaders mondiaux du BTP, Contour Crafting intéresse la NASA pour l’assemblage futur de ses bases lunaires. En attendant de voyager dans l’espace, il pourrait permettre d’optimiser les processus de fabrication traditionnels. Car là où la construction d’une maison produit 3 à 7 tonnes de déchets, ce procédé novateur affiche l’énorme avantage de ne consommer que le strict nécessaire et de limiter l’emploi d’engins de chantiers coûteux et polluants.

Ma maison en kit

La maison de demain s’élèvera donc en 24 heures. Mais elle pourra aussi se démonter. Alejandro Capdevila, créateur d’Isolasystem, l’a bien compris. Ce Catalan a plaqué son poste de directeur artistique dans une agence de publicité pour batîr une maison flottante, auto-suffisante, démontable et remontable à loisir. Exit Barcelone et la méditérannée, il vit aujourd’hui sur le fleuve Oder, près de Wroclaw, la “Venise” polonaise. Cette habitation tire son énergie d’un système mixte de plaques solaires et de moulins à vent, pendant que son eau est puisée et filtrée dans la rivière. Et à tout moment, Alejandro Capdevila peut décider de rembaler sa maison pour l’installer autrepart.

À 1 000 euros le mètre carré, la bicoque n’est pas l’apanage d’une clientèle aisée. Studio photo, espace de vie, résidence secondaire ou chambre d’hôtel… Fruit d’un an de travail et aujourd’hui brevetée, cette maison inspire profesionnels et particuliers attirés par un mode de vie autonome et nomade. Elle est également adaptée aux zones inondables, appelées à se multiplier avec la montée des eaux dans les décenies à venir.

Pendant qu’Ikea et l’ONU lancent un abri en kit pour les réfugiés, de plus en plus d’architectes adeptes des matériaux innovants imaginent des maisons écologiques qui se montent en quelques instants. À l’image de la Black Magic House à Budapest, ou de l’Espinar House en Espagne, qui s’intègrent harmonieusement dans leur environnement naturel et portent la « cabane dans les bois » à un niveau de confort inégalé. Preuve que si la construction est appelée à se démocratiser, le rôle de l’architecte reste crucial pour faire face aux défis écologiques et sociaux du siècle à venir.

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