Lancée au mois d'avril, une campagne dénonce les citoyens coupables d'avoir sali le trottoir avec leurs mégots ou chewing-gums. Comment ? En utilisant leur ADN pour réaliser leurs portraits robots. Véritable avancée pour la protection de l'environnement ou atteinte au respect de la vie privée ?
Lancée au mois d'avril, une campagne dénonce les citoyens coupables d'avoir sali le trottoir avec leurs mégots ou chewing-gums. Comment ? En utilisant leur ADN pour réaliser leurs portraits robots. Véritable avancée pour la protection de l'environnement ou atteinte au respect de la vie privée ?
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Jetez votre mégot, vous êtes fiché ! C’est l’objet d’une campagne réalisée à Hong Kong en avril 2015. Son principe : afficher sur des panneaux les visages des personnes ayant jeté leurs déchets sur les trottoirs.
La méthode est simple. À partir de l’ADN prélevé sur un mégot ou un chewing-gum, un portrait robot du pollueur est établi et placardé dans la ville. Avec comme objectif assumé de choquer les passants afin de leur faire prendre conscience du problème de pollution auquel Hong Kong est confronté depuis plusieurs années. Selon les organisateurs de la campagne, la ville produit près de 16 000 tonnes de détritus quotidiennement.
“Mettre un visage sur ce crime anonyme”
Intitulée
The Face of Litter (“le visage des déchets”), cette campagne a été réalisée par l’agence de publicité
Ogilvy & Mather dans le cadre d’un projet lancé par
Hong Kong Cleanup et mené par
Ecozine, un magazine local consacré au développement durable. Le tout en partenariat avec l’ONG américaine
The Nature Conservancy . Le but affiché par ses promoteurs est de sensibiliser les citadins à l’amoncellement des détritus dans les rues de Hong Kong et de les inciter à ne plus jeter leurs déchets par terre.
“Grâce à la technologie, nous pouvons maintenant mettre un visage sur ce crime anonyme et faire réfléchir à deux fois les gens qui jettent leurs déchets”, se félicite Reed Collins, directeur artistique du département Hong Kong de l’agence Ogilvy & Mather.
Pour ce faire, Ogilvy, agence réputée pour ses campagnes innovantes et de grande envergure (à l’image de
Smarter Planet conçue pour IBM), s’est associée avec le laboratoire médical américain
Parabon. Ce dernier, dont les travaux se concentrent sur l’ADN, utilise habituellement la méthode du portrait robot génétique dans le cadre de la lutte contre la criminalité.
Les visages recréées ne sont pas exactement conformes aux originaux : seuls certains attributs comme la couleur des yeux ou encore de la peau sont pris en compte. La ressemblance n’est ainsi pas toujours évidente? Pour autant, les résultats atteignent amplement le but initial de la campagne, puisque la vidéo de sa réalisation a déjà fait le tour du monde.
Une atteinte au respect de la vie privée ?
Mais cette initiative a aussi de quoi inquiéter. Doit-on craindre que cette méthode scientifique à l’usage jusqu’ici restreint, se banalise au point de se passer de l’accord des individus concernés ?
Si, à cet égard, l’agence assure que le consentement des personnes visées a été obtenu préalablement, un tel procédé n’est pas sans rappeler les débats qui ont eu lieu en décembre dernier en France, autour de l’utilisation des portraits robots génétiques .
La France avait alors eu recours à cette méthode dont l’utilisation est possible sans l’autorisation de la personne concernée et uniquement “
à des fins médicales ou de recherche scientifique“, en vertu de l’
article 16-10 du Code civil. La Cour de cassation a même étendu le champ d’application de ce texte dans un arrêt du 25 juin 2014, en ouvrant la possibilité de recourir au portrait robot génétique d’un individu sans son accord, au sein d’une affaire non résolue de vol à main armée.
Si cette campagne peut sembler choquante, ses promoteurs la défendent au titre de l’urgence de la situation écologique de Hong Kong. Une fin qui justifie les moyens ?
Jean Duffour
Journaliste à We Demain
@JeanDuffour