Anti-fast fashion : cette entreprise co-designe ses vêtements avec ses clients

Ils sont en route pour Porto lorsque nous les appelons. Alex Auroux et Romain Trébuil, fondateurs de Circle Sportswear, se rendent au Portugal pour récupérer une première cargaison de vêtements de sport, qu’ils livreront à vélo à leurs clients français. 
   

lls ne seraient pas les premiers à proposer une mode prétendument durable ou éthique. Les collections “conscious” et les collectes de vêtements usagés fleurissement aujourd’hui chez les marques les plus populaires du prêt-à-porter comme Zara ou H&M. Des initiatives souvent taclées de greenwashing, qui ne remettent pas en question le modèle même de la fast-fashion, industrie à l’impact écologique affolant. Circle Sportswear, depuis sa création début 2020, tente d’afficher plus de transparence que les grandes enseignes.
    

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Le recyclage ne suffit pas

Les vêtements de Circle Sportswear sont fabriqués en fibres recyclées, produites à partir de chutes de tissu et de bouteilles ramassées sur les plages de Galice.“Il y a matériaux recyclés et matériaux recyclés”, souligne Romain Trébuil. Ces fibres sont parfois moins chères si produites en Asie, mais les entrepreneurs préfèrent se reposer sur la filière européenne, qui leur permet d’assurer, de A à Z, la traçabilité de leurs matériaux. “Nous avons trois fournisseurs : à Lyon, à Turin, et en Espagne”, détaille l’entrepreneur.
 

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Mais les deux créateurs l’admettent : pour s’extirper du modèle de la fast-fashion, le recyclage ne suffit pas. Les vêtements fabriqués ne sont pas encore recyclables à 100 %, même si les fondateurs de la marque tentent, avec le CETI (Centre Européen du Textile Innovant) d’apprendre à défibrer les vêtements afin de créer de nouvelles bobines de fils.

Pour créer un vêtement véritablement écologique, des alternatives durables doivent être imaginées à chaque étape de la production. Et cette réflexion commence dès la conception du produit.

Le co-design : s’adapter aux besoins des utilisateurs…

Chez Circle Sportswear, les articles sont “co-designés” avec la clientèle. Des questionnaires leurs sont soumis sur les réseaux sociaux lors des différentes étapes de production. Les potentiels futurs acheteurs peuvent alors faire remonter leurs critères au fabricant : quel design et coloris préfèrent-ils ? Quelles fonctionnalités sont attendues ?  Les clients sont même amenés à choisir les produits qu’ils souhaiteraient voir apparaître dans les prochaines collections.

À l’issue de cette étape, les prototypes sont testés par une trentaine de sportifs, du coureur du dimanche au champion de France de semi-marathon. Ce qui permet à nouveau d’ajuster le vêtement aux besoins des utilisateurs. Résultat, des pièces à la description précise et incongrue tel que ce t-shirt que l’on peut “nouer de plein de façon afin qu’il ne glisse pas lors d’un chien tête en bas”, critère demandé par les yogis. En bref, le but du co-design est de proposer aux sportifs des vêtements tellement adaptés qu’ils n’auront pas envie de s’en débarrasser. “Un t-shirt de sport, si je l’aime, je vais le porter jusqu’au bout !” explique Romain Trébuil.

Il faudra tout de même compter 65 euros pour un t-shirt ou 95 euros pour un legging à porter “jusqu’au bout”.  

Les premières livraisons de Circle Sportswear sont toutes issues d’une pré-commande qui, pour Alex Auroux, permet également de s’éloigner du système industriel dominant. “Là, on est assuré de vendre 90 % de notre production. Cela permet de ne pas avoir à stocker, à solder…” Pas de surproduction, en somme.

…sans en créer de nouveaux

Leur modèle, encore récent, n’est évidemment pas sans faiblesses. À partir de septembre, la marque met ainsi en place Circle 360, un abonnement mensuel permettant notamment de réparer ou de customiser un vêtement, mais aussi de l’échanger pour un autre coloris ou une pièce de la nouvelle collection. Ce système ne risque-t-il pas d’inciter les acheteurs à renouveler leur garde robe sportive avant que cette dernière soit arrivée en fin de vie ? 

“On se pose la question”, admet Alex Auroux. “Peut-être faudra-t-il imposer aux abonnés un nombre de mois minimum d’utilisation des vêtements”, renchérit son collègue. La formule devrait évoluer d’ici 2021.
  

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