“Il y a une bulle autour de l’impression 3D et du mot ‘lab'”

Entre le canal bobo et les cités de Colonel Fabien à Paris, il faut pousser la porte des Ekluz, une « fabrique culturelle et numérique » pour atterrir chez Makery. Dans un modeste 15 m2, les quatre membres permanents de la rédaction nous reçoivent au milieu de vieux Macintosh et d’un « compteur de place vélib » fabriqué avec circuit imprimé open-source. Annick Rivoire, rédactrice en chef, répond à nos questions.

Pourquoi lancer un média 100 % dédié aux fablabs ?

Annick Rivoire : C’est un mouvement international qui s’appuie sur des lieux physiques ou se retrouvent des makers, des hackers, des scientifiques, des artistes. Ce sont des espaces ouverts où des machines sont mises à disposition du grand public, directement ou sur abonnement. Ce qui les relie c’est l’idée du « do it yourself » et de l’impression 3D.  On s’intéresse au milieu maker dans son ensemble, mais surtout à son impact sur la société. Parmi nos derniers sujets, une enquête sur la profession nouvelle de « fabmanager » ou un reportage dans un fablab à Ouagadougou.
 
Justement, qu’est-ce que ce mouvement dit de notre époque ?

La crise économique provoque un mouvement de réappropriation de nos moyens de productions, pour parler en termes marxistes. Il y a un ras le bol face à l’hyper consommation, l’obsolescence programmée, avec une vraie volonté de lutter contre le gaspillage et de proposer des alternatives au système économique classique et capitalistique. Que ce soit dans son coin en imprimant en 3D une pièce pour réparer la machine à laver ou en groupe pour reconfigurer complètement l’économie et rétablir une forme de partage et de réappropriation des savoirs liés à la production. Enfin, pour les designers, ces nouveaux processus changent la façon de prototyper dans l’innovation : c’est bien plus économique de passer par un prototypage en imprimante 3D.
 
On vous a vu assez acerbes sur certains lieux où évènements dans plusieurs articles !
 
Au moment de la première Maker Faire parisienne, on a été un peu critiques et les organisateurs se sont sentis trahis par le titre (NDLR : « Maker Faire peut mieux faire à Paris »). On en a discuté avec eux et ils ont compris. Tant mieux, cela fait avancer le débat. On ne fait pas de l’info pour faire plaisir. Il y a une bulle autour de l’impression 3d et du mot « lab » qui est devenu une tarte à la crème. Il y a un mythe de l’innovation et que tout va changer grâce à l’impression 3D. Un peu comme lors de la naissance d’Internet. Il y a aussi des dangers, des dérives, des récupérations, on est là pour les pointer du doigt. On est pas que là pour servir la soupe aux makers, qu’il s’agisse de membres d’entreprises ou de hackers.

On lit sur le site que « Makery est lui même est un projet en DIY ». Qu’est ce que ca veut dire ?
 
On est une petite équipe aux grandes ambitions et notre cerveau n’a pas encore été dupliqué dans l’espace virtuel. On la joue donc système D, et on se considère comme un média laboratoire qui s’appuie beaucoup sur les compétences de chacun. Quentin Chevrier, journaliste et community manager, est issu de la scène Maker. Aurélien Fache est un ancien d’Owni et notre ponte du code pour le site. On teste des trucs nouveaux toutes les semaines : direct, slow info, cartographie…
 
Quel est votre modèle économique ?
 
Anne-Cécile Worms, directrice de publication : Nous misons sur les subventions des gros labs européens pour pouvoir payer des journalistes dans tous les pays. On va aussi proposer des services aux entreprises comme des labs mobiles ou de la veille sectorielle. On a déjà organisé un premier événement au carreau du temple autour du crowdfunding. L’objectif est de se développer à l’international en restant un média indépendant.

Propos recueillis par :

Côme Bastin
Journaliste We Demain
Twitter : @Come_Bastin

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