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En Provence, ils relancent la culture bio de l’amande

Sur la route de Saint-Rémy-de-Provence défilent les traditionnels champs d’oliviers. Avant d’arriver dans un verger particulier. Sur deux hectares poussent de jeunes amandiers biologiques. Longtemps, une tradition provençale : il y a un siècle, Aix-en-Provence était même la “capitale mondiale de l’amande”. D’où le fameux Calisson.

Mais après la première Guerre Mondiale et l’arrivée du train qui facilite les trajets vers les villes et différents marchés, les paysans délaissent cette culture pour se tourner vers le maraîchage, plus rentable. Jusqu’à ce que divers acteurs tentent de réimplanter l’amandiculture bio sur sa terre historique

C’est le cas de Matthieu Bameule, ex-responsable du développement territorial de la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles (CCVBA). Restaurer la biodiversité de la région, relocaliser la production d’un aliment très demandé… De nombreuses raisons motivent la relance de l’amandiculture.

Réimplanter la culture de l’amande en Provence

Agnès Benoît, fille de paysan et elle-même reconvertie dans l’agriculture à mi-temps, accueille sur ses terres le projet, baptisé Elzéard. Clin d’œil au personnage principal de la nouvelle L’Homme qui plantait des arbres de Jean Giono.

Un projet mené grâce à la collaboration de plusieurs entités : la Fondation Ecotone (du groupe Ecotone Alter Eco) ; la chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône ; le Groupe de recherche en agriculture biologique (Grab) ; la CCVBA ; la Société du canal de Provence ; et l’interprofession France Amande.

Depuis l’idée en 2014 jusqu’à la plantation du verger pilote, il aura fallu attendre sept ans. C’est-à-dire mars 2021. Aujourd’hui, 710 arbres sont plantés sur les terres de la paysanne de Saint-Rémy-de-Provence.

Certes, il ne s’agit pas de la seule exploitation d’amandes de la région. Dans l’Hexagone persistent quelques 1 000 hectares, pour une production avoisinant les 500 tonnes par an, selon les chiffres de la fin de l’année 2019. Une production faible, et encore plus en bio. Surtout face aux importations : quelque 34 000 tonnes chaque année, détaille Laurent Belorgey, président de l’association interprofessionnelle France Amande, fondée fin 2018. 

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Le verger est composé de deux variétés d’amandier : le Lauranne et le Ferrastar. (Crédit : WE DEMAIN)

Aujourd’hui, 80 % des amandes produites dans le monde viennent des États-Unis. Et plus particulièrement de Californie. Les amandes bio achetées en France, elles, proviennent plutôt d’Espagne ou de Sicile.

Ce marché est en pleine expansion. Bio de Provence estime ainsi le besoin en amande bio à plus de 1 000 tonnes par an, précise Jean-Michel Montagnon, chargé de projet à la chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône.

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Les difficultés de la culture en bio

Mais si cette relance de la culture de l’amande est une belle histoire, elle n’en est pas moins semée d’embûches. La culture en bio pose un problème conséquent : les cultures sont endommagées par certains champignons, pucerons… Mais surtout par un prédateur féroce : l’Eurytoma amygdali, aussi appelé “la guêpe de l’amande”. Et baptisé par Jean-Michel Montagnon le “Dark Vador de l’amandier”, du fait de son corps entièrement noir. 

Ce petit insecte peut à lui seul ravager 80 % des récoltes. Venu du Proche-Orient, il pond à l’intérieur des jeunes amandes au printemps. Puis les larves grandissent en se nourrissant de l’amandon. 

L’un des principaux objectifs du projet Elzéard est ainsi de rechercher des solutions naturelles pour lutter contre ces ravageurs. Plusieurs techniques vont être testées dans les mois à venir. Par exemple, une moitié du verger a été plantée avec des rangs resserrés, de manière à permettre de poser un filet à mailles très fines sur les arbres. Installé pendant un mois, il devrait empêcher l’insecte de passer. 

Un second système va être expérimenté pendant trois ans : celui des kairomones. Il s’agit de reproduire les substances qui sont émises par les arbres et attirent les Eurytoma afin de les piéger. 

Une bande fleurie va également être plantée à l’automne à proximité du verger pour participer à la régulation des pucerons et au développement de la biodiversité. 

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Maîtriser la consommation d’eau

L’autre défi de ce projet est de mieux maîtriser les ressources en eau. L’amandier était originellement une culture en sec, tout comme l’olivier. Mais du fait de l’augmentation des sécheresses, de la hausse des températures, et pour avoir un meilleur rendement, l’irrigation est aujourd’hui nécessaire. Le projet Elzéard cherche aussi à trouver une pratique d’irrigation la plus résiliente possible.   

L’une des personnes en charge de ces expérimentations est Alice Ract Madoux, directrice de projet AgriTECH chez la Société du Canal de Provence. Elle a mis en place un système de goutte à goutte enterré qui a l’avantage d’être économe en eau, de limiter l’évaporation et enfin d’irriguer directement les racines. Des capteurs permettent en plus de connaître en temps réel les besoins en eau des plantations. 

Des capteurs permettent de réguler l’irrigation des arbres. (Crédit : WE DEMAIN)

Selon elle, la consommation du verger pilote avoisine 250 à 300 mm par an, ce qui représente 2 500 m3 d’eau par hectare. En comparaison, la Californie en utilise 600 à 800 mm par an, “voire plus”, insiste-t-elle. 

“L’objectif n’est pas forcément de diminuer l’irrigation par rapport aux cultures provençales déjà existantes, mais plutôt d’augmenter la production pour la même quantité d’eau utilisée.”

Si les amandiers ne mesurent aujourd’hui qu’environ 80 cm, ils devraient, dans cinq ans, atteindre les 4 mètres. Leurs premiers fruits bio et made in France pourront eux être dégustés d’ici trois ans.


Pionnier de l’alimentation bio et végétarienne en Europe depuis plus de trente ans à travers un collectif de marques engagées (Alter Eco, Bjorg, Bonneterre, Clipper, Destination, Danival…), Ecotone s’est donné pour mission de nourrir la biodiversité. À travers sa Fondation, l’entreprise soutient des projets de restauration et de conservation des écosystèmes.

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