“Nous nous scandalisons de ces élevages d’animaux hors-sol et nous ne hurlons pas lorsque notre société fait de plus l’élevage de nos gamins en batterie, enfermés, grillagés, sans accès à l’espace et au soleil… On ne peut pas grandir corporellement, intellectuellement, aimer, le cul sur une chaise !”
Chaque fois qu’il évoque l’éducation “entre les murs” Louis Espinassous, éducateur à l’initiative de Sortir, qui promeut l’éducation dans la nature, fulmine (1). Et il est vrai qu’hyperconnectés, les enfants n’ont jamais été autant déconnectés de la nature : selon une enquête de l’Institut de veille sanitaire, près d’un sur deux ne joue jamais dehors en semaine.
Avec des conséquences sur la santé, répertoriées sous le vocable de syndrome de déficit de nature, responsable entre autres de troubles du comportement, le fameux THDA (trouble de l’hyperactivité avec déficit de l’attention), redouté des enseignants et générant trop souvent le recours à la contestée ritaline, l’asthme, le stress, la dépression ou encore l’obésité. Selon de récentes études danoises, le contact avec la nature renforcerait de surcroît les défenses immunitaires.
“Le modèle éducatif a sa responsabilité en coupant la jeunesse du monde extérieur qui aide à grandir”, expliquent Matthieu Chéreau et Moïna Fauchier-Delavigne qui, pour leur livre L’Enfant dans la nature (2), ont enquêté sur les “Green Schools”, ces écoles à ciel ouvert où l’on peut courir, crier, jouer avec la terre, grimper aux arbres, prendre le temps d’observer un insecte, rêver… tout en faisant du calcul, en mesurant la taille d’un arbre, de l’histoire, en construisant un arc…
Les deux auteurs en sont persuadés : “Une autre éducation est possible, grâce à laquelle l’enfant découvre la richesse du monde qui l’entoure et acquiert des compétences solides, physiques, cognitives et sociales ainsi qu’une appétence indéniable à la joie.”
Une révolution verte
Développées depuis des décennies dans les pays scandinaves, en Allemagne, en Suisse, ces pédagogies permettent aux enfants de 3 à 6 ans de passer la journée, qu’il pleuve ou qu’il vente, dehors. Une approche émotionnelle par la nature qui séduit peu à peu les enseignants de l’Hexagone. Et pas seulement ceux d’écoles alternatives comme l’école Colibri, parrainée par Pierre Rabhi et qui, depuis 2006, propose dans la Drôme une éducation à la nature, à l’environnement et à la paix. “Une petite révolution verte est en cours”, assurent au terme de leur périple dans l’outdoor learning Matthieu Chereau et Moïna Fauchier-Delavigne.
Enseignante en maternelle, Crystel Ferjou fut une des premières, c’était en 2010 à Pompaire en Nouvelle-Aquitaine, à organiser, un jour par semaine, une classe dehors. Devenue conseillère pédagogique, elle forme aujourd’hui des enseignants séduits par sa démarche. Intégrant l’environnement dans les apprentissages, nombre d’établissements s’engagent en effet dans des projets d’éco-école. En extérieur !“La demande des enseignants est de plus en plus forte”, commente Sarah Wauquiez, pionnière en Suisse des jardins d’enfants en pleine nature et auteure des Enfants des bois (3).
“Ce n’est pas un hasard si les écoles végétalisées obtiennent de meilleurs résultats. Les sciences cognitives nous apprennent que ce que l’on apprend par différents canaux sensoriels s’ancre mieux dans la mémoire et qu’un environnement motivant joue un rôle crucial. La nature est un environnement sur mesure pour l’enfant : il peut y aiguiser ses sens, s’auto-organiser, développer sa résilience et tisser des liens avec l’environnement. Il peut surtout apprendre à se faire confiance. Les adultes font si peu confiance aux enfants…”, regrette-t-elle.
Apprendre par la nature, c’est apprendre à la défendre
La nature c’est la classe ! Depuis la rentrée 2018, la pédagogue et psychologue accompagne (avec le Réseau école et nature et le Graine, Réseau régional d’éducation à l’environnement) le projet qui permet à trois classes de Besançon de prendre l’air. “Les enseignants redécouvrent leurs élèves, d’autres compétences apparaissent.”
Pour les petits citadins, la reconnexion avec la nature peut se faire avec le jardin. “Il se passe toujours quelque chose dans un jardin”, explique dans le film Les Enfants dehors (4) l’enseignante de l’école maternelle du quartier Hautepierre, à Strasbourg, qui fait la classe dehors. “On apprend à son rythme quel que soit son stade de développement.” Apprendre par la nature c’est aimer cette dernière et donc la défendre : à l’heure où l’éducation à l’environnement est de l’ordre de l’urgence civique, l’école doit, elle aussi, faire sa révolution verte.
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