Les instagrameurs, nouvelles stars de l’édition ?

Amours solitaires, Petites luxures, La vie moderne, Ex Relou… Ces comptes Instagram cumulent des dizaines de milliers, voire des millions de followers. Et ont un point commun : tous ont fait l’objet d'(au moins) un livre. 

Si, durant la dernière décennie, le monde de l’édition s’était surtout intéressé aux youtubeurs, avec des autobiographies, des bandes dessinées, des livres de tutos de cuisine… de plus en plus d’auteurs sont aujourd’hui repérés sur Instagram. Avec son milliard d’utilisateurs  actifs tous les mois, la plateforme est le deuxième réseau social le plus utilisé au monde. Une poule aux œufs d’or pour les maisons d’édition ? 
 
“La création se déplace. Il y a eu un appel d’air des youtubeurs, qui ont fait beaucoup de livres. Peut-être trop. Aujourd’hui, le format Instagram nous semble plus propice au récit. D’autant que l’écrit est plus présent sur ce réseau”, explique Olivier Moreira, éditeur du#am dédié aux pop et geek cultures chez Albin Michel, qui a publié Morgane Ortin (@AmoursSolitaires) et publiera bientôt Angelo Foley (@BalanceTaPeur).

Marie Baumann, directrice éditoriale chez Hoëbeke, ajoute :“Les thématiques présentes sur Instagram changent aussi. Il y a beaucoup de nouveaux comptes sur les femmes, le féminisme, le bien-être, la santé… Des sujets extrêmement porteurs dans l’édition.”

Les instagrameurs : un succès assuré ?

L’éditrice a notamment publié l’ouvrage de Simon Frankart, créateur de la page de dessins érotiques @PetitesLuxures, qui compte 1,2 million d’abonnés. “Les instagrameurs ont déjà une communauté fidèle et un public assez captif. Le marché de l’édition, surtout en illustré, est difficile aujourd’hui. Savoir que nous avons déjà des lecteurs potentiels, cela compte”, souligne Marie Baumann.
 
Mais le nombre de followers n’est pas le plus important, selon les deux éditeurs. Leur engagement joue surtout. “Aujourd’hui, les lecteurs sont souvent plus fidèles aux instagrameurs qu’aux grands journaliste par exemple. Et il est plus intéressant d’avoir une petite communauté avec un sujet très fort et des abonnés captifs, que l’inverse. On sait qu’un livre creux ça ne marche pas”, précise l’éditrice de Petites Luxures, qui a aussi publié l’ouvrage Alchimie végétale  de l’instagrameuse Séverine Perron, dont la communauté n’est composée “que” de 3 400 abonnés. 
   

“Par exemple, Morgane Ortin (693 000 followers) a créé un lien extrêmement fort avec ses abonnés. Pour le lancement de son livre, plus de 1 000 personnes étaient là, c’est énorme”, ajoute Olivier Moreira.

   
Un engagement qui a porté ses fruits : le Tome 1 d’Amours Solitaires, paru en octobre 2018 et qui compile des centaines de textos romantiques (ou érotiques), s’est vendu à 100 000 exemplaires. “Il a atteint un niveau de best-seller”, se félicite l’éditeur. Le livre a même été traduit en six langues, avec un engouement des étrangers pour ce format original. D’où le deuxième tome, paru un an plus tard, en octobre 2019.

Il en va de même pour l’ouvrage Petites Luxures, sorti le 31 octobre 2019. Déjà vendu à plus de 15 000 exemplaires, il sera bientôt publié aux États-Unis, en Italie, aux Pays-Bas et en Espagne.“On savait qu’on ne prenait pas un risque colossal à publier un auteur qui a une communauté d’1,2 million d’abonnés, même si le dessin érotique reste un sujet difficile.”
 

De la légitimité pour les instagrameurs

Au-delà de l’aspect commercial, le réseau social est aussi une source d’inspiration pour les maisons d’édition. “Ca nous permet d’élargir considérablement nos horizons et notre carnet d’adresse. On découvre des choses à côté desquelles on serait passés il y a dix ans”, s’enthousiasme Marie Baumann.
 
Si les maisons d’édition convoitent les auteurs influenceurs, ces derniers y trouvent aussi leur compte. “Instagram, c’est une belle rampe de lancement, mais cela peut aussi être une prison, analyse Olivier Moreira. Au bout d’un moment, quand vous n’existez qu’à travers le réseau, il est important d’en sortir.”
 
Il souligne par exemple le chemin parcouru par Morgane Ortin : “Le lancement du Tome 1 a beaucoup joué pour sa notoriété. Publier un ‘vrai livre’, c’est important dans notre société, c’est être quelqu’un de ‘sérieux’. Casser ce mur d’internet, ça légitime en quelque sorte.”

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