Mouvement #Kutoo : les Japonaises se rebellent contre les talons au travail

Les Japonaises en ont plein le dos des talons hauts. Yui Ishikawa la première.

Le 24 janvier, celle qui, avant de devenir actrice, travaillait dans un hôtel perchée sur des escarpins, a exprimé son exaspération sur Twitter concernant leur port obligatoire dans le milieu professionnel nippon.

“J’aimerais me débarrasser un jour de la coutume selon laquelle les femmes doivent porter des talons et des escarpins au travail. Quand j’étais hôtesse pendant un mois à temps partiel, je ne pouvais plus utiliser mes pieds à force de porter des talons hauts et j’ai dû arrêter ce travail.”

Un appel qui a trouvé un important écho sur les réseaux sociaux. Dans la foulée, de nombreuses Japonaises ont rebondi sur le tweet de Yui Ishikawa sous le hashtag #Kutoo : une contraction des termes japonais “kutsu” (chaussure), “kutsuu” (douleur) et faisant référence au mouvement #MeToo.

Du Tweet à la pétition

68 000 “likes” et 30 000 “partages” plus tard, le 3 juin, l’actrice décide de poursuivre son action en adressant une pétition au ministère nippon de la Santé, du Travail et des Affaires sociales. Elle y demande à ce qu’une loi soit votée pour interdire l’injonction faite aux femmes de porter des talons en milieu professionnel ; ce qui relève, selon elle, “d’une discrimination sexuelle et constitue un harcèlement”.

Signé près de 28 000 fois, ce texte dénonce des conventions vestimentaires quasiment impossibles à détourner lorsque l’on cherche un emploi au Japon, et même une fois trouvé.

L’affrontement du ministre du Travail nippon

Le ministre du Travail nippon ne s’est pas montré très sensible à cet appel. En réponse à la pétition, Takumi Nemoto a choisi de défendre les entreprises perpétuant cette “coutume” :

“Il est généralement admis dans la société que porter des hauts talons est nécessaire et approprié au travail”, a-t-il réagi mercredi 5 juin devant une commission parlementaire.

Très remontés contre ce commentaire et le refus de légiférer du ministre, des internautes lui ont lancé le défi de se mettre dans les talons d’une Japonaise le temps d’une journée. Un challenge qui, à ce jour, n’a pas été relevé.

D’autres personnalités politiques ont, elles, décidé de soutenir la pétition. C’est notamment le cas de la vice-ministre du Travail, Emiko Takagai, et du député de l’opposition, Kanako Otsuji, qui a jugé cette obligation vestimentaire “dépassée”.

Ce mouvement intervient alors qu’un vent de révolte féministe souffle sur le pays des geishas, placé 110e en termes d’égalité des genres par le Forum économique mondial. En dehors du mouvement #KuToo, les Japonaises manifestent chaque 11 du mois pour appeler à plus d’égalité dans leur modèle de société.

Des cas similaires à travers le monde

Mais les Japonaises ne sont seules à crier haro sur les talons hauts.

En 2016, une réceptionniste britannique avait déjà lancé une pétition en 2016, après avoir été licenciée pour refuser de quitter ses chaussures plates. Une commission parlementaire visant à améliorer les codes vestimentaires pour les femmes au travail avait alors vu le jour.

En France, selon l’article L1121-1 du Code du Travail, un employeur a le droit d’imposer ou d’interdire une tenue vestimentaire à ses salariés, sauf raisons médicales particulières. Et certaines femmes commencent à dénoncer l’impact des talons sur leur santé.

C’est le cas de l’actrice Romane Bohringer, qui a usé de sa notoriété pour montrer au public les effets sur ses pieds de soirées en talons à l’issu du 72ème Festival de Cannes, en mai dernier.

 

 

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