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Normandie: une coopérative relance la production de t-shirts en lin

Produire des vêtements en lin en grandes séries en Normandie, l’idée paraissait encore saugrenue avant la pandémie de Covid-19. Notre pays a beau être le premier producteur mondial de cette fibre végétale, 80 % de la production part en Asie, en Turquie ou en Europe centrale pour être filée puis tricotée, depuis que les dernières filatures françaises ont fermé leurs portes en 2005. Si des projets de relocalisation de la filière demeuraient dans la tête de certains professionnels du textile depuis la fin des années 2010, la crise sanitaire a accéléré le mouvement.

Notamment chez Linportant, une coopérative de production lancée en 2019 en Normandie. Son objectif : fabriquer 100 000 T-shirts chaque année. Avec ses huit salariés et du lin bio cultivé dans la plaine de Caen, elle s’est mise à produire des masques (15 000 pièces) dès le premier confinement. “Avec la pandémie, on s’est aperçu qu’on était encore capables de produire du textile en grande série en France. Et pas seulement de la haute couture, se félicite Paul Boyer, directeur général de Linportant. En imaginant qu’on se soit lancé dans le contexte actuel et pas en 2019, on aurait visé plus gros. Peut-être le million de T-shirts par an.”

Cet article est à retrouver dans WE DEMAIN n°34, disponible en kiosque et sur notre boutique en ligne.

En Normandie, une main d’œuvre qualifiée

Si Linportant a pu se lancer, c’est parce que les vagues de délocalisation successives n’ont pas encore totalement détruit la filière en France. Les coopératives de teillage, la première étape de transformation du lin existent encore en nombre. Le pays compte toujours des couturiers industriels, une main-d’oeuvre qualifiée. Elle reste à la pointe de l’industrie de la mode avec de nombreuses marques mondialement réputées. “Il nous manque juste des filatures et des ateliers de confection positionnés sur le prêt-à-porter“, pointe Paul Boyer.

Justement, les projets de filature commencent à se multiplier dans l’Hexagone. La société Emanuel Lang va ouvrir une filature de lin en Alsace. Et Safilin, envisage de rouvrir une unité de filature de lin sur ses terres historiques dans les Hauts-de-France. La création en France d’une nouvelle filière biologique de lin – par ailleurs très peu gourmand en eau – permettrait de redonner du sens à un secteur broyé par la mondialisation.

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Des grandes marques intéressées par le lin français

L’association Lin et chanvre bio travaille sur des contrats d’approvisionnement entre agriculteurs, filatures et ateliers de confection à une échelle locale. “On pourrait ainsi imiter le risque financier très important que nous prenons en passant en agriculture biologique, explique Méline Schmit, en pleine conversion de son exploitation sur le littoral calvadosien. Cela nous aidera aussi à valoriser le côté bio de notre production linicole. Ce qui est difficile pour des produits à long circuit de transformation“, poursuit la jeune linicultrice. À l’autre bout de la filière, les marques de vêtements comme 1083 ou Le Slip Français se sont engagés aux côtés des agriculteurs, au sein du collectif Linpossible. Objectif : promouvoir le made in France en s’approvisionnant en priorité auprès de filatures et de confectionneurs tricolores.

Effet positif, la relocalisation de la production permet à ces marques de réduire une partie de leurs coûts de distribution et de commercialisation. Ralph Lauren, Promod et H&M ont annoncé vouloir utiliser davantage de lin français dans leurs collections. “Début 2020, au début de lapandémie, la Chine a cessé d’exporter vers l’Europe, rappelle Paul Boyer. Ça a fait prendre conscience aux poids lourds de la mode de la fragilité de leurs chaînes d’approvisionnement. Et de l’importance de les sécuriser un minimum en rapatriant une partie de leur production sur le continent européen.” Dès lors, imaginer que 10 % des vêtements en lin achetés en France soient fabriqués dans l’Hexagone dans un futur proche ne tient-il pas davantage de la rationalité économique que de l’utopie ?

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