Partager la publication "“Nous ne payons pas notre alimentation à son juste coût”"
L’alliance de l’agriculture et des biotechnologies serait-il le tandem de choc pour l’avenir de l’alimentation ? Lors de l’événement “2050, we are_ DEMAIN”, Audrey Bourolleau, fondatrice de l’école Hectar pour l’agriculture régénératrice et elle-même à la tête d’une ferme, et Olivier Tomat, directeur exécutif de Génopole, premier biocluster de France ont réfléchi au futur de l’alimentation. L’agricultrice a mis d’emblée en lumière un constat alarmant : la moitié des terres françaises sont agricoles, mais un quart d’entre elles souffrent d’érosion. “Il faut changer nos pratiques pour aller vers de l’agriculture régénératrice“, affirme-t-elle. Ce modèle permet de soigner les sols, de favoriser la biodiversité tout en luttant contre le réchauffement climatique.
Mais le défi est double : alors que 160 000 fermes devront être reprises dans les trois à cinq prochaines années, la pression sur ces terres ne cesse de croître. En effet, la demande pour des matières premières non-nourricières, comme la biomasse pour la cosmétique et le bâtiment, entre en compétition avec la production alimentaire. “Nos terres agricoles deviennent rares et sous tension”, alerte-t-elle, soulignant l’importance d’une meilleure gestion de la valeur et de la rareté.
Olivier Tomat, directeur exécutif de Génopole, abonde dans le même sens. Son constat est global et va dans le sens de la fondatrice d’Hectar : “La consommation de protéines va augmenter de manière spectaculaire d’ici 2050, et nous ne sommes pas en capacité de produire suffisamment.” C’est d’ailleurs pour cela que les biotechnologies et les start-ups qu’il soutient au Génopole offrent des solutions dans ce sens.
Cependant, il est important de le souligner, ces nouvelles technologies ne visent pas à remplacer l’agriculture traditionnelle, mais à la compléter. “Toutes les solutions sur lesquelles nous travaillons doivent se concilier avec les agriculteurs”, affirme Olivier Tomat. Cela doit permettre notamment une diversification des revenus agricoles. “Grâce à des produits de plus en plus transformés, doit devenir un modèle gagnant-gagnant pour l’agriculture et la planète.”
L’agriculture d’aujourd’hui et de demain s’annonce comme un domaine à haute valeur ajoutée. “Demain, l’agriculteur sera un chef d’entreprise”, avance Audrey Bourolleau, qui imagine un modèle où les machines autonomes et la robotique pourraient jouer un rôle clé dans les travaux répétitifs. L’IA aussi a sa place. “On doit travailler avec les outils de notre temps, comme tous les chefs d’entreprise”, pointe-t-elle.
Mais si on veut, en parallèle, améliorer la qualité de la production agricole pour une meilleure alimentation, il est nécessaire de réindustrialiser nos territoires. “J’ai une ferme située à 35 minutes du centre de Paris. Là où je suis, il n’y a pas de vétérinaire agricole à moins de 2 heures, il n’y a pas de collecte de lait, aucun silo proche… il faut remailler nos territoires avec ces outils et ce n’est pas une ferme seule qui peut prendre en charge ces coûts, ils doivent être partagés.”
Il y a aussi la question du coût de la qualité. “Aujourd’hui, nous ne payons pas notre alimentation à son juste coût, ajoute Audrey Bourolleau. Concrètement, je fabrique des yaourts avec des vaches qui ne mangent que de l’herbe et qui sont neutres en carbone. Le prix de mes laitages est de 30 à 40 % plus important qu’un yaourt classique. C’est quelque chose qu’il faut avoir en tête.”
Qui doit payer ? En agriculture, la transition écologique ne peut se faire sans un soutien accru. Le financement de la transition agricole et des innovations technologiques reste un enjeu majeur. “Le fameux U de la transition doit être financé et il ne le sera pas par les banquiers”, assure Audrey Bourolleau. Elle explique qu’une ferme céréalière type nécessite 150€ à l’hectare pour transitionner. Cela pourrait passer par une hausse de prix des produits vendus aux consommateurs (farine, etc.), mais aussi par des crédits carbone, des crédits biodiversité. L’agricultrice plaide aussi pour la mise en place d’un diagnostic des sols obligatoire. C’est-à-dire que le prix de vente d’un terrain devrait être conditionné à la qualité de ses sols.
La recherche de nouvelles solutions passe également par des technologies de pointe. Olivier Tomat cite l’exemple des start-ups travaillant sur les protéines de lait ou la viande cellulaire : « Nous ne sommes pas là pour remplacer l’élevage, mais pour réduire les risques qui nous guettent à l’horizon 2050. » Il souligne aussi l’importance de trouver des solutions pour rendre ces innovations économiquement viables, alors que le coût de production reste un frein majeur.
En parallèle, Audrey Bourolleau travaille sur des outils concrets pour améliorer la qualité des productions agricoles. « Nous testons des technologies qui quantifient la biodiversité sur nos fermes, comme la bioacoustique ou l’ADN environnemental. » Ces innovations permettront, à terme, d’accroître la transparence et la valeur des pratiques agricoles régénératrices.
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