Partager la publication "Médiateur numérique, en première ligne contre l’illectronisme"
Travailler, aller chez le médecin, parler à ses proches, faire du sport … Depuis le début du confinement, une immense partie de nos activités quotidiennes se font désormais de manière virtuelle. L’utilisation des outils numériques explose.
Mais comment font ceux qui ne maîtrisent pas, ou mal, ces outils ? Ils sont plus nombreux qu’on ne le pense : en France, l’illectronisme toucherait 17 % de la population, selon l’INSEE. Une personne sur six n’utilise pas Internet, plus d’un usager sur trois manque de compétences numériques de base.
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Pour ces personnes déjà fragilisées, “le confinement accélère l’exclusion numérique”, alerte Caroline Span, co-directrice de la MedNum, coopérative nationale des acteurs autour de la médiation numérique. “Et, dans le même temps, les solutions habituelles pour accompagner les personnes en difficulté deviennent inopérantes.”
Face à ce constat, la MedNum a lancé mi-mars la plateforme solidarité-numérique, proposant l’aide de médiateurs volontaires qui répondent par téléphone ou via le chat du site. Depuis sa création, le numéro a été composé plus de 8 000 fois. Les questions qui reviennent fréquemment ? La continuité pédagogique, le télétravail, mais aussi la maîtrise des outils “sociaux” (Skype, Whatsapp, Zoom…) et la recherche d’informations fiables sur l’épidémie.
Ces médiateurs numériques sont, et la crise actuelle le révèle, devenus essentiels. Mais cette profession qui existe depuis quelques années peine encore à sortir du flou administratif. Elle n’est toujours pas inscrite au répertoire des métiers de Pôle Emploi, et les offres la concernant se cantonnent souvent au service civique.
Plus de 10 000 personnes se définissent pourtant comme médiateurs numériques professionnels en France, chiffre auquel il faut ajouter l’ensemble des bénévoles et travailleurs sociaux qui oeuvrent également pour réduire la fracture numérique.
“Toutes les questions de numérique sont des questions de société. En être exclu, c’est se retrouver à la marge”, pointe Loïc Gervais, volontaire à solidarité-numérique et auteur du blog Médiateur Numérique. L’illectronisme touche, selon lui, “bien plus de monde” que les 17 % de Français identifiés par l’INSEE. L’aisance numérique ne saurait en effet se définir par la simple maîtrise technique de ses outils, mais également par leur utilisation consciente et éclairée.
“Se servir d’un logiciel de traitement de texte est aussi important que de savoir rédiger et envoyer un CV et une lettre de motivation en ligne, et de comprendre l’enjeu qu’il y a à le faire.”
Cette importance de l’usage, le médiateur de la première heure l’a vu émerger en 2008, avec la dématérialisation des offres Pôle Emploi. Au comptoir de la MJC où il travaille, les chômeurs ont soudain remplacé les simples curieux. “C’est là que le terme médiation numérique a véritablement pris son sens.” Un autre tournant majeur est attendu en 2022, date à laquelle les impôts, la CAF, la Sécu et autres services administratifs passeront au 100 % numérique.
Être médiateur numérique, ce n’est donc pas seulement aider “Untel” à remplir sa déclaration CAF en ligne, mais bien lui permettre de gagner en autonomie sur le long terme, rappelle Caroline Span.
“Cela concerne les personnes âgées, celles en situation de précarité sociale ou peu diplômées, mais aussi, et cela peut paraître étonnant, beaucoup de jeunes”.
“Ils savent naviguer, poster une story sur Instagram, mais pas forcément envoyer un mail ou faire l’école à la maison. Ce n’est pas parce qu’on est jeune que l’on n’a pas besoin d’accompagnement au numérique.”
Un accompagnement qui, à l’heure du confinement, est obligé de s’adapter, de se réinventer. “Une phrase comme ‘vous voyez la barre d’adresse’ devient très vite énigmatique quand on la dit par téléphone”, s’amuse Loïc Gervais. Mais les volontaires de solidarité-numérique se débrouillent et goûtent la reconnaissance de ceux qu’ils rappellent pour leur proposer une solution. L’initiative pourrait bien se poursuivre au-delà du 11 mai… preuve, s’il en est, de la nécessité de renforcer la médiation numérique auprès du plus grand nombre.
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