“On peut tout enseigner avec le jeu” : l’escape game s’invite à l’école

Selon André Tricot, chercheur en dynamique des capacités humaines et des conduites de santé à l’université Paul Valéry (Montpellier), l’apprentissage des connaissances primaires – qui s’opère sans effort, de manière rapide et inconsciente – se fonde sur quatre principes fondamentaux : l’immersion, les relations sociales, l’exploration de son environnement et le jeu.

“Toutes ces composantes, on les retrouve dans l’escape game : c’est un jeu immersif qui permet à un groupe de joueurs d’interagir en  fouillant leur environnement pour y découvrir des  indices  afin  de  résoudre  des  énigmes” , précise Julien Alvarez, docteur en science de l’information et de la communication et président de LudoScience, laboratoire de R&D dédié à l’étude du jeu vidéo et du serious game.

Créé en 2005 par le Japonais Toshimitsu Takagi, l’escape game a rapidement été décliné en jeu d’évasion grandeur nature. Son concept : des joueurs enfermés dans une pièce doivent s’en échapper dans un temps imparti en découvrant des indices et en les combinant afin de résoudre une ou plusieurs énigmes. Facile à détourner et adaptable à tout type de public, d’environnement et d’objectif, l’escape game rencontre aujourd’hui un succès grandissant auprès d’enseignants en quête de méthodes d’enseignement innovantes.

L’anglais avec Sherlock Holmes

Christelle Quesne, professeure d’anglais au collège Jean-Zay (Le Houlme, Seine Maritime), a découvert l’escape game sur Twitter il y a environ trois ans. De ses recherches naît un premier jeu d’évasion pédagogique, autour de Sherlock Holmes, qu’elle teste auprès de sa classe de 4e dans le cadre d’une séquence sur la culture anglais. “Ce que j’ai d’abord relevé, ce sont  les interactions entre les élèves, le développement d’un véritable esprit d’équipe, qui ne va pas forcément de soi dans une classe”, analyse-t-elle.

Rapidement, l’enseignante décline le concept, l’adapte à d’autres thématiques, l’insère dans des séquences d’enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) en binôme notamment avec une collègue d’EPS (éducation physique et sportive). “Pour motiver et intéresser les élèves, pour délivrer des savoirs généraux ou en préciser d’autres plus spécifiques, pour faire un bilan ou un rappel des apprentissages, on peut programmer un escape game à chaque étape de la séquence d’apprentissage”, détaille l’enseignante.

En septembre 2017 elle se lance dans la création d’un site internet, Escape n’games, qu’une dizaine d’enseignants administre depuis avec elle. Plus de 215 jeux d’évasion pédagogiques, classés par niveaux scolaires du primaire au secondaire, libres d’être utilisés et détournés, y sont aujourd’hui référencés. Histoire, géographie, langues, sciences de la vie, littérature… toutes les disciplines sont représentées. En parallèle, une page Facebook, sur laquelle près de 3 700 enseignants de toute la France échangent et mutualisent leurs créations et ressources sur les jeux sérieux – grande famille dont font partie les jeux d’évasion pédagogiques.

Le réseau Canopé, qui édite, produit et diffuse des ressources pédagogiques destinées aux professionnels de l’enseignement, propose sur sa plateforme un kit de formation à l’escape game, adaptable tant à leur discipline qu’au niveau scolaire des élèves. Emilie Lebret, professeur d’allemand détachée depuis septembre 2018 à l’atelier Canopé de Loir-et-Cher et coauteure avec Christelle Quesne de L’Escape game : une pratique pédagogique innovante (éd. Canopé, CNDP, juin 2019), assure des formations pour accompagner les enseignants. “Introduire l’escape game dans un cours nécessite de la préparation et de l’accompagnement”, insiste Emilie Lebret.

En parallèle, elle est à l’initiative avec Christelle Quesne du salon Eduludic qui, depuis 2018, présente aux professionnels de l’enseignement, des méthodes et initiatives de ludification. L’objectif : mutualiser les pratiques.

Les jeux d’évasion ne sont en effet qu’un exemple parmi d’autres à la disposition des enseignants. “Jeux de cartes pour travailler le calcul, jeux de plateaux pour la stratégie, robot-pédagogie pour initier à la logique informatique, jeux de rôles… les options sont nombreuses,” rappelle Mathieu Combarnous, enseignant-formateur à l’atelier Canopé de Foix (Ariège).

Si certains optent pour le tout analogique, d’autres couplent les jeux à des dispositifs semi ou tout numérique, sur tablette ou tableau interactifs, avec parfois un avatar comme levier de motivation supplémentaire pour les élèves. “Je ne vois pas de limite aujourd’hui à l’emploi du jeu, ni dans les objectifs d’apprentissage, ni dans des disciplines en particulier, ajoute Julien Alvarez. De manière très simple, on peut tout enseigner avec le jeu.”

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