Partager la publication "Pour des villes 100 % cyclables, la Vélorution grille la priorité aux voitures"
Plus loin, un type dont le sweat-shirt arbore le nom de l’ONG Sea Shepherd semble mener les opérations. “Vous avez ramené votre vélo ?”, apostrophe-t-il les passants, avant de se présenter : Jérôme, 52 ans, informaticien à Châtillon.
Ambiance festive
L’association Vélorution est née en 2004 à Paris, dans la lignée d’un mouvement vieux de 40 ans. Son texte fondateur, le Manifeste vélorutionnaire, a été publié par le collectif Les Amis de la terre en 1977. Le crédo des “vélorutionnaires” ? Inviter les citoyens à repenser leurs modes de transports, principalement axés sur l’automobile et la moto.
En novembre 2014, l’association a produit son propre manifeste. Il prône la transgression du code de la route, “qui n’a été conçu que pour faciliter la prolifération des véhicules motorisés”. Un programme régulièrement mis à exécution dans plusieurs villes de France. Des cyclistes militants s’y rassemblent, afin de former ce qu’ils appellent une “masse critique”. Dans une ambiance festive, quelques heures durant, ils jouent de leur nombre pour reprendre la route aux automobilistes.
“La masse critique, précise Jérôme, c’est une démonstration de fierté de la part des cyclistes de représenter, le temps d’un événement, le trafic dominant. “Masse”, car on doit être suffisamment nombreux pour s’insérer dans le trafic sans danger. Et “critique”, car on veut dénoncer la façon dont la ville est aménagée, la place accordée à la voiture, la pollution…”
Conférence climat
Outre ces rassemblements ponctuels, le collectif prend position sur des questions d’aménagement urbain, à travers la publication de textes critiques disponibles en ligne. Il dénonce notamment le Plan d’action pour les mobilités actives (PAMA), présenté l’an passé par le ministre délégué aux transports, qui, d’après la Vélorution, “ne se montre pas à la hauteur des enjeux”. Selon l’association, “l’espace urbain appartient à tous mais n’est pas équitablement réparti par les politiques”.
“Aujourd’hui on est 50, demain on sera 70. Et bientôt 200… Si l’on ne commence pas à agir maintenant, il ne se passera jamais rien. Nous pouvons tous agir à notre niveau et c’est en accumulant [ce genre d’initiatives] que nous pourrons faire de grands pas.”
Planifiée chaque samedi depuis janvier, la manifestation se déroule désormais aussi le 21 de chaque mois. Des rendez-vous plus fréquents qui s’inscrivent dans une recherche de visibilité, en amont de la COP 21, le sommet mondial sur le climat organisé à Paris en décembre.
Prêts pour le changement
Selon Jérôme, ce rassemblement des chefs d’État du monde entier ne débouchera sur des solutions concrètes que si les gouvernements “se libèrent des lobbies et prennent en compte l’intérêt général”. Il se dit persuadé que “les gens sont prêts à changer de comportement, à l’instar des cyclistes qui ont décidé d’abandonner leur voiture.”
Peu à peu, la “masse” fait son effet. Ni les voitures, ni les motos ne peuvent la traverser. Si quelques automobilistes ronchonnent, klaxonnent ou lâchent des jurons, la plupart des passants assiste à ce drôle de cortège le sourire aux lèvres.
Soudain, après avoir pédalé quelques dizaines de minutes, le groupe marque l’arrêt. Pendant que certains collent au mur une
affiche qui critique la COP 21, d’autres prennent la parole pour informer des prochaines actions organisées.Une pause salvatrice pour certains. “
Elle est rapide cette Vélorution, non ?”, lance une jeune habituée du mouvement, casque sur la tête et gilet fluo sur le dos. Mais déjà, la trêve est rompue. Après avoir contourné le Panthéon et traversé les ruelles du quartier latin, le groupe se dirige vers l’hôpital militaire.
“On va monter en puissance jusqu’à la conférence, avec en point d’orgue une Vélorution planétaire le 5 décembre, annonce Jérôme. Militer, ça devient un art de vivre ! Même si on ne sait pas si ce qu’on fait aura un impact, c’est joyeux et on créé des liens… Et c’est comme ça qu’on peut entrainer des gens avec nous.”
Il est 20 h, rue de l’Estrapade. Les rayons du soleil peinent désormais à percer les arbres qui bordent la chaussée. L’atmosphère printanière est apaisante. Peu à peu, les “vélorutionnaires” se séparent, en attendant le prochain grand soir.
Mehdi Boudarene
Journaliste à la Street School
@julius_barnabus