Pour “faire partie de la solution” ce couple franco-chilien d’étudiants lance son verger bio en Bourgogne

Lui est français, doctorant en anthropologie, elle chilienne, en licence de géographie. Mais c’est au milieu d’un verger luxuriant que Gabriela et Noé imaginent leur avenir professionnel. Leur objectif est de créer, en quelques années, une plantation fruitière de moins d’un hectare (soixante-cinq ares) en Saône-et-Loire, sans engrais chimique ni pesticides. Pour créer cet “écosystème forestier résilient”, ils misent sur les techniques de la permaculture et de l’agroécologie. Pour cela, ils ont reçu une parcelle, où les premières opérations de terrassements ont commencé début octobre.

Le jeune couple fait partie des dix lauréats du concours Je deviens paysan . Une opération organisée par les associations Fermes d’Avenir et Terre et Humanisme qui œuvrent à la transition agricole. Ce concours vise à faciliter l’installation de nouveaux agriculteurs bio en France. Lorsqu’un porteur de projet est sélectionné, il peut solliciter, via la plateforme de financement participatif Blue Bees , un prêt à taux zéro pour financer son projet.

Les particuliers qui le financent, de leur côté, reçoivent 2 % d’intérêts. Le tout grâce à la participation de mécènes : Le Crédit coopératif, Clarins ou encore la fondation Nature et découvertes. Pour leur part, Gabriela et Noé demandent 15 000 euros . De quoi financer notamment l’achat des premiers arbres et plantes, l’amendement du sol et la mise en place du système d’irrigation sur leur parcelle.

Si leur projet aboutit, Gabriela et Noé produiront plusieurs variétés de fruits locaux, notamment des poires et des framboises. Le couple ambitionne aussi d’y faire pousser des fruits plus rares, comme de l’amélanche. Future star de l’exploitation, cette petite pomme bleue se déguste notamment en confiture. Les futurs arboriculteurs sont tombés amoureux de ce fruit méconnu, qui a d’ores et déjà donné son nom à leur domaine : Les Vergers De L’Amélanche.

Leurs études n’ont pas grand-chose à voir avec l’agronomie. Au cours de sa formation en anthropologie, Noé, 27 ans, est devenu spécialiste du “rite agraire et sacrificiel des Mapuches du Chili”. Gabriela, 27 ans également, est, elle, étudiante en licence de géographie. Après leur rencontre en Norvège, lorsqu’ils étaient adolescents, ils ont vécu entre la France et le Chili. Leur histoire est, selon eux, “le reflet de la mondialisation et paraît assez éloignée, reconnaîssent-ils, de la réalité d’une exploitation agricole au coeur de la campagne bourguignonne.” Alors pourquoi, lorsqu’on est un jeune couple d’étudiants, se lance-t-on dans une telle démarche ?

“Cela vient d’un profond désir de s’enraciner quelque part, répond Noé. Alors que la réalité du monde nous pousse à la mobilité, nous refusons cette obligation. Nous ne pouvions pas accepter le diktat de la mondialisation qui veut nous faire choisir entre misère et mobilité. Nous voulons vraiment créer quelque chose de stable et de viable.”

Une histoire de racines

Pour mettre en place son projet, le couple a bénéficié de l’appui décisif de Joseph, le frère de Noé. Déjà à la tête d’une exploitation bio, il leur a fourni la parcelle où s’établira leur futur verger. Gabriela et Noé pourront ainsi bénéficier d’un soutien familial.

Plus largement, l’histoire familiale des deux futurs exploitants a été décisive dans la construction de leur projet. “Mon envie de cultiver quelques chose, explique Noé, c’est aussi un désir de me rapprocher du modèle de mes grands-parents qui étaient agriculteurs et qui sont de véritables figures tutélaires pour moi.” Gabriela partage ce rapport étroit à la terre : elle a grandi avec sa grand-mère dans la campagne chilienne et ne peut pas imaginer de vivre loin de la nature.

Le rôle de Fermes d’Avenir

L’aide apportée par Fermes d’Avenir ne se limite pas à une levée de fonds auprès des particuliers. Pendant trois ans, les partenaires du concours financeront aussi la certification Agriculture Biologique des exploitations lauréates, mais aussi une formation en permaculture ainsi qu’une aide à la communication. “Le but est de participer à l’inflexion de notre modèle agricole,” résume Maxime de Rostolan, coordinateur de Fermes D’Avenir.

Gabriela et Noé espèrent ainsi pouvoir contribuer, à leur échelle, à “une révolution douce et silencieuse” de l’agriculture, qui fait face à des défis environnementaux, nutritionnels, et sociaux majeurs. Un chiffre illustre l’ampleur du problème : dans son dernier recensement décennal, le Ministère de l’agriculture estimait que notre pays, entre 2000 et 2010, a vu disparaître un quart de ses exploitations.

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