Partager la publication "Régime végan : de nouvelles pistes pour éviter toute carence en vitamine B12"
La vitamine B12 est essentielle au bon fonctionnement de notre organisme et comme notre corps n’est pas capable d’en produire, nous devons donc l’apporter par l’alimentation. À l’heure actuelle les produits animaux sont notre seule source de vitamine B12. Cette vitamine se retrouve dans la viande car les microorganismes présents dans le tube digestif des animaux herbivores synthétisent la vitamine qui est ensuite absorbée et se retrouve dans la viande. Comme les autres vitamines B, il n’y a pas de risque à en ingérer trop car elle est éliminée naturellement par l’organisme si l’on en consomme trop.
Elle se retrouve aussi dans le fromage, un aliment fabriqué à partir du lait par la fermentation, c’est-à-dire de l’action des micro-organismes. Il n’y a pas que le lait qui est fermenté. Qu’en est-il des produits végétaux ? Et bien, c’est l’inconnu. Comme les végétaux ne contiennent pas de vitamine B12, personne ne recherche leur présence. En plus, cette vitamine est assez compliquée à mesurer car il existe plusieurs formes qui ne sont pas toutes actives pour l’humain.
De la vitamine B12 via les végétaux ? La piste de l’Injera éthipienne
Nous travaillons en collaboration avec l’Éthiopie. Dans ce pays, une majorité de personnes mange de l’injera tous les jours. Il s’agit d’une galette fermentée faite à partir de teff (une toute petite céréale). Le teff est moulu en farine, de l’eau est rajoutée pour obtenir une pâte un peu liquide comme la pâte à crêpe. Après trois ou quatre jours de fermentation, l’injera est cuit sur une grande plaque, comme les galettes de sarrasin.
Aucune donnée sur la quantité de vitamine B12 dans l’injera n’existe. Nous avons tout de même cherché, après tout, l’injera est un aliment fermenté et la fermentation peut permettre la production de vitamine B12. Bingo ! L’injera était très riche en vitamine B12, si bien qu’elle pouvait même dans certains cas couvrir les apports nutritionnels journaliers. Une fois cette découverte réalisée il nous fallait encore comprendre pourquoi cette galette de teff contenait de la vitamine B12.
La farine de teff fermentée, une solution… complexe
Nous avons alors regardé si les microorganismes qui fermentent l’injera étaient connus pour être capable de fabriquer la vitamine. La réponse est oui. Des bactéries aux jolis noms comme Propionibacterium freudenreichii ou Lactobacillus coryniformis sont connues pour leurs capacités de synthèse. La première bactérie, qui se trouve habituellement dans le fromage ou dans le sol, a même été retrouvée directement dans la farine de teff.
En Éthiopie, pas de moissonneuse-batteuse, après la récolte, les grains sont séparés de la paille à laquelle ils sont attachés en les battant à même le sol. Nous pensons que c’est à cette étape que les bactéries sont apportées sur la farine. Donc si l’on revenait en France à ces méthodes anciennes de battage des céréales, qu’on les consommait après fermentation, les végétaliens pourraient arrêter de prendre des compléments alimentaires pour couvrir leurs besoins. Une idée difficile à imaginer.
Tout n’est pas perdu, il existe un autre moyen. Si nous ajoutons les bactéries nous-mêmes lors de la préparation des végétaux fermentés, il serait possible d’obtenir des aliments végétaux riches en vitamine B12.
Du pain au levain avec un supplément bactéries
Des chercheurs ont mené cette expérience et ont fabriqué du pain au levain à partir de ces bactéries. Les résultats sont très encourageants puisqu’ils ont calculé que 2 tranches de pain suffiraient à couvrir les besoins journaliers en vitamine B12 d’une personne. Par contre, le pain avait un arrière-goût de fromage, car Propionibacterium freudenreichii est une bactérie qui se retrouve dans le gruyère.
Tout n’est pas encore parfait, quelques mises au point sont encore nécessaires pour pouvoir trouver sur le marché des aliments fermentés végétaux naturellement riches en vitamine B12, mais les pistes sont prometteuses.
À propos de l’autrice : Christèle Humblot. Directrice de Recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD).
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.