Partager la publication "Tinder surprise : quand les applis de rencontre nous font vivre l’improbable"
Tout le monde parle de Tinder. Sans savoir toujours ce qui se passe vraiment sur l’appli aux 50 millions d’utilisateurs générant quelque 1,5 million de rendez-vous par semaine ! Créatrice, il y a deux ans, de Tinder Surprise, série d’articles emblématique de Rue 89 (rubrique de l’Obs.fr), la journaliste Renée Greusard, elle, connaît la réalité et les faux-semblants de l’application de rencontre favorite des Y et Millennials : “Attention tu vas te retrouver sur Tinder Surprise” est devenu un collectif joke dans sa rédaction.
“L’idée de demander aux lecteurs de relater leurs “dates” vient d’un déjeuner avec une copine”, se souvient Renée Greusard. “Célibataire, elle me racontait ses rendez-vous sur Tinder. C’était drôle, émouvant, parfois cruel. Et tellement révélateur de l’état des lieux de notre paysage affectif ! Ce qui remonte le plus souvent de ces bribes de vie », poursuit la journaliste de 34 ans, c’est « une sorte d’indifférence à l’autre : “Elle ne m’a pas écouté”, “Il ne parle que de lui”, se plaignent les utilisateurs. Comme si les rencontres étaient celles de deux solitudes ayant plus besoin d’écoute que d’amour.” Moderne solitude… Extraits.
“Du coup j’ai arrêté de répondre”
Romain, 26 ans
“J’ai ghosté deux meufs récemment. Bon, OK, j’en ai plutôt ghosté cinq ou six. Je sais que c’est bizarre à dire, mais c’était horrible à vivre, traumatisant (et lâche au possible). Avant ça m’arrivait très rarement, mais là c’est devenu plus régulier depuis deux ou trois mois. Je ne réponds plus dès qu’il y a un truc qui bloque. La dernière fois, la fille est partie dans des hauteurs. Elle me demandait des trucs du style : “Comment on construit les choses, toi et moi ?” Ça s’embarquait dans des complications pas possibles. Du coup j’ai arrêté de répondre. En plus, elle voulait un dernier rendez-vous, pour “une explication” mais moi je suis incapable de faire ça… Je serais incapable de dire : “Non, je ne veux plus !” Je serais plutôt du genre à replonger dans la relation à la première occasion et à le regretter bien sûr. Je me protège donc comme ça, en me taisant.”
“Mais… Mais t’es pas noir !!!”
Zoé, étudiante en sociologie, 26 ans, (c’est elle qui raconte)
Joachim, ingénieur, 27 ans
“Là je me retourne. Et effectivement je vois un mec. Le type en question était vraiment plus blanc que mon Freedent !!! BLANC. Blond. Bouclé. Je panique. Tétanisée. Je bégaye. “Mais… Mais… c’est toi ??” Je suis déconfite. Alors que j’ai de l’assurance normalement. Il me dit : “Ouais”. Je lui dis : “Mais… Mais t’es pas noir !!!” Il bredouille un truc pour s’excuser, s’expliquer. Je ne lui laisse même pas en placer une. Je me vénère. “Mais je m’en tape, t’es pas noir t’es pas noir.””
“Dans la rue, il compare mon visage à ma photo de profil”
Alexandra, RH, 28 ans (c’est elle qui raconte)
Enguerrand, directeur artistique, 28 ans
“On discute rapidement mais je vois qu’il est en mode automatique. Il réfléchit en même temps qu’il parle. Je propose : “Autant aller se poser à une terrasse de café, non ?” Il me répond : “Attends. Je vérifie que c’est vraiment toi.” Et là… Il met son téléphone à côté de mon visage, pour comparer ma photo de profil. Il y a un silence. Je ne réalise pas ce qui se passe. On dirait qu’on est dans la quatrième dimension. Il me regarde calmement et dit : “Oui c’est bien toi. Pas de doute.” Je dis : “Ben oui, je ne suis pas du genre à me cacher.” Je mets un peu de temps à imprimer ce qu’il vient de se passer. Puis je lui dis : “Il vaut peut-être mieux qu’on en reste là.” Il répond : “Effectivement, c’est mieux.” On se quitte comme ça.”