Partager la publication "Tout ce qu’il faut savoir sur les PFAS, surnommés “polluants éternels”"
Les PFAS, produits chimiques toxiques, sont à l’origine du scandale en Virginie-Occidentale, décrit dans le film “Dark Waters”. Ils ont également fait l’objet du documentaire primé « The Devil We Know ». Que s’est-il passé ? Une usine de production de PFAS a causé une vaste pollution de la région, et affecté ses employés et les gens qui buvaient l’eau contaminée. Depuis ce scandale, les connaissances sur la toxicologie des PFAS, soit l’étude de leurs effets nocifs sur la santé, évoluent constamment.
Ces contaminants sont associés à une augmentation des concentrations sanguines de cholestérol, une réduction de la croissance foetale, une diminution de la réponse immunitaire aux vaccins, et une augmentation des risques de cancer du rein. La liste des problèmes de santé causés par les PFAS continue de s’allonger au fur et à mesure que les études épidémiologiques s’accumulent. Experts en chimie de l’environnement et en santé environnementale, nous proposons d’apporter un éclairage sur la problématique des PFAS.
Le nom est plutôt rébarbatif et vient de l’anglais « Per and polyfluoroalkyl substances », soit des substances alkylées per – ou polyfluorées. Les PFAS sont des molécules chimiques synthétisées en laboratoire. Elles sont composées, d’une part, d’une chaîne d’atomes qui a les mêmes propriétés que l’huile. Ces atomes rendent les PFAS particulièrement stables et difficiles à dégrader (de là, leur surnom de polluants éternels – Forever Chemicals). D’autre part, les PFAS sont aussi constitués d’une partie qui aime l’eau et qui fuit l’huile.
Cette dualité d’avoir un côté qui aime l’huile plus que l’eau et un autre qui aime l’eau et qui fuit l’huile en fait un surfactant, soit une molécule qui fait le lien entre deux interfaces (huile et eau dans ce cas) et qui résiste aussi bien à l’eau qu’à l’huile. Par ailleurs, sa composition chimique lui confère des propriétés recherchées pour toutes sortes d’applications modernes.
L’utilisation la plus connue des PFAS, largement abordée dans le documentaire « The Devil We Know », est celle d’antiadhésif pour nos instruments de cuisson – les fameuses poêles en Teflon. On les utilise également pour protéger nos meubles, tapis et textiles contre les taches (les produits de type « Scotchguard »).
Les PFAS peuvent être utilisés pour imperméabiliser une multitude de vêtements. Ils sont également présents dans certains cosmétiques dits hydrofuges ou « résistants à l’eau », comme le fond de teint. Plusieurs papiers et cartons résistants à l’eau ou aux graisses sont aussi traités aux PFAS et beaucoup de plastiques en contiennent.
Une excellente façon d’augmenter son exposition aux PFAS est de manger du maïs soufflé en sac chauffé au four au micro-ondes (le sac est traité aux PFAS pour résister à la graisse qui fait éclater le maïs). Bien entendu, tous ces produits risquent de se retrouver dans nos déchets. Conséquemment, les sites d’enfouissement représentent des sources potentiellement inquiétantes de PFAS.
Finalement, les mousses anti-incendie formant une pellicule aqueuse (Aqueous film-forming foam-AFFF), qui sont utilisées pour combattre les feux à base d’hydrocarbures (pétrole, gaz naturel), représentent une source majeure de PFAS. Les endroits où ces mousses ont été utilisées font face à des problèmes de contamination aux PFAS ; on parle ici de la plupart des sites d’entraînement des pompiers, plusieurs aéroports et de multiples bases militaires.
Les deux PFAS originaux, PFOS et PFOA, sont considérés comme des polluants organiques persistants et ont été bannis par la Convention de Stockholm. Malheureusement, l’industrie est ingénieuse pour contourner les règles en modifiant une portion de la structure chimique complexe des PFAS. Dans quel but ? Celui de générer un composé aux propriétés industrielles et commerciales très similaires, mais qui échappe à la réglementation. Au fur et à mesure que les chercheurs et les agences gouvernementales de protection de l’environnement accumulent des données pour tenter de réglementer certains PFAS spécifiques, l’industrie a le beau jeu de changer de molécules et d’utiliser de nouvelles versions alternatives.
Ainsi, sur les milliers de composés PFAS disponibles, les réglementations n’en touchent habituellement qu’un très petit nombre, souvent moins qu’une dizaine selon les pays. Seuls, au mieux, une trentaine de PFAS sont détectés et exigés par les méthodes d’analyses actuelles. On parle d’un décalage immense. De plus, plusieurs des nouvelles formulations de PFAS sont appelées des « précurseurs », puisqu’elles peuvent se dégrader dans l’environnement et se transformer en d’autres PFAS, dont le PFOA ou le PFOS, les deux molécules bannies.
La complexité du nombre de molécules et leurs propriétés uniques rendent l’analyse de ces polluants complexe et difficile. De plus, leur omniprésence dans l’environnement réduit la fiabilité des résultats de laboratoire, qui peuvent être contaminés si la préparation d’échantillons et les procédures ne sont pas appropriées (surtout pour l’analyse de l’eau potable). Il est aussi important d’intégrer un maximum de PFAS possible aux suivis environnementaux, afin d’éviter qu’un ou plusieurs composés particulièrement problématiques échappent au suivi.
Leur persistance et leur capacité à s’accumuler dans les tissus des organismes vivants (bioaccumulation) font en sorte qu’on les retrouve en haut des chaînes alimentaires. On les détecte notamment chez les mammifères marins de l’Arctique, ce qui impacte les populations principalement autochtones qui en dépendent pour se nourrir. On assiste ainsi à une injustice environnementale, puisque ces communautés subissent les effets d’une pollution à laquelle elles n’ont aucunement contribué.
En plus de leur persistance dans l’environnement, plusieurs PFAS sont également persistants dans le corps humain. Même en réduisant l’exposition à ces contaminants, les PFAS peuvent prendre des années à être éliminés de l’organisme. En raison de l’exposition ubiquitaire et de cette persistance, plusieurs PFAS sont détectés dans la quasi-entièreté des échantillons de sang récoltés dans le cadre de l’Enquête canadienne sur les mesures de santé, menée par le gouvernement fédéral.
Une étude canadienne a par ailleurs démontré que ces contaminants se retrouvent également dans les échantillons de sang du cordon ombilical et dans le lait maternel ; nous portons donc des traces de PFAS dans notre organisme dès notre conception.
Les propriétés chimiques des PFAS les rendent aussi particulièrement difficiles à éliminer quand ils se retrouvent dans notre eau potable ou notre eau usée. Les traitements usuels pour l’eau potable enlèvent très peu ou pas du tout des PFAS présents dans l’eau). Des investissements significatifs sont donc nécessaires pour modifier les procédés de traitement dans le but de les éliminer.
De plus, le traitement de l’eau usée peut augmenter très significativement les concentrations de PFAS dans les boues d’épuration, principal déchet issu du processus d’épuration. Ces boues, aussi appelées biosolides, contiennent bien souvent des concentrations de PFAS comparables aux niveaux ambiants détectés ailleurs. Mais si les eaux usées contiennent des rejets d’un procédé industriel ou commercial qui utilise des PFAS, les biosolides qui en résultent pourraient être très contaminés aux PFAS.
L’état du Maine a même légiféré pour interdire toute forme de valorisation des boues municipales d’épuration des eaux usées. Dans cette ère de réchauffement global où l’on doit tout mettre en action pour réduire nos émissions de carbone, cette interdiction semble mal avisée et signifie que les boues devraient être incinérées en brûlant vraisemblablement des hydrocarbures ; on parle alors, évidemment, d’un bilan carbone abominable.
La solution pour pouvoir valoriser les biosolides passe par une meilleure réglementation de l’utilisation des PFAS pour prévenir leur apparition dans les eaux usées et les boues d’épuration municipales. On peut aussi très bien vérifier les concentrations dans les biosolides avant leur valorisation et ainsi éviter les risques de contaminer nos sols en établissant des seuils de PFAS à ne pas dépasser. Nous veillons actuellement à la réalisation de cet objectif, en collaboration avec le ministère de l’Environnement du Québec.
Le dossier des PFAS est particulièrement complexe, les experts et les diverses agences de protection de l’environnement du monde n’étant pas encore capables de trouver un consensus pour définir ce qui est sécuritaire.
Nous devrions être particulièrement vigilants et appliquer le principe de précaution, qui stipule que :
Une substance doit être considérée comme potentiellement nocive pour la santé humaine et pour l’environnement, jusqu’à preuve du contraire.
Il importe également de mieux réglementer cette famille de polluants inquiétants qui se retrouvent absolument partout.
À propos des auteurs :
Sébastien Sauvé. Professeur, Université de Montréal.
Marc-André Verner. Professeur agrégé, Université de Montréal.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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