Partager la publication "Transition écologique: inspirons-nous des savoirs māoris"
De Nouvelle-Zélande au Bhoutan, du Pacifique à l’Himalaya, le Wānanga Trek est un reportage solidaire mené par Anne Sophie, étudiante en sciences politiques de 21 ans. Chaque mois, elle racontera ses aventures à We Demain.
La Nouvelle-Zélande occupe une grande place dans notre trek des alternatives du Pacifique à l’Himalaya. Parce qu’elle offre au monde l’image d’un pays “100% pur” d’un point de vue écologique, comme le vante partout le Ministère du Tourisme.
Nous étions loin d’imaginer les réalités qui se cachent derrière cette image. Au-delà du simple slogan marketing, on assiste à un véritable retour des savoirs māoris.
“Wānanga” signifiant apprendre des savoirs et savoir-faire locaux, nous voulons montrer ce qu’il est possible de retenir de ces concepts environnementaux māoris — concepts que nous avons parfois simplement oubliés — en vue de la transitions de nos propres sociétés.
Les concepts māoris: la nature prend soin de l’homme; et inversement
Que ce soit les montagnes, les cours d’eau, les ressources géothermales, la biodiversité. Tous sont précieux car habités par le Mauri, un principe de vie constituant la pierre fondamentale de la pensée environnementale maorie.
Face à son environnement, l’homme a non seulement le droit naturel de gérer ses ressources (Tikanga), mais plus encore, il est le gardien de ces ressources et a la responsabilité (Kaitiaki, ou Kaitiakitanga) d’en prendre soin.
Ce lien, qui s’exprime aussi sous la forme spirituelle (Rangatiratanga), est la base de toutes les actions environnementales maories : la nature prend soin de l’homme, donc l’homme se doit de la préserver. Il constitue un ensemble de valeurs communes, où toute action sur l’environnement a des répercussions sur la communauté (iwi) et l’homme (tangata) ; et inversement.
Ce trait est bien sûr commun à la plupart des premières sociétés : l’environnement leur fournissant toutes les ressources nécessaires, la gestion durable et raisonnable de celles-ci est un impératif naturel.
Les concepts māoris — qui présentent également un aspect spirituel — sont une expression parmi d’autres de liens entre peuples premiers et environnement.
Région du Waikato: traduire les préceptes en actions:
Dans la région du Waikato, sur la côte Ouest de l’île du Nord, deux tribus māoris ont dû faire face à une pollution grandissante des cours d’eau dont ils dépendent. Pour répondre à cette crise, ils ont fait valoir leur Kaitiaki, leur responsabilité naturelle envers l’environnement et ses ressources.
Mais dans les années 1950, elles ont dû faire face à l’urbanisation croissante de la ville de Levin, à seulement quelques kilomètres du lac ; et aux pollutions environnementales qui s’en sont suivies. En 1953, le Conseil de la ville, afin de supporter sa croissance, a décidé de déverser les égouts de Levin dans le lac Horowhenua, puis dans le cours d’eau Hoko.
Les contaminations chimiques ont rendu impossible l’exploitation des ressources naturelles utilisées par les deux tribus. Et impossible de s’y baigner…
Une gestion des ressources partagée
Après une décennie de conflits avec les administrations européennes, les tribus ont obtenu en 1987 une gestion partagée et intégrée des ressources.
Si les problèmes persistent dans cette région, le kaitiakitanga a bel et bien été intégré dans la législation le principe de la conservation environnementale.
Revenir ou progresser vers les savoirs des peuples premiers ?
Ces savoirs concernent l’exploitation de ressources, la chasse, la pêche, mais aussi la gestion des évènements climatiques, l’agriculture, l’éducation, la santé et la médecine et la conservation entre autres choses.
Dans son livre Science and Sustainability. Learning From Indigenous Knowledge, J. Hendry postule que les sciences s’intéressent de plus en plus aux savoirs locaux des communautés premières.
Elle le montre par exemple dans le domaine de la gestion des sols, de l’architecture, de la médecine, de l’astronomie pour la navigation, des calendriers pour les changements climatiques, voire dans ceux de la physique et des mathématiques. La question ne semble pas ici de “régresser” ou “progresser” ; il s’agit, comme le terme Wānanga le définit, d’apprendre l’un de l’autre dans un but commun.
En ce qui concerne la transition des sociétés, nous avons énormément à apprendre des peuples qui vivent déjà — ou ont vécu — en appliquant les objectifs que nous nous fixons. Ils montrent d’autant plus l’efficacité des actions citoyennes, qui parviennent à modifier les lois et la gestion des ressources naturelles.
Anne-Sophie Roux.