Transition énergétique : utilisons les innovations du passé !

Un tramway à air comprimé, du pétrole à base de déchets organiques, une imprimante solaire… Nous ne sommes pas dans le futur, mais en pleine Belle Époque, dans les années 1900 ! Ces inventions incroyables sont pourtant tombées dans l’oubli de l’histoire. Avec son projet P aléo-énergétique, le collectif Atelier 21 compte bien les ressusciter du passé et les utiliser pour la transition énergétique.

Après quatre années d’enquête participative, cette communauté de chercheurs et curieux publie le 20 septembre un ouvrage intitulé Rétrofutur, une contre-histoire des innovations énergétiques. L’Atelier organise le soir-même, à 19h, le lancement du livre à la station E de Montreuil, une friche alimentée à 100% en énergie renouvelable créée par le même collectif. We Demain a pu s’entretenir avec le fondateur du projet, Cédric Carles. Également designer et chercheur, il a co-dirigé la réalisation de Rétrofutur.

We Demain : Vous avez fondé le projet Paléo-énergétique pour dénicher des innovations du passé utilisables de nos jours. Pourquoi avoir réalisé aujourd’hui ce livre ?

Nous effectuons depuis plusieurs années des recherches sur l’innovation énergétique, autant dans la production d’énergies renouvelables que l’efficacité énergétique, que les systèmes d’animation autonome ou encore la précarité énergétique. Nous nous sommes aperçus qu’il manquait une base de données commune qui retrace l’histoire des innovations et leurs itérations. Pour accélérer la transition énergétique, il faut des outils de savoir en commun.

La recherche en paléo-énergétique réunit des chercheurs, des étudiants, des retraités et des curieux… Comment avez-vous travaillé pour rédiger cet ouvrage ?

Le projet est en effet avant tout collectif. Thomas Oritz, Eric Dussert et moi-même avons composé le comité éditorial et animé la communauté de Paléo-énergétique. Beaucoup de personnes ont écrit des focus, c’est-à-dire en quoi ces innovations résonnent avec le monde d’aujourd’hui. Nous voulions aussi que les grands académiciens et des chercheurs de référence dans la transition énergétique participent à notre projet et racontent cette démarche intéressante.
 
Parmi les 64 innovations présentées dans l’ouvrage, laquelle vous a particulièrement captivé ?

Il y a en a deux, qui sont françaises. D’abord la pile Clamond, qui produit de l’électricité quand on la chauffe. C’est le principe de la thermo-électricité et de la cogénération : on produit de la chaleur et de l’électricité en même temps. C’est très important pour la transition énergétique en France, dans le sens où quand on chauffe le plus en France, c’est aussi lorsqu’on consomme le plus d’électricité. La seconde est l’imprimante solaire de 1882 d’Augustin Mouchot et d’Abel Pifre. On adorerait missionner un étudiant pour retrouver les journaux imprimés à l’époque, car ils tenaient déjà un propos sur les quantités limitées du charbon.

Ces inventions à énergie renouvelable sont pourtant tombées dans l’oubli…

Il y a beaucoup de raisons à cela. Certains inventeurs sont parfois trop “perchés” dans leurs inventions et n’arrivent pas à communiquer correctement. D’autres sont trop en avance et simplement incompris faute au contexte technologique et industriel. Il y en d’autres à qui il manque une petite brique technologique pour obtenir de bons rendements. Il y a aussi l’effet yoyo du prix de l’énergie : quand les énergies non renouvelables sont très chères, ça vaut le coup d’investir dans le renouvelable. Mais si le prix du baril de pétrole ou du charbon chute, les énergies renouvelables sont éjectées du marché.
 

Quelle invention vous paraît indispensable aujourd’hui pour décarboner notre modèle énergétique ?

Toutes celles du bouquin ! La liste n’est pas exhaustive, car nous en avons encore plein d’autres dans les cartons ! Nous recueillons aussi des pratiques sociales, des imaginaires collectifs. Dans son ouvrage de 1901, Emile Zola prône par exemple le véhicule électrique en autopartage. Dans la préface de Rétrofutur, Bertrand Piccard (initiateur et président de la Fondation Solar Impulse, NDLR) insiste bien sur le fait qu’on n’a pas pu embrassé toutes ces innovations. Et cela tient du fait que lorsqu’il y a une inertie industrielle sur un sujet, vous n’allez pas vous jeter sur une technologie disruptive. La technologie disruptive ne peut venir que de l’extérieur, hors monopole.

De l’extérieur, donc en dehors du monde industriel ?

Oui. Dans le système des brevets, il y a une fuite en avant : quand une technologie est passée dans le domaine public, il faut alors passer à autre chose. Nous disons au contraire que toutes les technologies sont déjà là pour la transition énergétique, dans le domaine public, et qu’elles appartiennent donc à la Terre entière. Nous intervenons au Japon, au Maroc, en Allemagne, en Angleterre… Nous documentons toutes ces innovations mais nous retrouvons aussi des plans pouvant servir à des étudiants et des start-up qui veulent faire de la « rinnovation », qui consiste à reprendre un outil intéressant qu’on actualise aujourd’hui. Ce travail est un accélérateur puissant, qui peut permettre de tacler le changement climatique.

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