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Au Portugal, une région minée par la guerre du lithium

Le lithium est devenu un élément crucial dans la transition énergétique mondiale, notamment pour la fabrication de batteries utilisées dans les véhicules électriques et les dispositifs de stockage d’énergie. En 2022, la demande mondiale de lithium a atteint environ 100 000 tonnes par an, et elle devrait tripler d’ici 2030, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Cette croissance exponentielle est principalement due à l’essor des véhicules électriques, dont les ventes mondiales ont augmenté de 55 % en 2022 pour atteindre 10,5 millions d’unités.

En Europe, la consommation de ce métal alcalin est notamment en forte croissance, soutenue par les politiques visant à réduire les émissions de carbone et à promouvoir la mobilité électrique. L’Union européenne prévoit que la demande de lithium pourrait être multipliée par 18 d’ici 2030. Dans cette optique, l’Europe cherche à développer sa propre production de lithium pour réduire sa dépendance vis-à-vis des importations, notamment en provenance du Chili, d’Australie, de Bolivie, d’Argentine et de Chine. En 2018, c’était pas moins de 86 % du lithium qui était importé. Au Portugal, comme en France, des projets de mines de lithium se mettent en place pour réduire cette dépendance.

Une des plus grandes réserves de lithium d’Europe au Portugal

Le Portugal, qui possède l’une des plus grandes réserves de lithium en Europe, est au cœur de cette dynamique. Le projet de mine de lithium à Covas do Barroso, dans le nord du pays, à 140 kilomètres au nord-est de Porto, est mené par la société Savannah Resources. C’est l’un des plus avancés du pays. Cependant, ce projet suscite des controverses en raison de ses impacts environnementaux et sociaux. Selon le quotidien portugais Público, les habitants locaux et les écologistes s’inquiètent des conséquences sur l’écosystème et le paysage. Malgré cela, le gouvernement portugais soutient le projet, espérant que l’extraction de lithium contribuera à l’économie locale et à la transition énergétique européenne.

Les préoccupations environnementales liées à l’exploitation minière du lithium sont au cœur des débats. Les impacts potentiels incluent la déforestation, la pollution de l’eau et la perturbation des habitats naturels. Les communautés locales ont exprimé leur opposition, soulignant que les bénéfices économiques ne devraient pas se faire au détriment de l’environnement et de leur qualité de vie. Le gouvernement portugais a promis de respecter des normes environnementales strictes et de consulter les communautés concernées, mais la méfiance persiste.

La grogne des habitants de Covas do Barroso

Comme le souligne le Huffington Post, Albina Eira, une résidente de 68 ans, incarne la résistance de cette communauté de 192 âmes, profondément attachée à son mode de vie traditionnel et à l’harmonie avec la terre. La région, reconnue comme patrimoine agricole mondial par les Nations unies en 2018, voit ses habitants s’opposer fermement à ce qu’ils perçoivent comme une menace pour leur environnement et leur culture séculaire.

La fronde contre le projet minier est massive, avec environ 90 % des résidents qui s’y opposent, selon Aida Fernandes, une figure de proue du mouvement de résistance. Les habitants, représentés par l’Associação Unidos em Defesa de Covas do Barroso, expriment leur inquiétude quant aux impacts potentiels sur leurs terres ancestrales et leur mode de vie agricole. Ils rejettent les arguments des promoteurs du projet, considérant que la préservation de leur patrimoine et de leur environnement est plus précieuse que les promesses de développement économique liées à l’exploitation du lithium.

En outre, il plane des soupçons de corruption. Soupçons qui ont conduit, en novembre 2023, à la démission du Premier ministre portugais d’alors, António Costa… Si les conditions d’attribution de concessions d’exploration de lithium semblent litigieuses, cela n’a pas suffi pour autant à mettre en pause le projet.

En France aussi, le projet de mine de lithium dans l’Allier fait grincer des dents

En parallèle, la France développe également un projet de mine de lithium à Échassières, dans l’Allier (Massif Central), mené par la société Imerys. Ce projet vise à exploiter une réserve estimée à 1 million de tonnes de lithium, ce qui pourrait couvrir une partie significative de la demande européenne. L’extraction du minerai pourrait permettre d’équiper quelque 700 000 véhicules électriques en 2028. Le gouvernement français voit dans ce projet une opportunité de renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe en matière de matières premières critiques. Si Guillaume Delacroix, directeur général Europe d’Imerys, évoque une « production de lithium bas carbone en circuit court« , le projet sera néanmoins très énergivore.

La consommation électrique totale des trois sites du projet – la mine, une station de chargement du minerai et un site métallurgique – est estimée à environ 446 000 mégawattheures par an. Cela équivaut à la consommation annuelle de 172 000 personnes. Soit… la moitié du département de l’Allier ! Les risques de pollution de l’eau font aussi grincer des dents. En la matière, l’étude d’impact promise par Imerys se fait attendre. Reste que le débat public sur le projet – organisé du 11 mars au 7 juillet 2024 – était purement consultatif.

Le 5 juillet dernier, un décret du Ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires a désigné la future mine de l’Allier comme « Projet d’Intérêt National Majeur ». Malgré les craintes des riverains, Imerys va donc une nouvelle étape dans la mise en œuvre de son projet de production de lithium pour batteries. Reste à savoir comment l’entreprise va répondre aux

À lire aussi : Du lithium éco-responsable ? Le pari fou d’une start-up française

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