Aymeric Caron : “J’ai honte d’appartenir à cette humanité”

Connu pour ses coups de gueule et ses valeurs antispécistes, Aymeric Caron livre aujourd’hui une théorie qu’il développe dans son livre Vivant : notre espèce, l’homo sapiens, est en train de s’autodétruire. Le seul moyen pour l’homme de perdurer serait de replacer la morale au cœur de ses préoccupations, en mettant sur un pied d’égalité tous les êtres vivants. Interview.

We Demain :  Dans votre livre, vous expliquez que notre espèce, l’Homo sapiens, est vouée à disparaître. Ou plutôt qu’elle doit disparaître pour que l’humanité perdure… 

Aymeric Caron : Il y a une erreur selon moi de vocabulaire : Homo sapiens veut dire homme sage, raisonnable, intelligent… Or, il est peut-être intelligent mais il n’est pas raisonnable et pas sage du tout, donc il ne devrait pas s’appeler sapiens. Il a des capacités cognitives élevées, qui lui ont permis de faire parfois le meilleur, mais surtout le pire. 
 
Il a généré l’anthropocène, c’est-à-dire la sixième destruction massive du vivant depuis l’apparition de la vie sur terre il y a 500 millions d’années. C’est une évidence, nous arrivons dans une impasse. Nous devons changer quelque chose. C’est ce que nous dit encore le rapport du GIEC paru il y a quelques semaines.
 
L’Homo sapiens va ainsi laisser la place à “l’Homo ethicus”. Comment seront ces nouveaux hommes ? 

Il y a déjà eu une quinzaine d’espèces d’Homos différents, pourquoi on s’arrêterait à sapiens ? Soit on disparait complètement parce qu’on détruit tout et on se détruit nous-mêmes, soit il va se passer quelque chose qui fera qu’une autre espèce du genre Homo aura la possibilité d’émerger.
 
Et selon moi il ne peut s’agir que d’un Homo que j’appelle Homo ethicus, c’est-à-dire un individu qui placera l’éthique au cœur de ses préoccupations. Là où aujourd’hui on voit bien que ce qui prime dans nos comportements c’est le court-termisme, le profit, l’égoïsme, l’argent, le confort matériel…
 
Vous considérez-vous comme un des premiers Homos ethicus 

Je fais partie en tout cas de ceux qui placent la morale et l’éthique au cœur de leurs préoccupations premières. Il y a plein d’Homo ethicus qui sont en germe, ou qui sont déjà là de manière très concrète. Mais ils sont en minorité. 
 
Il y a plein de manière de l’être. Tous ceux qui aujourd’hui s’engagent pour les droits des journalistes, de l’homme, de la femme… Mais qui le font en s’oubliant eux-mêmes, en plaçant en priorité leurs principes, leurs idéaux, sont en train d’inventer l’Homo ethicus.
 
Dans votre livre, vous utilisez des propos assez virulents pour qualifier l’humanité. Comme par exemple dans le chapitre “Prédateur”, vous écrivez “nous nous réfugions derrière un pseudo-statut d’espèce supérieure pour justifier les tueries de masse quotidienne dont nous sommes les auteurs. Alors que ces tueries sont des actes lâches, des actes de fainéants qui engraissent à force de ne plus bouger leurs gros postérieurs empiffrés”. Est-ce que vous englobez toute l’humanité dans ces définitions là ?

Je parle ici de ceux que j’appelle les “viandales”. Il y a quelque chose d’indécent, de vulgaire à avoir des gens qui s’empiffrent d’un gros bout de viande au mépris total de ce que veut vraiment dire ce bout de viande, de là d’où il vient, de ce qu’a pu endurer l’animal…
 
Quand je dis que j’ai honte d’appartenir à cette humanité, si ça peut faire réagir des gens qui se sentent bousculés, tant mieux. Je pense qu’à un moment il faut quand même qu’on regarde très honnêtement ce qu’on fait, les uns et les autres, et avoir l’honnêteté de reconnaître que la plupart des choses que nous faisons ne sont pas très vertueuses. Elles sont même assez détestables.
 
Qui sont les viandales ? 

Il n’y a pas de jugement moral, je ne dis pas “vous êtes des mauvaises personnes”. Je dis juste que, de fait, quelqu’un qui mange de la viande aujourd’hui est un viandale. C’est-à-dire quelqu’un qui vandalise la planète et les animaux qui l’habitent en les mangeant. C’est un fait. 
 
Que pensez-vous des confrontations entre vegans et bouchers qui se multiplient ces dernières semaines ? 

Je suis assez triste de voir la tournure que ça prend dans l’agressivité. J’ai des mots très durs dans mon livre, mais ils sont expliqués, mis en perspective pour susciter le débat. Dire à un boucher que c’est un assassin, c’est une réalité étymologique. Parce qu’un assassinat c’est un meurtre avec préméditation, sans consentement de la victime. Ce que disent les vegans actuellement, dans le fond, ils n’ont pas totalement tort, ils ont même presque raison sur tout. Mais c’est la manière qui est très choquante.
 
L’Homo ethicus sera-t-il 100 % vegan ? 

Oui bien sûr. On n’a pas besoin de manger de viande pour être en bonne santé. Qu’est-ce qui peut justifier le fait qu’on aille tuer un animal, si ce n’est le plaisir gustatif ? Mais le plaisir n’a jamais justifié moralement une action.
 
Dans votre chapitre “Honte” vous dites que vous avez honte de vous réveiller chaque matin dans ce monde. Qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin ?  

De moins en moins de choses. Ma fille. Ma femme. Mes animaux. Et en ce moment c’est à peu près tout.
    

Vivant, d’Aymeric Caron aux éditions Flammarion.
19,90€
Disponible le 14 novembre

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