Partager la publication "Bruno Latour, le penseur de l’écologie, est mort"
“Le plus célèbre et le plus incompris des philosophes français”. C’est par ces mots que le New York Times présentait en 2018 Bruno Latour dans un long article qui lui était dédié. Sociologue, anthropologue et philosophe des sciences, il est décédé dans la nuit du 8 au 9 octobre 2022 à Paris, à l’âge de 75 ans, a-ton appris par l’entremise de son éditeur, les Éditions La Découverte.
Sur Twitter, l’ancien candidat à la présidentielle Yannick Jadot (EÉLV) a tenu à exprimer son admiration pour Bruno Latour. “La France, le monde et l’écologie perdent un immense intellectuel. Nous perdons un compagnon d’une extraordinaire humanité, un homme qui, à chaque échange, à chaque lecture, nous rendait plus intelligents, plus vivants ! Toutes mes pensées à sa famille”, a-t-il écrit. Corinne Lepage ou encore Sandrine Rousseau lui ont également rendu hommage. De son côté, le Centre Pompidou a loué “un des philosophes français les plus influents dans le monde.”
Encensé à l’étranger, notamment dans les pays anglo-saxons, ce lauréat du prix Holdberg en 2013 et du prix Kyoto en 2021 reste assez méconnu du public français. Pourtant, il est considéré comme un des pionniers de la pensée écologiste. Et a publié de nombreux ouvrages de réflexion autour de la crise climatique. Véritable penseur global, il s’est intéressé à de très nombreux sujets. L’environnement, bien-sûr, mais aussi le droit, la modernité, la religion ainsi que les sciences et les techniques.
L’an passé, il avait dévoilé un ouvrage post-Covid, Où suis-je ? Leçons de confinement à l’usage des terrestres. Un livre dans lequel il expliquait que la pandémie et le changement climatique avaient révélé la nécessité de créer des “classes géo-sociales”. De nouvelles classes permettant de répondre politiquement aux urgences écologiques. “Le capitalisme a creusé sa propre tombe. Maintenant, il s’agit de réparer”, a-t-il écrit. Il expliquait aussi que : “Si nous en étions capables, l’apprentissage du confinement serait une chance à saisir. Celle de comprendre enfin où nous habitons, dans quelle terre nous allons pouvoir enfin nous envelopper — à défaut de nous développer à l’ancienne !”
Né en 1947 à Beaune, Bruno Latour a commencé dans les années 70 et 80 par se spécialiser dans les sciences. Mais plus que le but de la recherche, c’est la façon dont se pratique la recherche qui le passionne. Il s’intéresse à la vie dans les laboratoires et à la façon dont le contexte social et politique a un impact sur les études et découvertes scientifiques.
Puis, à partir des années 90, Bruno Latour se tourne encore davantage vers la sociologie et la philosophie. Son ouvrage Nous n’avons jamais été modernes, paru en 1991 aux éditions La Découverte, est un essai d’anthropologie symétrique, une réflexion sur la méthode scientifique et philosophique de la modernité. “Pollution des rivières, embryons congelés, virus du sida, trou d’ozone, robots à capteurs… : ces ” objets ” étranges qui envahissent notre monde relèvent-ils de la nature ou de la culture ?”, s’interrogeait Bruno Latour. Pour lui, il faut dépasser la séparation entre “nature” et “culture” – fondement des sociétés occientales – pour retrouver les liens avec le monde du vivant et en prendre la mesure.
De cette réflexion, le philosophe mettra en avant la notion de “Gaïa”, cette union de tous les mondes vivants. Une vision de la Terre sous le prisme écologique. Plutôt que de chercher à “sauver la planète”, Bruno Latour nous invite à comprendre comment toutes les vies – humaines et non humaines, la faune comme la flore – sont intimement interconnectées. “Être, c’ est durer ensemble”, comme aime à le dire le philosophe Patrice Maniglier.
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