Partager la publication "Ce Brestois a vécu 7 mois en ermite dans les Pyrénées"
Tout plaquer pour partir vivre seul dans une cabane au fin fond de la montagne. Ce peut-être une pensée furtive pour certains après une grosse journée de travail ou une dispute familiale. Pour Jacob Karhu, c’était un rêve d’enfant qu’il a finalement réalisé.
Étudiant à l’ENS de Lyon, ce dernier profite d’une année de césure pour partir vivre en ermite dans une cabane abandonnée à 1 700 mètres d’altitude dans les Pyrénées, perchée au dessus du village de Verdun, en Ariège. Cette cabane, il l’avait repérée lors d’un été en bivouac dans la région. Après s’être renseigné auprès de la commune, il obtient l’accord de son maire pour l’occuper pendant quelques mois, tout en la restaurant bénévolement. L’objectif : qu’elle puisse servir aux randonneurs de passage.
Il raconte son histoire, sous forme d’un journal de bord, dans l’ouvrage, Vie sauvage, mode d’emploi – L’ermite des Pyrénées (Ed. Flammarion) à paraître le 28 avril 2021.
Se lancer dans la vie sauvage
Le 4 avril 2018, le Brestois embarque donc dans un bus pour l’autre bout de la France. Arrivé au sommet, la neige est encore bien présente. “Quand je suis arrivé il faisait encore très froid, confie l’ex-ermite à WE DEMAIN. Malgré tous les vêtements que j’avais apportés, j’avais toujours froid. La première période était assez difficile à cause des conditions climatiques.”
Pour son voyage, ce polytechnicien diplômé d’un master de géosciences n’a emporté que deux sacs à dos. “J’ai vraiment pris le minimum. Pas mal de vêtements chaud, un sac de couchage, un matelas et quelques outils comme une hache, un couteau, quelques casseroles et gamelles, ou encore une tête de pioche pour commencer à creuser la terre” Un mois après son installation, ses parents viennent lui rendre visite pour lui apporter d’avantage de matériel, dont un panneau solaire construit avant le périple.
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Celui-ci lui permet d’avoir de l’éclairage dans la maisonnette, mais aussi de recharger ses appareils électronique, comme un appareil photo qu’il utilise pour filmer son aventure, qu’il raconte au fur et à mesure sur sa chaîne YouTube, qui compte aujourd’hui près de 140 000 abonnés.
Pour se ravitailler, le jeune ermite est obligé de se rendre au village, à 6 heures de marche, afin d’acheter des aliments de base, comme du riz, des lentilles ou de la farine. “Quand la neige a commencé à fondre, j’ai pu faire un potager”, raconte-t-il. “J’ai planté des graines que j’avais ramené, j’ai pu faire pousser des patates, des choux, des betteraves, des salades, des tomates… Je ramassais aussi quelques plantes sauvages, des fruits ou des champignons”. Une source plutôt proche de la cabane lui permettait en parallèle d’avoir de l’eau potable et de se laver.
Le manque de nourriture n’a pas toujours été facile durant ces sept mois d’exil. “Le fait de manger des fruits frais, des pastèques, des melons ou même un yaourt… Cela me manquait un peu”, avoue-t-il.
Une construction écologique
Malgré ces quelques difficultés, Jacob Karhu s’adapte à la vie de montagne et à la solitude, qu’il est venu chercher, dit-il. Cependant, il n’oublie pas son objectif premier de restaurer la cabane, dans laquelle il réalise de nombreux travaux. Celle-ci, en plus d’être devenue insalubre après le passage de squatteurs, était en très mauvaise état à son arrivée.
“Elle était mal isolée, il y avait du ciment qui était en train de se casser sur les murs… J’ai donc enlevé tout le ciment, j’ai refais des enduits avec de la chaux et de l’argile. J’ai également refait l’isolation de la toiture en enlevant la taule pour la remplacer par un toit végétal que j’ai réalisé avec des bâches étanches sur lesquelles j’ai mis des mottes de terre et de l’herbe pour une meilleure isolation et un côté plus esthétique”, détaille-t-il. Jacob Karhu a également installé des toilettes sèches à l’intérieur ainsi qu’une serre extérieure pour ses plantations. Il a aussi refait le mobilier : “J’ai construit des lits, des chaises, une table… Tout cela avec du bois de la forêt que j’ai découpé à la hache”.
Le plus important à ses yeux, c’est d’“oser faire les choses”. “Tout est dans le mental”, relativise-t-il. “Si le mental est là, le corps suivra, même s’il est parfois malmené, qu’il a un peu faim ou que c’est un peu dur physiquement.” Il conseille tout de même aux éventuels néo-survivalistes qui voudraient tenter une expérience similaire de ne pas se lancer sans connaissances. “C’est bien d’avoir les bases sur les différents types de construction ou sur les plantes. C’est important aussi d’y aller petit à petit, et d’augmenter le niveau de difficulté au fur et à mesure”, préconise-t-il.
Depuis son départ, le 10 octobre 2018, la cabane est accessible à tous les randonneurs de passage. Quant à lui, après un retour à la civilisation “un peu brutal”, il s’est finalement installé en Ile-de-France, où il travaille. “J’ai construit un dôme géodésique sur un terrain. Je vis avec une petite communauté, on est moins de dix. Avec cette expérience, j’ai compris que je n’avais pas envie de vivre seul toute ma vie”, conclut-il.