Partager la publication "Cette coopérative veut faire renaître les lignes de train abandonnées"
La ligne Bordeaux-Lyon avait été abandonnée par la SNCF en 2014. Pas assez empruntée, argumentait alors la compagnie ferroviaire, tandis qu’un rapport de la FNAUT (Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports) pointait du doigt un manque cruel d’investissements dans des infrastructures vieillissantes.
À l’époque, la FNAUT craignait la disparition progressive des intercités, ces lignes interrégionales chapeautées par l’État et non pas par les Régions, contrairement aux TER. Six ans plus tard, les chiffres lui donnent raison : la SNCF n’exploite plus que 9 lignes Intercités de jour, et deux lignes de nuit.
Aujourd’hui, c’est la réforme du pacte ferroviaire qui remet leur avenir en question. Adoptée en juin 2018, la loi entérine l’ouverture du rail français à la concurrence, ce qui comprend les lignes interrégionales : TER et Intercités.
Même si le gouvernement présente sa réforme comme un moyen “d’offrir aux voyageurs de nouveaux services et offres, ainsi que des tarifs plus avantageux“, dans les pays où le rail est déjà libéralisé, les résultats ne sont pas toujours si positifs. Au Royaume Uni, le prix du billet de train a augmenté en moyenne de 117 % depuis la privatisation du rail, et 58 % des Britanniques souhaiteraient la re-nationalisation des lignes ferroviaires.
Railcoop, une petite Société Civile d’Intérêt Collectif (SCIC) basée dans le Lot, espère profiter de cette libéralisation pour réinvestir dans les secteurs délaissées par les politiques publiques au cours des dernières années. C’est-à-dire le fret ferroviaire, les trains de nuit, et les liaisons interrégionales, notamment la fameuse ligne Bordeaux-Lyon, qu’elle prévoit de remettre sur les rails d’ici 2022. Les investissements dans le fret, quant à eux, sont prévus pour l’année prochaine.
“On serait une entreprise normale, cherchant du profit, on ne positionnerait pas sur ces lignes”, reconnaît Nicolas Debaisieux, directeur général de Railcoop, dans Le Point . “On n’a pas la pression financière des actionnaires, donc on peut accepter d’avoir des marges plus faibles tout en restant viables.”
Le 10 juin, la coopérative annonçait sur les réseaux sociaux avoir notifié à l’Autorité de régulation des transports son intention d’opérer sur cette ligne. Elle ambitionne de faire rouler trois trains par jours dans les deux sens, et d’aligner le prix du billet sur celui du covoiturage (38 euros en moyenne).
Le trajet sera beaucoup plus long qu’en TGV : 6h27 au total, malgré l’absence de changement à Paris. Mais la ligne a du potentiel, insiste la coopérative. Une étude de marché chiffre à 690 000 le nombre de ses potentiels voyageurs annuels. Une clientèle moins aisée que celle des TGV, prête à sacrifier un peu de son temps pour réaliser de belles économies.
À long terme, Railcoop envisage de se positionner sur d’autres lignes, comme Metz-Lyon ou Rennes-Toulouse. Des lignes jugées “non-rentables” par la SNCF, mais la coopérative ne cherche pas le bénéfice.
Le statut de SCIC impose à Railcoop de réinvestir au moins 57,5 % de ses bénéfices dans l’entretien des lignes, l’achat de nouveaux matériels… Nicolas et Alexandra Debaisieux, les deux frère et sœur à la tête de l’entreprise, assurent qu’ils iront jusqu’à 100 %. Pas de dividendes pour les sociétaires : ceux qui choisissent d’apporter leur part au capital de l’entreprise ne le font, a priori, que pour soutenir une alternative plus vertueuse à la SNCF et à ses futurs concurrents.
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Dans le cas de Railcoop, d’ailleurs, on ne peut pas vraiment parler de concurrence. L’objectif de la coopérative, assure Alexandra Debaisieux à Reporterre, est plutôt de prendre des parts de marché “à la voiture individuelle, à l’autocar, à l’avion”, des modes de transport bien plus polluants que le train. L’Ademe estime qu’un trajet national en avion émettrait environ 114,6 grammes d’équivalent CO2 par passager et kilomètre, contre 85,5 grammes pour la voiture individuelle, 58,5 grammes pour le car, 10,8 pour les trains grandes lignes et seulement 3,2 pour les TGV.
À ce titre, la coopérative prévoit également d’investir dans le fret, secteur largement délaissé par l’État (en France, moins de 10 % des marchandises circulent par train) et déjà totalement ouvert à la concurrence.
Mais ses projets ne pourront se concrétiser qu’à la condition d’obtenir un certificat de sécurité et une licence ferroviaire, qui ne lui seront attribués que si elle atteint au moins 1,5 million d’euros de capital social.
“Aujourd’hui nous avons dépassé les 1600 sociétaires, essentiellement des personnes physiques, pour un capital social de 495 000 euros environ”, explique Alexandra Debaisieux à We Demain. “Au rythme actuel de souscription, nous atteindrons la somme requise d’ici la fin de l’année.” Des négociations sont notamment en cours avec plusieurs collectivités situés le long de la ligne Bordeaux-Lyon pour les intégrer aux rangs des sociétaires.
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