Partager la publication "Comment le confinement nous force à repenser notre “chez-soi”"
Le premier confinement, décrété le 16 mars dernier, n’a pas seulement bouleversé le quotidien des Français. Il a également profondément transformé nos intérieurs.
Le télétravail, la continuité pédagogique, les nouvelles contraintes ont parfois conduit à transformer les pièces du logement : chambres en bureau, cuisines en salle de classe, salons en terrain de sport. Cet article s’écrit lui-même depuis une table de cuisine, reconvertie en base de travail provisoire depuis plus d’un mois.
Le logement accueille, parfois au forceps, l’ensemble des activités que nous pratiquons normalement à l’extérieur. Comme s’il devait assurer, à lui seul, la continuité de notre quotidien. Notre “Chez soi” n’est plus, comme l’écrivait la journaliste Mona Chollet dans son ouvrage éponyme, le “second vêtement” qui permet de “s’extraire de la multitude”, de “refermer une porte derrière soi, arpenter quelques mètres carrés où l’on est souverain, souffler, reprendre des forces”.
Selon un sondage Opinion Way publié le 20 avril, un quart des salariés en télétravail ont installé leur bureau dans une pièce qui n’était initialement pas prévue à cet effet. 60 % travaillent depuis leur salon. Difficile de se concentrer lorsqu’il faut débarrasser son plan de travail plusieurs fois par jour, pour manger ou permettre aux enfants de jouer.
“On ne travaille pas la comptabilité d’un client de la même manière selon si l’on est au bureau ou dans sa cuisine”, souligne Pascal Dreyer, auteur et animateur du groupe de travail Habitat et Autonomie chez Leroy Merlin Source. “Nous sommes rattrapés par la puissance prescriptrice de l’espace : c’est lui qui nous dicte ce que l’on doit faire.”
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Autre pratique, en pleine explosion avec le confinement : la visioconférence. Se réunir par webcams interposées implique souvent dévoiler une partie de son logement. Or, chacun ne vit pas forcément bien de montrer ses enfants, ses posters ou son étendoir à linge à des relations professionnelles. Les télétravailleurs doivent donc apprendre à gérer leur image, en tenant leur famille à distance, en trouvant des coins où ils ne révèlent pas trop d’eux-mêmes.
Depuis maintenant quelques années, on célèbre le cocooning, le “nesting” – idéal douillet et paresseux ayant pour emblèmes le plaid et les bougies parfumées. Mais que devient cet idéal quand nous restons dans notre bulle, non plus par choix, mais par obligation ?
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Le cocooning forcé est supporté d’autant mieux que la maison est agréable : le confinement met en évidence l’importance de l’espace dont nous disposons, sa luminosité, la possession d’une “chambre à soi” si chère à Virginia Woolf, ou d’un extérieur. La situation se révèle en revanche plus dure pour les moins bien logés : selon une enquête Ifop parue le 8 avril, plus d’un Français sur dix se retrouve confiné sans pouvoir accéder à un jardin, une terrasse ou un balcon…
Dans tous les cas, le confinement vient toutefois brouiller le rapport que nous entretenons avec notre intérieur. “Le chez-soi est une création personnelle, qui n’a de sens que parce qu’il s’articule à un extérieur”, rappelle Pascal Dreyer.
Qui ajoute : “On a observé, pendant le premier mois du confinement, que les gens faisaient beaucoup de tri, de rangement. Ils ont utilisé la période pour se réapproprier leur espace. Mais cette dynamique se heurte aujourd’hui à l’impossibilité de sortir, acheter des éléments de bricolage ou de décoration.”
“Le chez-soi est un dialogue entre l’être et l’avoir. La situation actuelle remet en lumière la question de l’être, que l’on avait un peu négligé.”
Construire des logements plus personnalisés et résilients Comment alors conserver une relation sereine avec son chez-soi ? En profitant de la période pour projeter son imaginaire, en dessinant par exemple sa maison de confinement idéal , ou développer sa créativité, en découvrant comment jardiner dans de petits espaces.
Le confinement est enfin, souligne la journaliste Catherine Sabbah dans Le Monde , une opportunité de re-penser en profondeur la question de l’habitat : “La production de logements a été tellement standardisée au cours des trente ou quarante dernières années… (…) On se dit on va faire des T1, des T2, des T3, des T4, sans se soucier des gens qui vont y vivre.”
Le développement du télétravail, les familles recomposées ou encore les enjeux écologiques devraient aujourd’hui encourager à construire des logements plus modulables, plus personnalisés, plus autosuffisants en énergie, en eau ou en alimentation, plus résilients enfin face aux crises à venir.
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“Il y a des manières de penser les plans autrement, pour rendre les logements plus vivables, notamment en période de crise. (…) Alors qu’ils se retrouvent eux-mêmes réduits au statut d’habitants, peut-être les promoteurs vont-ils enfin s’y intéresser ?”
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