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Contre la douleur, du cannabis plutôt que du paracétamol  !

Cette chronique a initialement été publiée dans le numéro 31 de la revue WE DEMAIN. Retrouvez la chronique du nutrithérapeute Jean-Paul Curtay dans chaque numéro.

Les antalgiques et anti-inflammatoires sont parmi les médicaments les plus consommés dans le monde. En France, on trouve en tête de tous une des nombreuses formes de paracétamol, le fameux Doliprane, avec plus de 100  millions de boîtes vendues chaque année. Seulement voilà, le para­cétamol a de petits inconvénients : il anéantit par exemple notre principal protecteur contre les infections et la pollution ! Un surdosage très facile à atteindre s’avère être la première cause de greffe du foie en France. Les anti-inflammatoires sont dans le tiercé de tête des médicaments qui tuent. On sait qu’aux États-Unis, la crise des opioïdes (comme la codéine et le fentanyl) a tué plus de 300 000 personnes depuis 2000. En France, le nombre de décès par overdose d’opiacés a bondi de 146  % entre  2000 et  2015. De plus, benzodiazépines et opioïdes induisent des dépendances.

Pour soulager les 12  millions de Français souffrant de douleurs chroniques, il existe une alternative infiniment meilleure à ces médicaments courants mais dangereux  : le CBD, ou cannabidiol. Moins connu que le THC (tétrahydro­cannabinol), qui donne aux joints leurs effets psychotropes, il s’agit comme lui d’un cannabinoïde, mais qui n’est pas interdit par la loi. Des médecins français auront bientôt la possibilité de prescrire des dosages mélangeant ce principe actif du cannabis avec du THC. L’expérimentation du cannabis thérapeutique devait même commencer en ce mois de septembre. Reportée en raison du Covid-19, elle débutera finalement en janvier 2021.

Israël en pointe

Le cannabis médical a, ces dernières années, été l’objet de nombreuses études qui ont montré de puissantes actions anti-inflammatoires, antalgiques, et aussi anti-nausées. C’est ce qui a amené son utilisation médicale, expérimentale ou institutionnalisée, dans de nombreux pays d’Europe et d’Amérique du Sud, ainsi qu’au Canada et dans plus de la moitié des 50 États Américains. L’un des pays les plus en pointe dans le domaine est Israël, où plus de 45 000 patients sont traités avec du cannabis.

En France, seules 3 000 personnes participeront à la phase expérimentale de deux ans qui s’ouvrira en janvier. Pourtant, le potentiel du cannabis pourrait être bien plus vaste. Ses bienfaits actuellement reconnus concernent les douleurs neuro­pathiques créées par des dommages sur les nerfs – les plus résistantes aux antalgiques habituels –, la spasticité musculaire dont souffrent les patients atteints de sclérose en plaques ou ceux qui sortent d’un accident vasculaire cérébral, ainsi que les effets secondaires des traitements des cancers (en particulier les nausées). Les personnes en soins palliatifs et les épileptiques, dont les traitements habituels ne sont pas efficaces, sont aussi concernées. Rien que pour les douleurs chroniques non contrôlées, cela fait autour de 4  millions de Français.

Vers une dépénalisation ?

Mais qu’en est-il du cannabis pour ceux que ces maladies graves ne concernent pas ? Dans plusieurs pays, l’utilisation « récréative » a été décriminalisée (Pays-Bas, Luxembourg, Belgique, Suisse, Espagne, Royaume-Uni…), voire légalisée (Afrique du Sud, Pérou, Canada…). La question revient souvent en France, le pays d’Europe qui détient à la fois la plus forte proportion de consommateurs et l’une des lois les plus répressives en la matière. Soit un échec patent en termes de santé publique ou de pragmatisme fiscal.

Il est évident que la dépénalisation pose certains problèmes. À commencer par les jeunes, chez qui son usage peut provoquer des chutes de performances intellectuelles, des décrochages scolaires et une multiplication par trois des risques de schizophrénie. Cette crainte est à relativiser : les études montrent que l’ouverture de boutiques de cannabis (avec un âge limite) provoque un effondrement des marchés noirs, et donc une baisse notable du nombre d’adolescents consommateurs. Un autre risque sérieux est la conduite sur la route après avoir consommé du cannabis sous forme de joints, qui présente les mêmes dangers que l’alcool.

Reste une solution qui pourrait satisfaire tous ces problèmes de santé publique : la possibilité d’encourager la consommation du seul CBD, qui n’a pas d’effets psychoactifs. Il n’a pas non plus d’autres effets secondaires négatifs notables jusqu’à 1,2 g – alors que les effets commencent à 25 mg et qu’il n’y a pour le moment pas de justification à prendre plus de 100 mg par jour. En outre, des études indiquent qu’il permet de lutter contre les dépendances, même aussi graves que celles à l’héroïne. Au vu de son excellent profil bénéfices/risques, il serait idiot de ne pas donner sa chance au CBD. 

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