Partager la publication "EACOP : le Parlement européen condamne le projet pétrolier de TotalEnergies en Afrique"
C’est un camouflet pour TotalEnergies, même si l’énergéticien n’est pas contraint par cette résolution d’urgence. Jeudi 15 septembre 2022, le Parlement européen a adopté, avec une large majorité, une résolution commune dénonçant l’East African Crude Oil Pipeline (EACOP). Il s’agit d’un projet pétrolier pharaonique en Ouganda et en Tanzanie. S’il voit le jour, EACOP deviendrait le plus grand pipeline chauffé au monde. Un oléoduc initié par TotalEnergies, à cheval sur ces deux pays d’Afrique.
Des nappes de pétrole ont en effet été localisées sous et aux abords du lac Albert. C’est un des plus grands lacs d’Afrique, long de 160 km. Il est situé à la frontière entre la République démocratique du Congo et l’Ouganda. Pour exploiter cette ressource fossile et la transporter jusqu’à l’océan indien, TotalEnergies – aidé du chinois Cnooc – a imaginé un énorme tuyau chauffé (à plus de 50 °C) sur 1 443 km. Le projet traversera nombre d’aires naturelles protégées. Et il est prévu de creuser plus de 400 puits, dont 132 dans la zone naturelle protégée des Murchison Falls.
Des violations des droits de l’Homme dénoncées par le Parlement européen
Dans le cadre de cette résolution, les députés européens dénoncent un projet avec “des incidences graves et délétères pour les populations situées dans les zones d’extraction pétrolière et dans celle de l’oléoduc”. Ils signalent aussi “les arrestations, les intimidations et le harcèlement judiciaire dont sont victimes” les membres d’ONG locales qui luttent contre le projet.
Le Parlement rappelle que “118 000 personnes sont concernées par ces projets pétroliers. Certaines ont vu leurs logements détruits pour faciliter la construction des routes d’accès ou de l’usine de transformation. D’autres ont vu leurs terrains réquisitionnés, en totalité ou en partie, et ont perdu le libre usage de leurs biens. Et donc leurs moyens de subsistance.” Et ce, “sans que leur ait été versée au préalable une indemnisation juste et suffisante.”
EACOP : une aberration écologique alors que le réchauffement climatique s’accélère
Dans sa résolution, le Parlement estime que “le projet mettra en péril des réserves et des habitats naturels.” Il pointe aussi du doigt le fait que “l’extraction de pétrole en Ouganda engendrerait jusqu’à 34 millions de tonnes d’émissions de carbone par an” à compter de 2030, début de l’exploitation.
Or, le rapport du GIEC et celui de l’Agence internationale de l’énergie de 2021 ont tiré le signal d’alarme. Ils stipulent que “si l’on veut limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C afin de parer aux conséquences les plus dévastatrices du changement climatique, il est impératif d’arrêter sur-le-champ les nouveaux travaux d’exploitation pétrolière et gazière.” C’est pourquoi, le Parlement suggère d'”envisager d’autres projets reposant sur les énergies renouvelables.”
Toutes les parties prenantes d’EACOP interpellées par le Parlement européen
Conséquence de toutes ces dérives en matière de droits de l’Homme et de protection de l’environnement, la résolution commune “demande que l’Union européenne et la communauté internationale exercent la pression la plus forte sur les autorités ougandaises et tanzaniennes. Mais aussi sur les porteurs et acteurs du projet.” Objectif : “qu’ils protègent l’environnement et mettent fin aux activités d’extraction dans des écosystèmes protégés et sensibles. Y compris sur les rives du lac Albert. Et qu’ils s’engagent à employer les meilleurs moyens disponibles pour préserver la culture, la santé et l’avenir des communautés touchées.”
Les eurodéputés enjoignent aussi la multinationale française à reporter d’un an le lancement de l’oléoduc géant. Le but est d’“étudier la faisabilité d’un autre itinéraire permettant de mieux préserver les écosystèmes protégés et sensibles et les ressources en eau de l’Ouganda et de la Tanzanie. Et ce, dans l’espoir “de limiter la vulnérabilité des bassins hydrographiques de la région des Grands Lacs africains.” Au lendemain de ce vote, non contraignant mais néanmoins très dommageable à TotalEnergies et à ses investisseurs, l’énergéticien n’a pas encore réagi.