Partager la publication "Eau douce : une nouvelle limite planétaire est dépassée"
Le cycle de l’eau est bouleversé. Et c’est l’humanité toute entière qui est en la cause. Selon des scientifiques, c’est toute la dynamique du système terrestre qui est déséquilibrée avec ce nouveau changement brusque. Le cycle de l’eau inclut l’eau bleue (les rivières, les lacs et les nappes phréatiques) mais aussi désormais l’eau verte : les précipitations, l’évaporation et l’humidité du sol. Et cette eau verte est cruciale pour l’équilibre de la planète. Or, les chercheurs du Stockholm Resilience Center* estiment que cet équilibre a été “considérablement transgressé”.
Au point qu’ils affirment que nous avons franchi une “sixième limite planétaire”, dans un article publié le 26 mars 2022 dans la revue Nature Reviews Earth & Environment.. Les derniers signaux sont alarmants. Par exemple, l’humidité du sol, trop faible, ne peut plus compenser les sécheresses qui frappent de plus en plus la planète. La conséquence est une hausse de la mortalité des plantes, notamment des espèces tropicales. Celles-ci ne sont pas taillées pour résister à la moindre sécheresse. En outre, l’étude souligne que ces modifications de l’humidité du sol risquent de transformer profondément les terres. Au point qu’elles pourraient devenir une source de carbone d’ici le milieu du siècle (aujourd’hui, elles sont neutres).
Pourquoi un tel revirement pour le cycle de l’eau douce ? Jusqu’à présent, cette limite planétaire ne prenait en compte que l’eau bleue. Celle des rivières, des lacs et des eaux souterraines. Dans leur nouveau calcul, les scientifiques ont ajouté tout ce qui est évaporé ou absorbé et évapotranspiré par les plantes. C’est ce qu’on appelle l’eau verte, et qui retourne directement à l’atmosphère. Cela représente 60 % de la masse des précipitations, contre 40 % pour l’eau bleue.
Cette dernière, qui circule, est ensuite transformée par l’irrigation en eau verte, que les plantes consomment sur place. Mais si trop peu d’eau se transforme en eau verte (à cause de l’agriculture intensive ou de la destruction des forêts par exemple), la situation peut basculer. En englobant davantage de critères, les indicateurs sont passés au rouge pour l’eau verte.
Ce concept scientifique établit qu’il y a neuf limites planétaires sur Terre. une manière d’informer le grand public sur les risques de changements environnementaux brusques globaux. Ces limites sont : le changement climatique ; l’érosion de la biodiversité ; la perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore ; les changements d’utilisation des sols ; l’acidification des océans ; l’utilisation mondiale de l’eau verte ; l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique ; l’augmentation des aérosols dans l’atmosphère et l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère.
L’idée est de comparer la situation actuelle avec celle de l’Holocène. Cette période, qui remonte à il y a 11 000 ans, est considérée comme climatiquement stable. Elle sert donc de comparateur objectif. Le franchissement d’une limite implique le risque de réactions en chaîne, de transformations irréversibles. Des bouleversements qui pourraient déséquilibrer à un tel point la planète que la viabilité de notre environnement pourrait être remise en cause. Et donc celle de toutes les espèces vivantes,
“C’est un signal d’alarme nécessaire pour arrêter la façon dont nous utilisons et modifions l’eau verte, déclare l’autrice principale de l’article, Lan Wang-Erlandsson du Stockholm Resilience Centre de l’Université de Stockholm. Nous modifions profondément le cycle de l’eau.”
Au point que cette déstabilisation du système terrestre affecte désormais la santé de la planète entière, la rendant nettement moins résistante aux chocs environnementaux. “L’eau est fondamentale pour tout organisme vivant sur Terre. Il y a tellement de choses qui sont interconnectées, et qui sont bouleversées actuellement d’une manière sans précédent”, souligne Lan Wang-Erlandsson, notant que les impacts sur le cycle de l’eau sont motivés par de multiples actions humaines bien au-delà du prélèvement pour la consommation.
Johan Rockström, directeur du Potsdam Institute for Climate Impact Research et co-auteur de l’article publié dans Nature, confirme. “Cette dernière analyse scientifique montre comment nous, les humains, poussons l’eau verte bien au-delà de la variabilité que la Terre a connue pendant plusieurs milliers d’années au cours de la période holocène.”
“Avec six des neuf frontières planétaires déjà transgressées, la résilience du système d’exploitation terrestre dans son ensemble est désormais assez faible, prévient Lan Wang-Erlandsson. La détérioration persistante du fonctionnement des systèmes terrestres va augmenter les risques. L’humanité doit agir pour inverser ces changements croissants et revenir à nouveau dans une zone de sécurité.”
*Le Stockholm Resilience Center a travaillé en collaboration avec des collègues d’Allemagne, des Pays-Bas, de Finlande, d’Autriche, d’Australie, des États-Unis et Canada pour mettre à jour leurs estimations.
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