Partager la publication "En Patagonie, course contre la montre pour sauver le très rare huemul"
L’Américaine Jo Anne Smith-Flueck et son mari suisse Werner Flueck, deux biologistes, ont dédié leur vie au huemul. Animal endémique d’Argentine et du Chili, ce cerf vit dans la région des forêts patagoniennes et de la cordillère des Andes. C’est le cervidé le plus méridional de la planète mais il n’en reste plus que quelques centaines de specimen. Une espèce parmi tant d’autres sur la liste des animaux menacés d’extinction.
L’animal figure sur la liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). On estime qu’il y a encore entre 350 et 500 huemuls vivants en Argentine et un petit millier au Chili. Trois raisons expliquent sa situation critique. La première est la réduction de son habitat (urbanisation, agriculture). La deuxième, qui est la conséquence directe de la première, ce sont les maladies transmises par le bétail domestique. Enfin, la troisième cause est la chasse. Celle-ci est pourtant interdite depuis 1996 au Chili.
Une lutte pour la survie du huemul depuis les années 80
Un couple de scientifiques, notamment, s’efforce de faire en sorte que l’espèce ne soit pas définitivement rayée de la surface de la Terre. Dans le milieu des années 80, le Suisse Werner Flueck, étudiant en biologie, déménage aux États-Unis pour faire son doctorat sur la faune sauvage dans une université de Californie (Cal Poly Humboldt). Il y rencontre Jo Anne Smith-Flueck, elle aussi étudiante en biologie. Une fois diplômés, sur les conseils d’un professeur, ils décident de consacrer leurs recherches à deux espèces alors déjà en danger d’extinction : le huemul et le cerf élaphe de Patagonie.
Afin de mener à bien leur mission, ils déménagent et s’installent en 1990 à San Carlos de Bariloche. Cette ville argentine est située au bord du Nahuel Huapi, un grand lac glaciaire entouré par la cordillère des Andes. “Nous avons décidé de venir en Argentine comme une aventure, pour vérifier si le huemul et le cerf élaphe étaient éteints ou si les populations subsistaient”, explique Werner Flueck.
Aussi emblématique que le condor en Patagonie, le huemul est un cervidé de taille est moyenne (80 cm de haut pour les femelles et jusqu’à 1 mètre pour les mâles) et d’apparence robuste.
Une proie facile car peu timide vis-à-vis de l’homme
Comment le huemul a pu passer de quelque 300 000 têtes estimées il y a quelques milliers d’années à moins d’un demi millier aujourd’hui ? À l’instar du Dodo disparu il y a quelques siècles, le huemul est peu méfiant envers les humains. Lorsque les colons sont arrivés en Patagonie, l’animal a donc rapidement constitué une proie facile. “On disait même qu’on pouvait tuer cet animal à la main, simplement avec une pierre ou un bâillon. Pas besoin de fusil, souligne Werner Flueck. Les huemul ne considèrent pas l’homme comme un prédateur. C’est un animal qui vous voit et qui n’a pas peur. Il est presque domestiqué.”
En outre, le développement de l’agriculture (et des maladies liées au bétail) et la multiplication des zones urbaines ont forcé l’animal à migré en altitude. À l’origine, ce cervidé vivait sur des terrains découverts, au pied des montagnes. Peu à peu, il a été forcé de se retirer dans des zones plus sauvages. Or, il ne trouve pas la même nourriture en altitude. En conséquence, cela a créé des problèmes squelettiques et limité son espérance de vie moyenne. Autant d’obstacles qui ont eu un impact très net sur la survie de l’espèce.
Une fondation pour sauver le huemul
En 2013, le couple de biologistes a décidé de créer la Fondation Shoonem. Du nom cerf des Andes du Sud dans la langue du peuple Tehuelche. Financée par le mécénat, cette Fondation s’est donnée pour objectif de recréer une réserve protégée. Il s’agit d’une zone de protection en basse altitude où des huemul peuvent se nourrir à nouveau sainement et en abondance. Et où ils seront protégés des menaces.
“Il était très important de parvenir à la réintroduction des animaux, ce qui ne pouvait se faire qu’avec un centre d’élevage”, indique le biologiste. L’an passé, en novembre 2022, le Centre de réadaptation, un parc d’une centaine d’hectares clôturé, a accueilli sa toute première naissance en semi-captivité. Une première dans le pays en 70 ans. Le bébé huemul a été baptisé Shehuen, ce qui signifie “source de lumière”.
Une nouvelle de bon augure dans l’espoir de sauver l’espèce. Une nécessité absolue selon Werner Flueck : “En Patagonie , le huemul est essentiel car c’est le seul cerf herbivore. S’il disparaît, de nombreux autres aspects de l’écosystème changeront. Et nous savons que, plus la végétation et les animaux sont en bonne santé, meilleur sera le contrôle de l’eau et du climat.”
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