Partager la publication "Fruit Rescue : au secours des arbres fruitiers face au réchauffement climatique"
Une rondeur parfaite, une surface toute lisse et une belle couleur rouge. La pomme que vous venez d’attraper, au rayon fruits du supermarché, vous semble un banal produit de l’agriculture moderne ? Son histoire va vous surprendre. Cette Pink Lady puise ses origines en Asie centrale, dans les forêts du Kazakhstan, où poussent encore ses ancêtres sauvages, plus petites… et nettement moins digestes. Elles partagent pourtant une partie du génome de votre pomme rouge. Et un ennemi, le changement climatique.
Amandine Cornille, chercheuse en génomique évolutive des plantes et des insectes au CNRS, nous explique pourquoi : “Vous avez entendu parler des gelées tardives de l’an passé ? L’augmentation des températures va impliquer une floraison beaucoup plus précoce et donc des problèmes de production. On le voit sur les fruitiers en culture, mais aussi sur leurs apparentés sauvages dont la pollinisation et donc la reproduction sont impactées.” Ajoutez-y la dégradation des habitats, les hybridations entre pommiers cultivés et sauvages, … Vous avez un panorama des dangers qui guettent la pomme.
La bonne nouvelle, c’est qu’on peut l’aider à résister. Pour découvrir comment les pommiers s’adaptent aux évolutions du climat, et plus largement les arbres fruitiers des zones tempérées européennes, la scientifique a lancé le projet Fruit Rescue. Son but ? Établir une carte montrant “quels fruitiers vont pouvoir être cultivés, et dans quelles régions, ces 30, 50, 100 prochaines années.”
Un support essentiel pour penser l’avenir de notre souveraineté alimentaire, qui pourra être utile aux agriculteurs et agricultrices comme à tous les acteurs de l’alimentation. Ce n’est pas un hasard si la Fondation BNP Paribas a choisi de soutenir ce projet jusqu’en 2025 dans le cadre de son programme “Climate & Biodiversity Initiative”. Une aide qui permettra d’étendre l’étude aux abricotiers et pêchers, mais aussi aux oliviers et à la vigne.
Une partie du travail d’Amandine Cornille a lieu en laboratoire. Elle et ses équipes y décortiquent le génome des pommiers de culture et de leurs “apparentés sauvages”. Leurs différences tiennent à 1 500 ans de domestication humaine de la pomme, objet de nombreux croisements, puis à l’essor récent des programmes d’améliorations génétiques. Le gros fruit sucré du supermarché en est l’illustration triomphante. Comme la Pink Ladie ou la Golden Delicious issues d’une même variété d’un ancêtre sauvage venu d’Asie centrale, la célèbre Granny Smith possède aussi sa lointaine aïeule des bois, européenne cette fois, que l’on trouve notamment en forêt de Fontainebleau.
Quelles réponses ces arbres ont-ils développées à l’évolution du climat à travers les siècles ? C’est ce que cherche à savoir l’équipe de scientifiques, pour identifier les plus à même de résister aux aléas de demain : ravageurs, hausse des températures… Certains l’ont déjà fait avec brio. “Il y a environ 20 000 ans, lors d’un refroidissement climatique, le pommier sauvage européen a migré vers le sud. Et il y a environ 10 000 ans, le réchauffement l’a vu recoloniser le nord de l’Europe. On sait que les espèces sauvages ont le potentiel pour le faire.“
Le projet Fruit Rescue ne se cantonne toutefois pas aux laboratoires. Il se prolonge dans de nombreux vergers aux quatre coins de la France, mais aussi en Roumanie, en Espagne ou en Allemagne. D’autres suivront en Grèce (pour les abricotiers) ou au Maghreb (pour les oliviers). Sur ces parcelles, on recoupe les données obtenues en labo en suivant l’évolution des arbres : temps de floraison, le temps de débourrement, de croissance…
Ces vergers sont aussi de précieuses banques génétiques. Dans un but très concret là encore : conserver les variétés les plus à même d’être cultivées dans le futur, mais aussi les plus à même de recoloniser des espaces sauvages menacées par le réchauffement et l’hybridation. Pour y parvenir, “il faudra rouvrir des espaces naturels, mais la biodiversité est une dynamique constante et la vie trouve toujours son chemin”, positive la chercheuse.
Pour élargir le cadre de son étude et atteindre le grand public, Amandine Cornille en appelle aujourd’hui à celles et ceux qui ont des pommiers dans leur jardin : “Vous pouvez intervenir en mesurant les arbres fruitiers, leur temps de floraison, de débourrement, leur production… On va faire des annonces à ce propos.”
Et si le changement climatique remet en question les variétés que nous plantons, la scientifique rappelle qu’il doit aussi interroger nos façons de cultiver. “Les monocultures ont favorisé la colonisation des parasites et pathogènes. Si on mixe les variétés à l’intérieur des vergers et qu’on plante des haies, on crée toute une dynamique qui va permettre de les éliminer. Après, ce sera peut-être moins productif que la monoculture… et encore on ne sait pas.“
Nos modes de consommation devront également suivre. “Une pomme parfaite n’existe pas, en tout cas pas sans traitement. Il faut s’habituer à ne plus avoir de pommes visuellement magnifiques”, préconise Amandine Cornille. Tout en rappelant qu’en matière de climat comme de biodiversité, la politique des petits pas ne suffit pas. “Il faut que des décisions se prennent à un niveau beaucoup plus haut.”
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