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Gstaad Menuhin Festival : quand la musique est bonne… pour l’écologie

« Regardez, même le glacier Wildhorn est affecté par le réchauffement climatique. Lorsque j’étais enfant, c’était blanc tout l’été, et il faut désormais grimper à plus de 5 000 mètres pour que le service météorologique suisse enregistre la limite du zéro degré« . Au sommet de l’Eggli, montagne imposante du Saanenland, Christoph Müller ne veut pas seulement lancer son label Mountain Spirit, une expérience de concert en altitude.

Il veut aussi passer à la vitesse supérieure dans sa démarche de sensibilisation à l’écologie. Quitte à brouiller les codes habituels de la musique classique. « Je ne suis pas un producteur de divertissement mais un acteur culturel et, à ce titre, les questions de l’humanité me concernent. La musique ne changera pas le monde à elle seule, mais elle peut y contribuer. »

Christoph Müller, directeur artistique des Gstaad Menuhin Festival & Academy. Crédit : Adrian Moser.

À Gstaad, un festival sous le thème de la transformation

En 2023, le festival avait pour thème « l’humilité ». On y avait vu la célèbre violoncelliste Patricia Kopatchinskaja diriger un orchestre en diffusant des photos et vidéos choc illustrant la fragilité de l’homme face à la Nature. Ambassadrice pour le climat, « PatKop » avait décontenancé une partie du public. Et elle récidive. Cette année, le thème choisi était « la transformation« .

Car le festival se veut exemplaire en étant « vertueux » et « sobre » tant pour la programmation que la gestion. Pour les organisateurs, le pari est risqué. Les concerts « Music for the Planet » sur la sensibilisation du public à ce thème par le biais du contenu artistique, attirent-ils autant de monde que les traditionnelles soirées Mozart ou Beethoven ? Les chiffres des fréquentations sont rassurants.

« Il y a toujours la partie la plus âgée du public qui ne comprend pas les messages ou rigole, mais nous sentons une maturation des spectateurs qui recherchent du sens dans ce qu’ils vont écouter« . Et de citer en exemple le spectacle Venezia and Beyond, évoquant la cité menacée par la montée des eaux, qui a fait salle comble.

Patricia Kopatchinskaja, violoncelliste et militante écologiste, expliquant sa démarche dans le cadre du Gstaad Menuhin Festival. Crédit : Adrian Moser.

La question du voyage des festivaliers

« En créant des incitations et en sensibilisant les gens, nous nous adressons à la partie la plus importante des émissions, qui est aussi celle qui pose le plus de défis : le voyage des festivaliers. » Le calcul de l’ensemble des émissions de CO2 en collaboration avec la fondation suisse My Climate a montré en effet que plus d’un tiers des émissions totales du festival évaluées en tonnes de CO2 sont dues aux voyages aller et retour en voiture des festivaliers.

Aussi, une première étape importante est-il de rendre l’accès en transports publics plus attractif. Désormais, tous les détenteurs de billets ont la possibilité de voyager en train avec Railaway CFF avec un rabais de 20 %. De même, le « Festival Bus » relie Zurich et Lausanne à Gstaad. Il amène les visiteurs directement aux concerts sous la Tente du Festival et organise le retour.

Responsabiliser aussi les musiciens du Gstaad Menuhin Festival

Pour réduire l’empreinte carbone du festival, l’ancien violoniste professionnel mise aussi sur la responsabilisation des musiciens. « Il a fallu négocier autant que pour les cachets et les négociations ont été âpres pour bousculer les habitudes en matière de transports. » Les orchestres ont été incités à utiliser le réseau ferroviaire suisse (SBB ou CFF) pour rejoindre cette station depuis Lausanne ou Genève.  « La qualité artistique importe mais s’ils viennent en transports public, c’est encore mieux. » Dans ce souci de durabilité, on peut citer aussi le recours aux véhicules électriques, les commandes de produits locaux ou l’utilisation massive des matériaux recyclés.

L’évaluation de l’empreinte carbone du festival est confiée à la fondation suisse My Climate. « Les émissions totales s’élèvent à 2 309 tonnes de CO2 pour une année entière de festival, ce qui inclut non seulement le festival en lui-même mais aussi sa préparation en amont), et correspond peu ou prou, pour 25 700 spectateurs par an à 80 kilos par spectateur et par concert, indique la sustainability manager. L’objectif est de passer bien en dessous les 2000 tonnes. »

Tout en intensifiant la transition écologique de cet événement, l’ »acteur culturel » nous confie qu’il a aussi en tête un projet de festival musical écologique qui se déroulera au bord du lac Majeur, dans la ville d’Ascona, à l’automne 2026.

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